Alors que les dénonciations de harcèlement sexuel déferlent sur les réseaux sociaux, le gouvernement étudie la possibilité d’instaurer une nouvelle infraction de « harcèlement de rue » ou « outrage sexiste ».
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Près de 59 000 femmes ont déjà répondu aux appels lancés par la journaliste Sandra Muller et l’actrice américaine Alyssa Milano à dénoncer des faits de violences sexistes sous les hashtag #balancetonporc et #moiaussi. Si les langues semblent se délier sur une triste réalité, cette mobilisation représente-t-elle un espoir pour la condition des femmes ?
Une nouvelle infraction « à titre symbolique »
Le 17 octobre, Nicole Belloubet, ministre de la justice, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes, ont évoqué la possibilité d’instaurer une nouvelle infraction de « harcèlement de rue » ou « outrage sexiste ». Alors que les comportements visés sont déjà réprimés par des infractions existantes : harcèlement sexuel, atteintes ou agressions sexuelles, injures à caractère sexiste… il est possible de douter de l’efficacité d’une nouvelle loi, d’ailleurs proposée « à titre symbolique ». La difficulté de qualifier l’infraction soulève déjà la problématique de son application. Où commence le harcèlement ? Comment le distinguer de la séduction ? Faut-il un comportement répété ? Comment le sanctionner ? « L’idée, c’est qu’on soit sur du flagrant délit », explique la secrétaire d’État. « Les policiers et les policières verraient le harcèlement de rue et interviendraient en flagrant délit en mettant une amende ».
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S’il est bon que la parole des femmes se libère sur les violences quotidiennes qu’elles subissent, les dérives de ses modes d’expression sont à craindre. Pour éviter que les réseaux sociaux se substituent aux tribunaux, la ministre de la justice « incite les femmes qui évoquent sur internet des situations très concrètes à aller porter plainte ». Dans la surenchère, Florence Portelli, candidate à la présidence des Républicains, demande de judiciariser les accusations spontanées des femmes sur internet. La femme serait ainsi présumée victime et l’homme coupable. Or, si la réalité peut le laisser penser, ce n’est tout de même pas si simple. Il est vrai que de nombreuses femmes sont victimes d’infractions sexuelles. Il revient à la justice d’en sanctionner les auteurs. Il arrive également que des femmes, ayant consenti à des relations de nature sexuelle, peuvent ensuite les regretter et parvenir à reconstruire l’histoire en se persuadant, a posteriori, qu’elles en ont été les victimes. On entend aussi, dans des affaires de divorce, les plus odieuses dénonciations calomnieuses. C’est sans doute pourquoi d’autres voix ont refusé de participer au réquisitoire des hommes sur les réseaux sociaux. Et peut-on réduire un homme et toute sa vie à sa faute ? Peut-être s’est-il effectivement conduit « comme un porc », mais peut-on le réduire à cela, peut-on sans autre forme de procès le traiter publiquement de « porc », comme on lui reprocherait de traiter une femme de « salope » ? Peut-on amalgamer sous le même vocable les auteurs d’actes gravissimes comme un viol ou une agression sexuelle et ceux de plaisanteries grivoises lancées à la fin d’une soirée un peu trop arrosée ? L’actrice Catherine Deneuve a ainsi dénoncé l’usage violent du #balancetonporc : « Est-ce que c’est intéressant d’en parler comme ça ? Est-ce que ça soulage ? Est-ce que ça apporte quelque chose ? Est-ce que ça va régler le problème d’une certaine façon ? ».
Ni balance, ni victime
Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur le problème de société qu’est devenue l’effrayante « banalité » des harcèlements, des outrages et des agressions dont de trop nombreuses femmes sont les victimes. Ces comportements doivent être dénoncés et combattus avec détermination, mais aussi avec équité. En passant par un hashtag violent, cette lutte s’extrait du cadre juridique et sociétal dans lequel elle devrait s’inscrire. On risque alors de susciter une dérive idéologique, dans la qualification des délits, comme dans la désignation et la condamnation des « coupables ». À la riposte mimétique et vindicative, n’est-il pas préférable d’opposer la sagesse et la fermeté d’une justice sereine ? Et surtout, en amont, de promouvoir une vraie éducation au respect de l’autre et au sens authentique de la sexualité ?
L’Église invite à vivre une sexualité respectueuse
Plutôt que le statut de « victime », l’Église reconnaît aux femmes celui de « semblable » de l’homme (Genèse 2, 18). Ainsi, les écritures proclament qu’« il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3, 28). L’Église invite sans distinction tous les hommes et toutes les femmes à redécouvrir la grâce de la chasteté, une vertu dont la pratique permet de vivre sa sexualité de manière harmonieuse, dans le respect de soi-même et le respect des autres. Cependant, il faut reconnaître que l’éducation à la chasteté est exigeante, et que sa pratique peut devenir héroïque dans un contexte sociétal qui lui est foncièrement hostile : « Malheureux homme que je suis ! » s’écriait saint Paul, « le bien que je veux faire, je ne le fais pas ; et le mal que je ne veux pas faire, je le fais ! » (Rm 7, 19). C’est pourquoi, nous prévient le Catéchisme de l’Église catholique, « la chasteté comporte un apprentissage de la maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté humaine. L’alternative est claire : ou l’homme commande à ses passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles (cf. Si 1, 22) ». Dans ce dernier cas, l’homme peut effectivement finir par se conduire comme « un porc ». Il devient malheureux et blesse les autres en pervertissant ses rapports avec eux. Au contraire, l’expression chaste de la sexualité permet aux hommes et aux femmes d’être témoins d’amour et de respect dans leurs rapports avec les autres : « Heureux les cœur purs, ils verront Dieu ! » (Mt 5, 8).