La solitude présente deux facettes : l’une favorise la réflexion et le recours aux ressources intérieures, l’autre l’isolement et la dépression. Alors, où est la limite entre les deux ?Tout le monde a déjà fait l’expérience de la solitude à un certain moment de sa vie. Mais, de la même façon que chaque être humain est différent, chacun d’entre nous vit diversement le fait d’être seul. Et puis, la solitude a de nombreux visages. Certains se retrouvent seuls de manière temporaire, à la suite de circonstances difficiles ou douloureuses comme une rupture ou un déménagement. Pour d’autres, la solitude est un état permanent qui peut être ressenti comme toxique.
Mais indépendamment de la durée de cette période, la solitude peut prendre deux formes : saine ou destructrice. C’est ce qui fait toute la différence, et cela dépend en grande partie de la manière dont on vit les choses, de son attitude par rapport à cette situation d’isolement que l’on est amené à vivre. Et si elle est acceptée de bon gré ou non. L’acceptation est l’une des principales clés pour trouver du réconfort, car elle permet de prendre acte de ce qui se passe au-dedans et autour de soi et de l’affronter. L’évitement, le déni ou le fait de réprimer son ressenti sont des mécanismes de défense auxquels il est facile de céder et qui permettent de se sentir mieux sur le très court terme, mais qui ne font finalement qu’entretenir de la frustration, des tensions, du stress, de l’anxiété et des soucis…
Le piège de la solitude qui s’installe
En termes de solitude, le mécanisme de protection le plus courant est probablement l’évitement : en gros, on ignore son désir de sociabiliser avec d’autres, ou on essaie de se convaincre qu’on est mieux seul. On peut alors omettre des réunions de familles, des rendez-vous avec des amis… cela peut être un isolement inconscient ou même intentionnel. Une personne dans cette situation peut être amenée à ressentir de la honte, une certaine culpabilité dans ses relations amicales, un manque de confiance. C’est la porte ouverte à l’acceptation de la solitude comme mode de vie plutôt que comme une situation temporaire.
L’étape suivante est le déni, quand on essaie de se convaincre qu’on n’a pas vraiment l’impression de se sentir seul. Ne pas accepter que l’on est seul peut conduire à diverses formes d’addictions, comme l’adoption d’un nombre excessif d’animaux pour palier un manque de compagnie (eh oui, l’image de la petite dame avec ses chats est peut-être plus vraie qu’on ne voudrait le penser) ou comme des jeux en ligne tels que le poker. Mais ces “solutions” ne font en fait qu’accroître l’isolement, et mener à une vie en marge de la réalité. Une vie déconnectée de soi-même et du monde extérieur.
Cela peut sembler exagéré, mais il est beaucoup plus facile de tomber dans le déni qu’on ne le pense : vivre seul peut souvent s’avérer plus facile que de vivre avec d’autres, parce qu’on peut vivre comme on veut. Pas de risque de blesser quelqu’un, personne avec qui se disputer, pas d’engagements à prendre… On peut être soi-même. Personne n’est là pour mettre des limites, pour nous juger ou nous critiquer. On peut alors véritablement s’enfoncer dans cette logique du “je préfère être seul”.
Bien sûr, il y a des côtés positifs à tout cela : être seul peut parfois s’avérer bénéfique, de la même manière que le silence peut aider à trouver la paix. Seul, on peut se voir avec une plus grande clarté. On peut grandir, apprendre et mieux se comprendre, redécouvrir qui l’on est. On peut être à l’écoute de ses propres besoins, et vivre pleinement ses passions et ses espoirs sans peur d’être jugé. On peut vivre en harmonie avec soi-même, et avoir du temps seulement pour soi. Pour toutes ces raisons, pour le compte d’une mission ou d’une passion, certaines personnes choisissent consciemment de vivre seules, comme par exemple les marins, les explorateurs, les missionnaires laïcs…
Et nombre de ces personnes choisissant la voie de la solitude disent que cela leur permet de faire mentalement de l’ordre dans leur passé. Prendre un peu de distance par rapport à certaines relations peut permettre de voir ces relations avec plus de clarté sans être pris dans le tourbillon des émotions. Mais quand une personne choisit de vivre seule, c’est le plus souvent une situation temporaire et positive, quand elle a besoin de cette solitude pour faire ses propres expériences et nourrir ses propres réflexions, ou pour abandonner certaines façons de penser.
Choisissez la bonne direction
Ainsi, la solitude n’a pas qu’un seul visage. Elle peut être destructrice comme elle peut aider à se reconstruire. Et bien que l’on ne puisse pas toujours empêcher la solitude de survenir, il y a des moyens de rendre ces périodes plus bénéfiques que douloureuses. La première chose à garder en tête, c’est de ne pas paniquer. Laisser place à l’anxiété, c’est entrer dans la spirale négative faisant croire que l’on est dans une situation irrémédiable dont on ne se sortira jamais. Ce genre de raisonnement, humain mais absurde, ne fait qu’accroître l’instabilité émotionnelle, pouvant conduire à différents sentiments comme l’impuissance, la tristesse ou la résignation, voire même la dépression.
La peur et le désespoir qui sous-tendent ce genre d’accès de panique peuvent aussi amener à agir de manière impulsive, par exemple en recherchant désespérément à s’entourer de nouvelles personnes, sur des “chats” en ligne ou des sites de rencontre sur lesquels on peut facilement passer des heures… Mais ces sites peuvent nous rapprocher de personnes que nous n’aurions jamais fréquentées dans d’autres situations. Les relations nouées sont alors souvent superficielles voire toxiques – le but étant juste d’avoir quelqu’un dans sa vie.
Le Dr. Sean Seepersad, fondateur du Web of Loneliness Institute, une organisation à but non lucratif visant à fournir des informations et un soutien aux personnes seules, évoque sensiblement la même problématique lorsqu’il déclare dans un article du magazine Psychology Today “qu’une relation amoureuse établie dans l’unique but d’échapper à la solitude est dans la plupart des cas vouée à l’échec.”
Au lieu de s’échiner à essayer d’établir des relations compliquées pour rendre la solitude moins dure, il vaut mieux utiliser toute cette énergie pour rechercher des informations qui aident à avancer, pour réfléchir, pour ne pas se mentir à soi-même. Il peut être bénéfique de tenir son journal, d’aller voir un thérapeute… Donnez-vous la possibilité d’admettre que vous traversez une période de solitude, et rappelez-vous que comme le reste, elle finira par passer. Et quand il vous arrive effectivement de parler à d’autres gens, essayez de le faire de manière authentique. Mettez à profit ce temps de solitude pour partir à la découverte de vous-même et renforcer vos ressources intérieures. Car même si vous n’avez pas choisi cette situation de solitude, vous pouvez choisir votre façon de la négocier et de la vivre.