Religieuse de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de la province de Patna, Sudha a fait de sa mission en faveur des « intouchables » la raison de toute sa vie.
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Cela fait plus de 30 ans que soeur Sudha Varghese, de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de la province de Patna, partage la vie des “mangeurs de rat” comme on appelle les Dalits ou “intouchables” de la province, c’est-à-dire ces groupes de personnes laissés en dehors du système des castes, de par leurs conditions dans la société indienne. Pour les Musahars, une des communautés les plus opprimées de l’État indien de Bihar, un des plus pauvres du pays, elle est la “Nari Gunjan”, en français “la voix des femmes”. Et pour cause, elle s’est donnée pour mission d’émanciper toutes les jeunes filles et femmes de cette “caste” face aux plus graves formes d’exploitation sexuelle et de vexation.
“J’ai vécu mille vies et je suis morte mille fois”, raconte-t-elle aujourd’hui en avouant avoir reçu beaucoup de menaces de mort. Mais depuis 2001, quand elle a commencé à prendre très à cœur son travail d’émancipation, la religieuse, a appris à ne pas avoir peur. “Si vous me tuez, des centaines de personnes prendront ma place”, ne cessait-t-elle de rétorquer à ses détracteurs de la caste supérieure, au fur et à mesure que grandissait son action.
Les Musahars
Les membres de la communauté Musahar sont des ouvriers agricoles qui n’ont jamais reçu de salaire équitable en échange de leur travail, rapporte l’agence Fides. Leurs principales occupations : nettoyer les toilettes ou travailler dans les distilleries tenues par les castes dominantes. Leurs épouses et leurs enfants sont exploités dans les habitations des castes plus élevées et font souvent l’objet d’abus sexuels. Les écoles n’ont jamais été à leur portée. Au sein de cette non caste, le mariage entre mineurs est chose commune. Les jeunes filles se mariaient à 10 ans et avaient 3 à 4 enfants jusqu’à l’âge de 20 ans, lorsqu’elles étaient considérées trop vieilles pour s’occuper d’un enfant. Ce problème fut le premier que dût affronter Sœur Sudha Varghese.
C’est elle qui a aussi convaincu ces femmes à porter plainte lorsqu’elles étaient victimes d’abus sexuels et de viols de la part des hommes des castes supérieures. “Les femmes croyaient que se faire violer était leur destin”, raconte Sudha. Pour ces femmes, la religieuse a étudié le droit et s’est battue personnellement devant les tribunaux. Puis assistée de plusieurs religieuses, elle leur a enseigné à se battre elles aussi contre l’injustice, finissant par obtenir divers avantages sociaux à leur égard. En 1987, elle a lancé sa propre organisation Nari Gunjan (« Voix des femmes ») qui aujourd’hui coordonne plus d’un millier de groupes d’entraide. Chaque groupe accueille en son sein entre dix à quinze femmes qui reçoivent une éducation dans trois domaines : éducation, plaidoirie et services sociaux.
Promesse tenue
Il faut dire que Sudha Varghese, aujourd’hui âgée de 68 ans, a fait de sa mission en faveur des plus pauvres la raison de toute sa vie. C’était sa promesse en quittant le Kerala pour l’État de Bihar, en 1964. Après une formation initiale avec les Sœurs de Notre-Dame, elle a été envoyée dans les écoles de la congrégation pour enseigner. Mais les grandes écoles et les enfants issus de familles riches ne satisfaisaient pas ses recherches. Ainsi, en 1977, elle a commencé à visiter les pauvres, et en 1986, s’est rapprochée des Musahars. Choquée par leur condition de misère et de peur dans laquelle ils vivaient, loin des autres communautés, elle n’a pas hésité à vivre dans une maison de boue, à parcourir 50 kilomètres à vélo par jour pour être avec eux. Ce qui lui vaut depuis son surnom de “Cycle Didi”. Néanmoins, les menaces de mort à son encontre se multipliant, en 1989 elle a dû déménager dans un autre village.
Après les efforts, la reconnaissance
Son action ne s’est pas arrêtée. Loin de là. Après avoir fondé deux écoles pour jeunes mères — Prerna de Danapur et Bodh-Gayâ — où sont donnés des cours en santé reproductive, nutrition, propreté, assainissement et gestion des petites économies, la religieuse a lancé des centres d’apprentissage pour enfants. Elle a commencé avec vingt élèves, les faisant étudier dans les livres mais également dessiner, colorer et coudre. L’Unicef, conquis par son programme, a financé une partie de son programme. Et en 2006, Sudha s’est retrouvée avec une récompense du gouvernement indien entre les mains, le Padma Shri, classé en troisième position dans les distinctions civiles attribuées à ceux qui se sont distingués dans divers domaines tels que les arts, l’éducation, l’industrie, la littérature, les sciences ou le sport. Distinction qui lui permet de disposer de nombreuses aides de la part de l’État et de la police.
En mars 2017, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, la religieuse a reçu 100 000 roupies du magazine le plus diffusé en Inde, Vanitha (en français “femme”), pour son action auprès des plus pauvres des Dalits du Bihar. En Inde, sœur Sudha Varghese est aujourd’hui considérée comme “un colosse d’amour et d’espérance” pour les couches les plus marginalisées.