Les jeunes entre 22 et 42 ans sont de moins en moins présents dans la ville. Nombreux parmi les plus jeunes attendent aussi l’opportunité de quitter le pays. Une menace pour l’avenir du pays. Des mois après la libération d’Alep, la ville reprend peu à peu vie. De nombreuses personnes rentrent chez elles, inscrivent leurs enfants à l’école, essaient de rouvrir leurs boutiques ou usines, pour la plupart pillées voire détruites pendant la guerre. Telle est du moins la réalité des personnes de plus de 42 ans et de leurs enfants, de moins de 16 ans.
Reste un phénomène notable : la disparition des jeunes chrétiens entre 22 et 42 ans. Si de nombreux jeunes sont rentrés cet été pour les vacances à Alep, leur ville natale, aucun ne compte y rester. Tous justifient leur choix de vivre loin de chez eux et des leurs par le manque de travail. Mais aussi parce qu’après des années à l’étranger, il est difficile de reprendre leur vie d’avant.
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Les jeunes hommes craignent d’être appelés pour leur service militaire — obligatoire en Syrie entre 18 et 42 ans si le garçon a un frère de la même mère — dès la fin de leurs études. Ce qui explique pourquoi nombre d’entre eux poursuivent leurs études et cumulent les diplômes. Et pourquoi ceux-ci partent travailler à l’étranger dès qu’ils le peuvent. Il y a en effet un moyen pour éviter le service militaire et garder sa nationalité : travailler quatre ans à l’étranger et payer 8 000 dollars à l’État syrien.
Chercher un avenir plus souriant ailleurs
La guerre a éclaté à Alep en 2012. Cette année-là, Alep a perdu beaucoup de ses habitants. La plupart d’entre eux sont pourtant partis bien plus tard, lassés d’une guerre qui n’en finissait plus. Ainsi Georges, 28 ans, qui est parti en 2014 afin de poursuivre ses études de génie mécanique en France, témoigne :
“J’ai quitté mon pays parce que la peur de la mort nous entourait partout et que je voulais avoir un avenir plus brillant. Notre vie n’est plus la même qu’auparavant. Nous avons patienté plusieurs années mais nous en avons eu assez d’espérer”.
La majorité des jeunes n’ont effectivement qu’une hâte : quitter Alep pour chercher un avenir plus souriant ailleurs, en Europe, en Australie ou encore au Canada, où Toni, 26 ans, a décidé de s’installer. Il livre ses impressions sur sa nouvelle vie, qu’il consacre pour l’instant à l’apprentissage de la langue française :
“Dans trois ans, je serai Canadien et j’aurais plus de chance de trouver un travail n’importe où dans le monde. En attendant, je pourrais continuer mes études. La Syrie a toujours été un pays de guerre et je ne veux pas que mes enfants subissent ceci un jour. Si je pars, c’est aussi pour les perspectives professionnelles que je n’aurais pas en restant en Syrie, où je suis sûr d’avoir le même travail toute ma vie”.
Ce sont surtout les quartiers chrétiens d’Alep qui ressentent le manque de cette génération partie. Avec ce manque, le sentiment d’être menacé d’extinction. Comme le relate Mathia, 25 ans, qui s’est envolée en Allemagne pour un stage dans une banque après des études de commerce. C’est en revenant dans sa ville pour les vacances que ce vide l’a frappée :
“Nous ne nous sentons plus chez nous, nous ne reconnaissons plus les visages dans les rues ni dans les cafés. La ville ne nous appartient plus. Nous n’arrivons plus à vivre comme avant”.
Certains jeunes refusent cependant de quitter leur pays malgré le risque du service militaire ou du chômage. L’amour pour leur ville est trop fort. Quelques uns ont même des nationalités européennes ou américaines mais ne veulent pas tenter leur chance dans un autre pays. Youssef, 35 ans, est resté à Alep, et n’a aucune intention de partir :
“Si mon pays est fatigué, je ne le laisse pas seul, je ne pars pas, puisqu’un jour il sera rétabli. Nous sommes les vrais propriétaires de cette terre. Depuis 1 600 ans, il s’est passé beaucoup de guerres et les chrétiens n’ont pas quitté leur pays. Ce n’est pas maintenant devant le premier obstacle qu’on quittera notre terre”.
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