Aux Philippines, les cloches des églises sonnent désormais pendant cinq minutes chaque soir à 20 heures pour soutenir les familles des victimes des exécutions sommaires de la campagne anti-drogue du régime. Chaque fois que l’on va à la messe, mais aussi à d’autres occasions, les cloches de l’église sonnent « à toute volée » pour envoyer un message, soutenir des personnes ou une action, interpeler sur un événement grave. Une tradition vieille de 1 500 ans qui a pour objectif de faire entendre la voix de Dieu et celle de son peuple. Aux Philippines, dans plusieurs diocèses, depuis le terrible visage qu’a pris la campagne anti-drogue lancée par le président Rodrigo Duterte, en juillet 2016, ces messagères de l’Église sonnent pendant cinq minutes chaque soir à 20 heures, invitant les fidèles à faire mémoire des victimes des exécutions sommaires qui se poursuivent au rythme de quelques 1 000 morts par mois.
“Il existe un mépris total pour la vie humaine, une impunité pour ceux qui commettent des délits, la destruction des règles élémentaires de l’État de droit et de la démocratie. Pouvons-nous demeurer en silence ou ignorer cette situation ?”, s’interroge le père Albert Alejo, jésuite, anthropologue et enseignant l’Université de Manille, interpellé par Fides, l’agence de presse des Œuvres Pontificales Missionnaires. Membre d’un groupe de religieux d’autres congrégations et de laïcs catholiques engagés à sensibiliser les consciences pour mettre fin à cette “campagne d’homicides” et de “violations des droits fondamentaux”, le religieux n’avait pas vu pareil carnage depuis Ferdinand Marcos, l’une des périodes les plus sombres de l’histoire nationale. “Sous la dictature de Marcos, on comptait 250 exécutions de ce type par an, sous Duterte 1 000 par mois”, explique-t-il pour montrer la gravité du phénomène.
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La poursuite des violences perpétrées par la police et par des agents de sécurité privés qui éliminent les petits distributeurs de drogue et les toxicomanes a provoqué de nouvelles réactions des évêques philippins. Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, avec “douleur” et “horreur”, s’est à nouveau insurgé contre cette “campagne d’homicide” qui frappe surtout les pauvres, appelant les auteurs de ces actes odieux à “un changement de cœur” et à redécouvrir “la propension à faire le bien et à aimer son prochain”. Le cardinal a également demandé aux prêtres de faire preuve de solidarité et de proximité envers les familles des victimes, affligées par la douleur. Appel qui a encouragé les églises de tous les diocèses à multiplier leurs sons de cloches, y compris à Manille.