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La demisexualité est-elle une orientation “différente” ou normale ?

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Bénédicte de Dinechin - publié le 12/09/17
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S’il n’existe aucune publication scientifique sur le sujet, la presse grand public nous l’apprend : certaines personnes auraient aussi besoin des sentiments, pas seulement du sexe. Cela s’appelle la demisexualité. Mais que veut vraiment dire ce terme ? N’est-il pas tout simplement en cohérence avec la théologie du corps de Saint Jean Paul II ?

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Les journalistes de Biba ou du Huffington Post auraient-ils révisé leurs cours de SVT sur l’ocytocine ou assisté à une intervention en éducation sexuelle du CLER pour parler de demisexualité ? Pas vraiment, la seule source sur laquelle la presse s’appuie pour décrire la demisexualité semble être le site anglophone, Asexuality Archive, créé en 2011 par une personne asexuelle pour informer sur “toutes les formes d’orientation sexuelle”. Et quelle définition ce site, et désormais une partie du web mainstream, veut bien en donner : qu’une personne demisexuelle “n’éprouve pas d’attraction sexuelle sans qu’elle n’ait auparavant créé de lien émotionnel fort avec cette personne”. Ce lien peut être “de nature romantique ou non” et les lecteurs sont priés de noter la différence entre la demisexualité, qui comprend de l’attraction, et “je n’ai pas de relations sexuelles tant que je n’aime pas quelqu’un”, qui est un comportement. Comprenez, la demisexualité serait innée et non pas une décision volontaire comme on aurait pu le supposer. De nombreux blogs ont tôt fait de considérer cette “orientation sexuelle” comme “différente”, pas franchement dans la norme, tout en la trouvant éminemment respectable. Nous voilà sûrement rassurés, mais toujours pas informés…


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Sexualité et sentiments intimement liés

Agnès , éducatrice à la vie du Cler Amour et Famille, rencontre des centaines de jeunes chaque année pour leur parler d’amour. Sa réaction face au buzz sur la demisexualité est en demi-teinte: “Au premier abord, on pourrait penser que cette attitude est louable : Enfin des jeunes qui savent attendre et contrôler leurs pulsions, qui ne font pas de la relation sexuelle le critère numéro un d’une bonne entente. Enfin, on évoque la nécessité de prendre le temps de se connaitre l’un l’autre plutôt que de céder au jeu sexuel du “coup d’un soir”. C’est judicieux de reconnaitre que la relation sexuelle est une étape importante et non anodine entre deux personnes. En revanche, où est le sentiment amoureux, le cœur ? Il y a comme une maîtrise excessive de la pulsion, de la montée progressive du désir sexuel qui pourrait conduire à un blocage et du coup à une déception. C’est découper la personne en compartiments quasi-étanches sans la considérer dans toutes ses dimensions à déployer au service de l’amour.”

Comme le souligne Olivier Florant, sexologue, “le passage à l’acte est motivé par l’équilibre entre le désir et les peurs”. Neuf adolescents sur dix estiment ainsi que le sexe est moins important que le fait d’aimer et d’être aimé en retour, selon une enquête de l’institut Ipsos pour la Fondation Pfizer, dévoilée en mai 2017 par Le Parisien. 78% des 15-18 ans sont déjà tombés amoureux, avec une proportion similaire chez les garçons et les filles. Et les ados se révèlent sentimentaux. Pour 74% d’entre eux, il faut être amoureux avant de passer à l’acte pour la première fois et la sexualité engendre beaucoup de peurs chez eux : peur des maladies, peur de ne pas assurer, peur de se faire des illusions quand l’un des partenaires est romantique et l’autre intéressé principalement par la recherche de l’excitation. Une étude qui montre que, plus que de nouveaux termes creux , les jeunes ont un besoin crucial d’éducation affective, relationnelle et sexuelle.

Sexualité ou génitalité ?

Esther est spécialiste de la théologie de corps, et organise sur ce thème des formations, les “forums Waouh”. Si au premier abord, elle voit comme positive la revalorisation du sentiment amoureux, elle nuance : “Ne nous réjouissons pas trop vite : appeler une telle attitude demisexualité a une connotation négative, et surtout donne en creux la définition de la sexualité telle que nombre de personnes la considèrent ou plutôt pensent qu’il faut la vivre car c’est ce que toute la société leur dit depuis leur jeune adolescence : avoir des relations sexuelles avec le ou les premier venus, quel que soit son (leur) sexe, le but étant de prendre son pied. On peut comparer cette sexualité à une partie de tennis, distraction sportive agréable avec le ou les partenaires de son choix et consentants. C’est en réalité de la génitalité, coupant de surcroît tout lien avec la vie qu’elle peut donner dans une des configurations de jeu. En réalité, de plus en plus de gens n’en peuvent plus de la génitalité, car ils sont traités et traitent les autres comme des objets de jouissance. Ils ne sont pas considérés comme des personnes avec une dignité inestimable, des personnes qui sont faites pour aimer et être aimées. Leurs pratiques sexuelles sont tournées vers leur plaisir. Par conséquent, ils sont perpétuellement insatisfaits, car l’homme n’est pas fait pour le plaisir mais pour le bonheur.”

Mais alors, le bonheur dans le sexe, une chimère ? Pas pour Esther qui poursuit, Sainte Thérèse et les Papes à l’appui : “Où trouver ce bonheur ? Dans le don de soi, car l’homme est fait pour le don, c’est en cela qu’il est image de Dieu”. “Aimer, c’est tout donner, et se donner soi-même”, avait compris sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Et le lieu du don de soi le plus radical, c’est le don de tout notre être à un autre, en notre corps. Ce don peut se réaliser selon deux voies. Dans le mariage, où l’époux et l’épouse se donnent l’un à l’autre totalement, pour toujours. Ils sont appelés à vivre ce don total de manière éminente dans l’union charnelle, incarnation de leur oui, en vue d’une communion source de joie qui les rend participants de la vie trinitaire, communion de personnes source de la vie. Voilà le vrai sens de la sexualité humaine. Si on veut comprendre la sexualité, il faut donc regarder du côté de Dieu, pas du côté de la partie de tennis. Autre voie du don total, la vie consacrée, don total à Dieu, dès cette terre.”

Esther termine ainsi : “Alors ne désespérons pas trop de cette dénomination totalement idiote de demisexualité. Elle a été inventée pour rassurer des personnes qui en réalité retrouvent peu à peu leur dignité d’être humain, fait pour l’amour.”

Corps, cœur et raison unifiés dans un amour vrai

Également intervenante en affectivité, Christèle s’étonne : “Cet article, (elle cite Biba) est très habile pour présenter un comportement normal comme étant une rareté, voire une anomalie. En clair, il voudrait démontrer qu’avoir besoin de se connaître  et être attentif à ses émotions est complètement atypique en matière de relation sexuelle. Or, j’avais compris jusqu’à présent que la sexualité humaine se distingue de celle des animaux par l’exercice de la raison et l’existence d’une affectivité, en plus de l’attirance physique… Avec les jeunes, j’explique qu’il est nécessaire que le cœur, le cerveau et le corps soient d’accord pour construire un amour durable. Mais bien entendu, une histoire amoureuse peut commencer par le corps (une attirance physique), tout aussi bien que par le cœur, ou encore par la raison. Cela dépend de la sensibilité et de l’histoire de chacun. De là à créer une sexualité à part, c’est un peu exagéré !”

Un discours auquel fait écho Amoris Laetitia, lettre apostolique du Pape François,qui rappelle que : “[150] La sexualité n’est pas un moyen de satisfaction ni de divertissement, puisqu’elle est un langage interpersonnel où l’autre est pris au sérieux, avec sa valeur sacrée et inviolable.”

Demi-sexualité ou sexualité complétée ? Loin d’être un amoindrissement, ce qui est présenté à tort comme un manque est justement ce qui fait la grandeur de l’humain et distingue une sexualité maîtrisée, avec  domination des pulsions, de l’instinct sexuel propre aux animaux . Les adultes convaincus de la beauté et de la spécificité de l’amour dans le dialogue, le respect et le don, ont fort à faire pour le valoriser et non le laisser présenter comme une anomalie. Les cathos 3.0, décomplexés et fortifiés par la théologie du corps, sauront-ils eux aussi créer le buzz ?

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