C’est l’histoire méconnue d’un petit bout de bonne femme au grand cœur qui confectionna plus de 250 000 colis pour les soldats pendant la Première Guerre mondiale !
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Marie Sautet ne figure pas dans les manuels d’Histoire de France et pourtant la France lui a offert des obsèques nationales en hommage à son dévouement inlassable pendant la Grande Guerre. L’idée des marraines de guerre a germé à la fin de l’année 1914, lorsqu’on a compris que la guerre allait durer et que le moral des troupes commençait à flancher. Le mot « marraine » emprunté au vocabulaire religieux signifiait aux candidates qu’il s’agissait ni plus ni moins d’un engagement devant Dieu à se substituer aux parents, à la famille, par un soutien hautement moral. Pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, de nombreuses marraines de poilus adressèrent des lettres et des colis à leurs filleuls mobilisés, par patriotisme, par charité, parfois par romantisme, voire plus si affinités… Marie incarna, elle, le sens du devoir moral poussé à l’extrême.
Marie la Lorraine
Marie Étienne est née à Metz, rue Serpenoise, la grande artère commerçante du centre-ville, en 1859. Pendant le siège de Metz en 1870, elle rend visite aux blessés avec sa mère. Elle a onze ans, elle est suffisamment grande pour se rendre compte des souffrances des soldats et pour ressentir l’horreur de la guerre. En 1882, elle épouse Alfred Sautet, originaire de Metz. Ils s’installent à Paris dans le quartier du Temple et ouvrent un petit commerce de maroquinerie qui prospère tranquillement.
Lorsque la guerre éclate en 1914, Alfred et Marie mènent une vie laborieuse de commerçants et d’épargnants. Ils n’ont pas d’enfants. Lui est trop vieux pour s’engager. Alors ils décident rapidement d’adopter des régiments entiers, notamment des Bataillons de chasseurs à pied. Les époux choisissent alors de consacrer entièrement leur temps et leurs économies à venir en aide aux soldats partis au front. Dans la journée, Marie court la capitale pour trouver des victuailles, du tabac et du linge destinés à « ses enfants ». La nuit, elle confectionne des paquets, des milliers de paquets : 1 400 par semaine ! Elle embauche des ouvrières pour l’aider. Elle écrit des lettres, elle répond à toutes celles qu’elle reçoit, elle n’écoute que sa grande bonté naturelle, elle n’arrête pas. Elle n’hésite d’ailleurs pas à se rapprocher du front par tous les transports possibles pour aller porter elle-même ses colis ! Sa chienne Mèmère est du voyage… Le résultat dépasse l’imagination : Marie Sautet fera parvenir à « ses régiments » plus de 250 000 colis !
Marie ruinée mais honorée
Après la guerre, les époux Sautet, ruinés, vivent dans la misère sans se plaindre. Heureusement, certains filleuls survivants l’apprennent et se cotisent pour leur offrir une fin de vie décente. Alfred est mort en 1936 à Paris. Marie meurt en 1937 à la Maison de retraite des Petits-Ménages à Issy-les-Moulineaux. Elle avait conservé dans sa petite chambre une malle contenant 125 000 lettres de « ses enfants » !
Marie Sautet a eu des obsèques nationales. Elle est enterrée au cimetière du Père Lachaise auprès de son époux qui, refusant les honneurs, disait d’elle : « C’est ma femme qui a tout fait ! ». À Paris, le 29 octobre 1927, au milieu de l’impressionnante cour des Invalides, le général Gouraud, gouverneur militaire de Paris, avait remis la Légion d’honneur à ce tout petit bout de bonne femme en noir, dont la vie fut un modèle de charitéchrétienne.