Ce style d’édifice religieux est typique des Pyrénées catalanes, d’un côté comme de l’autre de la frontière. Rencontre avec René Magna, créateur du musée de Serralongue, un petit village des Pyrénées-Orientales qui détient un de ces vestiges architecturaux.
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Guerres, pandémies, invasions, sécheresse, grêles. Comme son nom l’indique, le conjurador servait à conjurer le sort et tout ce qui pouvait porter atteinte aux peuples qui vivaient dans ces contrées éloignées. “On priait Dieu de différentes façons”, nous explique René Magna et “ces édicules sont caractéristiques de notre région mais côté espagnol, ils appellent cela des pregadores (lieu où l’on prie), pourtant ce sont les mêmes monuments”.
Faire face au danger
Dans le conjurador nous retrouvons quatre statues des évangélistes orientées vers les points cardinaux. Saint Luc est au sud, saint Matthieu au nord tandis que saint Jean est au levant et saint Marc au couchant. L’usage était d’implorer le saint qui faisait face au danger contre lequel on priait pour se prémunir. Néanmoins, la conjuration va s’estomper vers le milieu du XVIIe siècle. À l’origine, cet édicule de trois mètres sur trois avait une toiture en tuiles romanes mais lors de la dernière restauration faite par les comtes en 1792, ils avaient installé des lauzes (pierres plates). Malheureusement à l’heure actuelle et pour des raisons économiques, la Délégation régionale des affaires culturelles (DRAC) de Montpellier a fait poser des ardoises.
Une forme de superstition
Pour René Magna, ces monuments d’inspiration ibérique ont une origine païenne qui seraient peut-être inspirés de la longue invasion maure en Espagne. Sans pour autant avoir de preuves irréfutables, René Magna rappelle “qu’au cours du Moyen Âge et dans les temps qui suivirent, les gens avaient besoin de recourir à toutes sortes d’implorations divines, c’est pourquoi les conjuradors ont commencé à fleurir”. Messes noires et incantations pouvaient aussi y avoir cours, d’ailleurs “même aujourd’hui au XXIe siècle, je vois des visiteurs dans le musée de Serralongue, qui sont par terre, les bras en croix et qui font toutes sortes d’incantations… Autant dire qu’au XIIe siècle, avec le nombre de croyances qui existaient, la superstition n’était pas un vain mot”.
Des vestiges à usage folklorique
La majorité des fidèles qui se rendaient dans ces monuments étaient des pauvres ou des paysans, c’est la raison pour laquelle une toute petite partie d’entre eux nous sont parvenus, faute de restauration. “Ici à Serralongue, notre monument date du Xe siècle et a été réparé à de nombreuses reprises par les comtes de la localité, mais cela reste une exception”. Après de longues recherches et accompagné d’amis passionnés, René Magna décompte “seulement une vingtaine de conjuradors subsistants encore en France”. Celui de Serralongue sert chaque année le lendemain de la Saint-Jean pour la Saint-Éloi (patron des orfèvres et des forgerons). L’évêque ou un prêtre président une cérémonie pour bénir les animaux, notamment l’âne et le mulet, reconnus dans les montagnes pour leurs pas sûrs.