À l’occasion du « Future Investment Initiative », une conférence qui se tenait du 24 au 26 octobre à Riyad (Arabie Saoudite), le robot humanoïde « Sophia » s’est vue accorder la citoyenneté par le roi Salmane. Elle devient donc sujet de droits.La mutation de l’humanité par les technosciences est en cours. L’apparence humaine des robots et leurs capacités à simuler des émotions et interagir avec le monde, soulève la question de la place de la technologie au détriment de l’humain dans notre société.
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Pourquoi le transhumanisme est-il dangereux ?
Le transhumanisme, de la fiction à la réalité
En 1964, l’auteur de science-fiction Isaac Asimov imaginait le monde en 2014 : « Les robots ne seront pas très communs ni très performants, mais ils seront bien là ». Aujourd’hui, ils sont bien là. Ils font le ménage, la cuisine, la conversation et la guerre. C’en est fini du robot fantastique froid et mécanique, le robot humanoïde nous ressemble. Il est sympathique, capable de simuler les émotions humaines et de prendre des décisions. De Prométhée à Frankenstein, jusqu’aux gérants de l’industrie robotique, l’homme a toujours rêvé de construire des machines intelligentes à figure humaine. C’est l’ambition des transhumanistes : améliorer les performances de l’humain, modifier ses perceptions, l’affranchir de son enveloppe corporelle périssable et en faire un être hybride ultra perfectionné. La créature humanoïde de demain sera en parfaite santé et ne mourra pas. Ses capacités sensorielles et émotionnelles seront augmentées afin d’atteindre la félicité perpétuelle. Elle sera constituée d’un corps 2.0 et une intelligence artificielle surpuissante.
Si la robotisation peut être un signe de progrès : prothèses, conquêtes spatiales, robots domestiques… elle peut également véhiculer les plus grandes dérives de notre société. Ainsi, émergent des créatures à notre image mais esclaves de nos fantasmes les plus fous. C’est le cas de « Roxxxy », « Harmony » ou « Stéphanie », des poupées sexuelles plus vraies que nature vendues à plus de 5000 dollars. De « Roméo », le robot qui assistera les personnes âgées ou handicapées de notre entourage, à notre place. Prochainement peut-être, sur le modèle de la série TV « Westworld », assisterons-nous à la création d’un parc d’attraction peuplé de robots où les visiteurs humains viendront satisfaire leur moindre désir qu’il soit sexuel ou meurtrier.
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L’Union européenne veut créer un droit pour les robots
L’humanoïde sujet de droits et de devoirs
Les trois lois de la robotique imaginées par Isaac Asimov, sont aujourd’hui dépassées. Le 16 février 2017, le Parlement européen a adopté une Résolution visant à créer des règles de droit civil sur la robotique : « Maintenant que l’humanité se trouve à l’aube d’une ère où les robots (…) de plus en plus sophistiqués, semblent être sur le point de déclencher une nouvelle révolution industrielle qui touchera probablement toutes les couches de la société, il est d’une importance fondamentale pour le législateur d’examiner les conséquences et les effets juridiques et éthiques d’une telle révolution, sans pour autant étouffer l’innovation ». On envisage d’abord la création d’une agence européenne chargée de la robotique et de l’intelligence artificielle, susceptible de définir un cadre éthique universel et inaltérable des agissements des robots intelligents.
Ensuite, il faut déterminer le régime de responsabilité applicable en cas de dommage causé par un robot. Qui du robot, de l’utilisateur, du fabriquant ou du propriétaire est responsable du dommage causé à un humain ? S’impose aussi la nécessité de prévoir un bouton de déconnexion du robot qui soit visible et accessible en cas d’urgence. Il faut régler également le problème de l’influence de la robotique sur les libertés publiques et les données personnelles enregistrées par le robot. Enfin, la définition du statut juridique de ces humanoïdes pose question. On étudiait la possibilité de reconnaître une personnalité juridique aux robots, semblable à celle des hommes qui disposent de droits et de devoirs. C’est précisément ce que l’Arabie Saoudite a accordé à « Sophia », premier robot humanoïde à obtenir une nationalité, accédant ainsi au statut de citoyen et « sujet » de droits. Cette femme robot se voit donc dotée de plus de droits que les autres femmes saoudiennes, interdites de se déplacer en public sans hijab et tuteur masculin. Le robot humanoïde se retrouve ainsi plus protégé qu’une simple chose, un animal, un embryon ou un fœtus humain, une femme.
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L’homme serait-il dépassé par les conséquences de ses propres innovations techniques ?
L’homme : être de chair, d’âme et de vie intérieure
Les transhumanistes commettent trois erreurs grossières sur l’homme. Ils considèrent l’homme comme un produit qui pourrait, tel un végétal ou un animal, être génétiquement modifié. Pour eux, le corps humain est un simple support physique de l’esprit. Enfin, l’esprit humain ne serait rien d’autre qu’une machine à raisonner, un algorithme perfectionné (Franck Damour, La tentation transhumaniste, Salvator, 2015). L’humanité de demain est donc prête à s’affranchir du corps pour arriver à ses fins, mais aussi de l’âme.
Pour le biologiste médical Jean-Guilhem Xerri, « devant ces perspectives de transformation de l’humain, tant pour des raisons anthropologiques que spirituelles, les chrétiens ne peuvent pas rester indifférents ». Il ne s’agit pas de tomber dans « la technolâtrie » en considérant les évolutions techniques comme une manifestation de la volonté de Dieu, ni dans « la technophobie », assimilant la technologie au péché ou au satanisme. Selon lui, « la question qui doit mobiliser, n’est pas d’être pour ou contre le transhumanisme, mais de se demander qu’est-ce qui fait l’humanité de l’homme ? Qu’est-ce qui le singularise de l’animal et de la machine ? ». L’homme n’est-il pas le seul être humain doté de créativité, d’imagination, de la sensibilité à la beauté, d’émotions ? L’homme n’est-il pas le seul capable de vie intérieure, de donner sans compter, d’accueillir la fragilité, de vivre l’amour et la solidarité ? N’est-il pas libre de dire oui ou non, de s’engager ou de se donner des limites ? Ne dispose-t-il pas d’une conscience qui estime que tout ce qui est possible n’est pas nécessairement souhaitable ? Son corps n’est-il pas une composante de son identité profonde, le lieu de la rencontre avec les autres, le temple de son esprit ? L’homme est un être de chair et d’âme.
Alors que le christianisme considère que l’humain reçoit sa vie de Dieu, crée à son image, et dont le corps est habité par l’Esprit saint, le transhumanisme lui s’affranchit de l’unité entre le corps et l’âme et fait reposer la transformation de l’homme exclusivement sur son intelligence, sans recours à l’action divine. À l’instar du serpent de la Genèse qui s’adresse aux premiers humains, Adam et Eve, en ces termes « vous ne mourrez pas, vous serez comme des dieux », le transhumanisme place l’homme en position de créateur. Lorsque, dans le Nouveau Testament, Jésus déclare « laissez mourir le vieil homme et revêtez l’homme nouveau », il invite les hommes à « naître à nouveau, de l’eau et de l’Esprit ». Dans une perspective chrétienne, la transformation du cœur et de l’intelligence de l’homme est le fruit d’un long travail intérieur, d’un chemin de foi qui conduit à s’ouvrir davantage à la présence de l’autre et à la présence divine.
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Le catholicisme et le transhumanisme sont-ils des humanismes ?