La revue « Études », les éditions Salvator et le Jour du Seigneur ont organisé, début octobre, une rencontre sur le thème du bien commun. Une table ronde sur la politique et la spiritualité a retenu l’attention de la rédaction.
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La spiritualité a-t-elle encore un rôle à jouer en politique aujourd’hui ? C’est la question à laquelle ont répondu la psychanalyste Marie Balmary, la philosophe Émilie Tardivel et à la journaliste Eugénie Bastié. Ces trois personnalités qui ne cachent pas leur foi ont livré trois points de vues différents.
L’influence de la spiritualité sur la politique
Émilie Tardivel estime ainsi que toute politique est toujours adossée à une spiritualité. La philosophe s’appuie sur les exemples des empires romains, chinois, perses, qui possédaient tous leur propre mystique. De même, la République a sa propre mystique d’après elle. Ainsi, chez Jean-Jacques Rousseau, la République doit être « tout en tous », comme Dieu l’est d’après l’apôtre Paul (1 Corinthien 15, 28). Mais selon elle, d’une manière générale, la spiritualité est niée en France depuis la loi de séparation entre les Églises et l’État. L’objectif est que la politique ne s’adosse à aucune spiritualité afin de permettre la cohabitation de toutes les spiritualités. C’est pour cela que la laïcité est un bien commun, qui est, selon Émilie Tardivel, rendue possible par le judéo-christianisme. Dans l’Ancien Testament, le roi ne s’identifie pas au grand prêtre, ni au prophète. Ce principe est rappelé par le Christ quand il déclare : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matt 22, 21). L’apôtre Paul renouvelle ensuite ce point de vue, dans sa lettre aux fidèles de Rome (Romains 13, 7) et les pères de l’Église font de même.
Selon la philosophe, « la politique, même démocrate, ne peut pas porter elle-même le poids de sa désacralisation ». Le christianisme a alors pour vocation de maintenir la spiritualité qui a quitté la politique. Mais, pour finir, Émilie Tardivel note que même dans un régime laïc, la spiritualité a des effets politiques, en agissant sur les consciences individuelles de chacun. Elle conclut sur la nécessité des chrétiens de revenir aux exigences définies dans les Actes des Apôtres, quand les chrétiens mettaient en commun leur bien. Une invitation à l’engagement des chrétiens, notamment auprès de l’environnement et des migrants, comme a pu le faire le pape François.
Renouer avec le non-conformisme
La journaliste Eugénie Bastié, a souhaité parler des générations précédentes, afin de nous montrer que la spiritualité conduit à la révolte. Elle évoque d’abord Mai 68, et invite, avec l’écrivain Maurice Clavel, à « répéter tant que nous le pourrons que cette révolution est d’abord spirituelle ». Selon elle, cette dernière grande révolte spirituelle a certes échoué et renforcé le capitalisme, mais elle possédait un idéal. Depuis, dans le discours politique, le pragmatisme règne sur les idéologies.
La journaliste appelle alors à renouer avec l’esprit des années 1930. Non pas celui des ligues fascistes, mais « avec le non-conformisme et l’émulation intellectuelle souvent oubliée de l’époque ». Cette nébuleuse rassemblait divers jeunes intellectuels chrétiens, issus de la gauche comme de la droite. Spiritualistes et rejetant le matérialisme, les non-conformistes cherchaient une troisième voie entre le marxisme et le libéralisme. S’ils ont été « engloutis par le communisme et le fascisme », Eugénie Bastié estime qu’il faut savoir en dresser un portrait réaliste. Elle estime que les jeunes doivent éviter « deux danger ». Le premier est celui « de refus de la politique ». Selon la journaliste, les chrétiens ne doivent pas avoir peur d’avoir « les mains sales », comme l’affirmait Charles Péguy. Le second danger est celui du « communautarisme chrétien, c’est-à-dire du retrait de ce monde qui n’est plus chrétien, car nous y perdons la dimension missionnaire du christianisme. »
Revenir aux Écritures
Fustigeant l’ancien ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, qui revendiquait avoir pour projet d’« arracher les enfants au déterminisme de la religion », Marie Balmary a plaidé pour sa part pour un « retour aux sources », c’est-à-dire aux textes bibliques. Selon elle, ces derniers doivent être « retraduits, réinterprétés, en faisant attention aux critiques qui leurs sont adressées ». L’objectif est d’éviter de « rendre Dieu impossible aux Hommes », en rendant les textes accessibles et pertinents pour notre époque. Cela permettra également de faire comprendre ce que les Écritures ont apporté au bien commun. La psychanalyste prend comme exemple les débats sur l’ouverture des magasins le dimanche. Elle rappelle alors que le shabbat est le grand cadeau que les juifs ont fait à l’humanité. Car, si jadis le travail continu représentait une servitude, il en serait de même aujourd’hui du marché continu.