En 500 ans, le protestantisme a développé de nombreux courants. Découvrez les cinq penseurs qui permettent de mieux comprendre cette Église chrétienne.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Quand on évoque le protestantisme deux noms viennent très rapidement : Martin Luther et Jean Calvin. Si ces deux penseurs, qui ont initié la Réforme, sont indispensables pour comprendre le protestantisme, d’autres sont également importants pour comprendre cette Église chrétienne et ses courants contemporains. En plus de l’Allemand et du Français, Ulrich Zwingli, John Smyth et William Joseph Seymour ont participé à modeler le protestantisme et plus largement le christianisme.
Martin Luther, le pionnier
Né le 10 novembre 1483 à Eisleben, en Allemagne, dans une famille d’origine paysanne, Martin Luther se passionne très tôt pour les Écritures saintes. En 1505, il est admis au couvent des Augustins d’Erfurt, où ses grandes qualités intellectuelles sont vite remarquées. Ordonné prêtre deux ans plus tard et désigné pour enseigner la philosophie à l’université de Wittenberg, il devient docteur en théologie en 1512. Il se nourrit alors de la lecture des treize Épitres de l’Apôtre Paul. Il se passionne également pour la question du salut divin, estimant que l’Église fait erreur, et la relation entre l’homme et Dieu, qu’il pense altérée. Très influencé par saint Augustin d’Hippone, il hérite de son pessimisme lié au péché originel et à la présence du Mal sur Terre.
Mais c’est autre chose qui va provoquer sa rupture avec l’Église catholique : la vente des indulgences initiées par le pape Léon X pour agrandir Saint-Pierre de Rome. La manière dont les prédicateurs chargés de la proposer donnèrent vite à penser qu’on pouvait acheter son salut. L’Allemand s’y oppose le 31 octobre 1517, dans ses « 95 thèses », qui portent comme titre originale Martini Lutheri disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum (« Dispute de Martin Luther sur la puissance des indulgences »). Pour lui, seul Dieu peut justifier les pécheurs.
Lire aussi :
Martin Luther, l’initiateur de la Réforme
Son objectif n’est alors pas de rompre avec l’Église catholique, mais de la réformer. Mais cette discorde le pousse à formuler d’autres désaccords. Pour lui, la Bible est la seule autorité recevable (sola scriptura), seule la foi sauve (sola fide) et la grâce n’est accordée que par Dieu (sola gratia). Luther est alors excommunié par le Vatican en 1521. Charles Quint, souverain du Saint-Empire, le chasse du territoire. Il s’installe alors au château de la Wartburg, sous la protection du prince Frédéric III le Sage. En 1525, l’ancien moine se marie avec Catherine de Bora, ancienne religieuse avec qui il a six enfants par la suite. Ensemble, avec le soutien de nombreux princes, ils fondent une communauté religieuse importante. Aujourd’hui, les luthériens et les méthodistes sont les principaux courants qui s’inspirent directement du célèbre réformateur.
Jean Calvin, l’autre père
Né à Noyon, en Picardie, le 10 juillet 1509, Calvin ne voulait pas entrer en religion. Au grand dam de son père qui le verrait bien prêtre. Calvin préfère d’abord s’orienter vers le droit, malgré une solide formation religieuse, et fréquente les cercles humanistes. Il faut attendre la mort de son père, pour que le futur réformateur se tourne durablement vers la théologie et les lettres. En 1533, Calvin adopte les thèses religieuses de Luther et de ses disciples. L’année suivante, éclate l’affaire des Placards, provoquée par le placardage clandestin d’un texte anti-catholique sur des lieux publics, dans plusieurs villes de France, dont Paris. Jusqu’ici tolérés, les luthériens sont alors pourchassés par François I. Le réformateur s’exile alors en Suisse, à Bale. C’est là qu’il publie en 1536 Institutio Christianae Religionis (« L’institution de la religion chrétienne »), son oeuvre majeure.
Lire aussi :
Protestants et catholiques, l’examen des sept différences
Il y rappelle les théories des réformateurs et y mêle ses propres réflexions, en mettant notamment l’accent sur le contraste entre la toute-puissance de Dieu et la misère de l’homme, égaré par le péché originel. Trois ans plus tard, dans une version remaniée il développe alors sa théorie de la pré-destination, selon laquelle le salut d’un croyant est choisi par avance par Dieu.
En 1540, il répond à l’appel du réformateur Martin Bucer et rejoint Strasbourg, où il devient pasteur d’une église. Il y rédige alors deux livres importants, où il s’oppose à Luther sur la loi et l’Eucharistie : Commentaire de l’Épître aux Romains et Petit traité de la Cène. Après trois ans, il repart en Suisse, à Genève. Il y reste jusqu’à la fin de sa vie, soit vingt-trois ans. Il y structure alors l’Église protestante locale. Calvin devient alors le grand inspirateur de l’un des principaux courants du protestantisme : le calvinisme. D’autres courants plus tard se fondent sur ses écrits, comme le presbytérianisme, puissant en Écosse.
Ulrich Zwingli, l’autre grand réformateur
Souvent oublié parce qu’il n’a pas fondé de courant, Ulrich Zwingli est pourtant presque aussi important que Martin Luther et Jean Calvin. Car, le Suisse a grandement influencé le mouvement anabaptiste, comme sur le calvinisme, ainsi que sur le protestantisme libéral qui naît trois siècles plus tard. Né le John Wyclif et Jan Hus, théologiens condamnés comme hérétiques à la fin du XIVe siècle et considérés comme des précurseurs du protestantisme.
Devenu curé de Zurich en 1519, il se développe sa propre théologie. Il affirme prêcher différemment, en s’inspirant de la méthode employée par les Pères de l’Église pour ses homélies. Il s’attaque à la vénération des images, des reliques et des saints, et s’engage en plus contre le célibat. Il s’oppose aussi aux positions de l’Église catholique et de Martin Luther sur l’Eucharistie, et aux principes de transsubstantiation et consubstantiation. Pour lui, le Christ n’est présent que de manière symbolique et pas réellement. Cette position influence un peu plus tard celle de Jean Calvin et de presque tous les protestants. En 1522, il entre en conflit ouvert avec le Vatican. Comme Luther, dont il nie l’influence, il affirme que les Écritures constituent la seule autorité religieuse. Enfin, il s’oppose avec vigueur aux cultes de la Vierge Marie.
Le réformateur propage dans toute la Suisse la foi protestante. Dans le même temps, il tente de former avec Luther et ses disciples une grande alliance. Il discute également avec Felix Manz et Conrad Grebel, chefs des anabaptistes, mouvement protestant radical qui met l’accent sur le baptême comme seconde vie. Bien qu’il rompe avec eux, ces derniers affirment s’inspirer de sa doctrine. Il est également, avec Jean Calvin le principal inspirateur de l’Église réformée, courant le plus influent du protestantisme français depuis le XVIe siècle.
Lire aussi :
Les cinq solae, le socle de foi commun à tous les protestants
John Smyth, l’évangélique en exil
Mal connu, John Smyth est à l’origine de l’un des principaux courants actuel du protestantisme : l’évangélisme. En 1534, le roi Henri VIII rompt pour des raisons politiques avec le pape et fonde sa propre église rattachée au protestantisme : l’anglicanisme. C’est dans cette Église chrétienne que grandi John Smyth. En 1594, il est ordonné prêtre. Il s’intéresse alors au calvinisme et à l’Église primitive, décrite notamment dans les Actes des Apôtres. Le retour aux sources du christianisme et la purification des éléments catholiques de l’Église anglicane lui paraissent alors essentiels. Selon lui, les liturgies non-inspirées directement par la Bible doivent être bannies. Il rompt ainsi avec son Église et doit s’exiler en Hollande en 1607.
Il s’inspire alors des communautés anabaptistes qui émergent en Allemagne et en Suisse. Il rejette le baptême des enfants (pédobaptisme) pour prôner le baptême du croyant (crédobaptisme). Selon lui, se sacrement est l’acte par lequel les chrétiens décident d’eux-mêmes d’entrer dans l’Église et marque leur obéissance à Dieu. Le baptême par immersion nettoie symboliquement du péché et permet une régénération spirituelle, à condition d’avoir déjà la foi. Cependant, il ne sauve pas. Il remet également en question la hiérarchie dans l’Église. Par ailleurs, selon John Smyth, les cultes, adorations et chants doivent être plus spontanés, inspirés par le Saint-Esprit. Il fonde alors une église à Amsterdam sur ces principes. Ayant été baptisé enfant, il estime qu’il doit se rebaptiser et est contraint de le faire lui-même. Quelques années après, il admet regretter ce geste. Son église prospère et ses théories se propagent hors de la Hollande. Le baptisme, premier mouvement évangélique est alors fondé.
William Joseph Seymour et le réveil pentecôtiste
Fils d’esclave, William Joseph Seymour est né le 2 mai 1870 à Centerville, en Louisiane. Alors qu’il grandit dans une famille catholique, il se rapproche rapidement du baptisme. Vivant dans le sud des États-Unis, il est alors très marqué par le racisme et s’engage en faveur de l’égalité raciale. Les violences que subissent les Afro-Américains le contraignent à s’installer à Indianapolis, où il fréquente une église méthodiste.
Emménageant à Houston, il intègre une église évangélique dirigée par Charles Fox Parham, prédicateur qui le marque intellectuellement. Il adhère alors à sa théorie du « baptême du Saint-Esprit », selon laquelle le baptême marque une renaissance spirituelle et doit être l’oeuvre du Saint-Esprit. Il reçoit ce sacrement le 12 avril 1906, à Los Angeles. C’est dans cette ville qu’il fonde son église d’Azusa Street, où il prêche librement sa conception du Saint-Esprit. Il est alors au coeur d’un vaste mouvement de réveil qui dure de 1906 à 1909, et prend le nom de « Réveil d’Azuza Street ». Le mouvement donne alors naissance au pentecôtisme, dont le nom s’inspire directement manifestations du Saint-Esprit lors de la journée de Pentecôte, narrée dans les deux premiers chapitres du livre des Actes des Apôtres.
Lire aussi :
Stéphane-Marie Morgain : « Martin Luther souhaitait poser des questions ouvertes au débat »