50 000 pièces de 50 roupies pakistanaises vont être gravées à l’effigie de sœur Ruth Pfau, religieuse catholique et docteur, morte le 10 août dernier, à l’âge de 87 ans.
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Les chrétiens du Pakistan connaissent de très grandes difficultés, symbolisées par le cas d’Asia Bibi, la chrétienne condamnée à mort pour “blasphème”. Son cas est pourtant loin d’être isolé, et la décision du gouvernement pakistanais, d’honorer une religieuse catholique d’origine allemande peut apparaître étonnante. Mais cette sœur Ruth Pfau a, de son vivant, dépassé les clivages religieux.
Elle reste au Pakistan par accident
Née en 1929, dans une famille luthérienne de Leipzig, elle manque d’être ensevelie sous sa maison, détruite pendant un bombardement allié de la Seconde Guerre mondiale. Puis sa ville est occupée par l’Armée rouge. Elle parvient à s’enfuir avec sa famille en Allemagne de l’Ouest, et suit des études de médecine dans les années 1950. Deux auteurs, saint Thomas d’Aquin et Josef Pieper, la marquent, et la convainquent de se convertir au catholicisme. Un voyage à Paris, en 1957, la décide de rejoindre les sœurs du cœur de Marie.
Elle doit alors partir pour l’Inde, mais en raison de difficultés administratives, elle est contrainte de rester au Pakistan. Elle parcourt le pays, et rencontre son premier patient lépreux. À cause, ou plutôt grâce à lui, la voilà obligée de rester dans le pays pour mener le combat contre la maladie. “Il avait à peu près mon âge d’alors, moins de trente ans, racontera-t-elle quelques décennies plus tard... Il rampait et se comportait comme s’il n’y avait rien d’anormal à ce qu’on le laisse ainsi, dans la boue.”
Le docteur qui vainc la lèpre au Pakistan
Elle commence à soigner ses patients dans un taudis de Karachi, qui devient par la suite la léproserie Marie-Madeleine. Elle parcourt le pays, récolte des dons au Pakistan et en Allemagne, et participe activement à faire du Pakistan l’un des premiers pays asiatiques reconnu comme officiellement débarrassé de la lèpre, en 1966, par l’Organisation mondiale de la santé. “Au début, nous avions l’impression d’être seules, dans un désert. Mais notre léproserie est devenue une oasis, et les caravanes ont commencé à affluer”, décrit-elle.
Mariée “à la pakistanaise”
Pour reconnaissance de ses services, le gouvernement lui accorde la citoyenneté pakistanaise en 1988, mais elle entretient avec lui des rapports aussi constants que tumultueux. Elle s’amuse à comparer ces relations à “un mariage pakistanais”, c’est-à-dire un mariage de raison. La religieuse et les autorités se disputent perpétuellement, mais elles ne peuvent pas “divorcer” : “Nous avions bien trop d’enfants pour cela”. La religieuse ne cachait pas ses opinions, tranchées, quant à la nature résolument non-démocratique de son pays : “Pour la démocratie, il faut de l’éducation, et on ne donne pratiquement aucune attention à l’éducation au Pakistan”.
Funérailles nationales
Malgré ces relations tumultueuses, le gouvernement pakistanais a tenu à lui faire un éloge sans concession : “Elle avait beau être née en Allemagne, son cœur a toujours été au Pakistan”, assurait le Premier ministre Shahid Khaqan Abbasi. À l’occasion de son enterrement, on vit, même dans ce pays à 95% de confession musulmane, le drapeau du Vatican flotter à côté du drapeau du Pakistan.