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Saint Barthélemy raconte sa rencontre avec Jésus

St. Bartolomew

Saint Barthélémy.

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Jacques Gauthier - publié le 23/08/17 - mis à jour le 04/08/23
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À l'occasion de la fête de saint Nathanaël, dit Barthélemy, célébrée le 24 août, découvrez l'extrait du livre de Jacques Gauthier "Jésus raconté par ses proches", dans lequel il témoigne de sa relation avec Jésus.

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Je suis un Galiléen de Cana. On me surnomme Barthélemy, le fils de Tolmaï. J’ai rencontré Jésus à Bethsaïda dans la maison de Pierre, au nord du lac, non loin de Capharnaüm. C’est Philippe qui m’a parlé de lui : « Nous avons trouvé Jésus de Nazareth, fils de Joseph, de la race de David. Celui dont ont parlé Moïse et les prophètes ! »

Connaissant bien les Écritures, je lui répondis : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? »

Comme réponse, il m’a simplement dit de venir et de voir. Quand je suis arrivé avec Philippe, Jésus était seul. En me voyant arriver, il me dit : « Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. La paix à toi, Nathanaël ».

« Comment me connais-tu ? »

« Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. »

« Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! »

« Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, en train de méditer la Loi, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »

Ce qui pouvait être un blasphème aux oreilles de plusieurs constituait pour moi une confirmation de sa nature messianique. Ma transformation d’israélite en chrétien s’est faite progressivement. Je réfléchissais beaucoup, au lieu d’y aller spontanément par instinct spirituel, comme Jean. Jésus appréciait mon honnêteté, ma bonne foi, ma générosité, ma sagesse. J’exprimais avec simplicité les pensées les plus hautes, mais j’étais très attaché aux formules, à la Loi, comme Philippe, ce qui à ses yeux était un défaut. Il ne voulait pas que je sois borné comme un scribe. À son école, j’avais à découvrir un savoir qui ne s’apprenait pas dans les synagogues.

Inséparable de mon ami Philippe, élevés dans la même culture, nous faisions de grands efforts pour admettre d’autres vérités, par exemple la place des femmes auprès du Maître ou la façon de prier. Il estimait important que des femmes le suivent et qu’elles puissent, en plus, parler de lui, faire des miracles, prier pour les apôtres et avec eux. Pour lui, la prière était plus une conversation du cœur avec Dieu qu’une récitation de formules.

Jésus prêchait d’exemple. Que de fois je l’ai vu se retirer pour prier. Il avait besoin de prendre un temps précis pour prier son Père dans le secret et continuer la relation qu’il avait avec lui, même s’il lui était totalement uni dans la journée. Un matin qu’il revenait de prier, on lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples. » Il ne répondit pas en transmettant une méthode de prière pour nous soustraite aux vicissitudes du monde, mais en proposant une attitude fondamentale : la confiance filiale. Il nous demanda donc de commencer la prière en nommant Dieu "Notre Père" : « Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal ».

Nous avons récité cette prière tant de fois entre nous, mais lui seul l’entonnait avec une douceur et une force uniques, fruit de sa profonde intimité avec le Père tant aimé et adoré. 

En habitué de prières juives, je trouvais un très bel équilibre dans cette prière. À prime abord, cela m’étonnait qu’Israël, Jérusalem et le temple ne soient pas mentionnés dans la prière, comme si Jésus avait voulu qu’elle soit la plus universelle possible, pouvant être dite par tous les peuples, dans le lieu saint de chaque cœur. Nous étions invités à nous tourner vers le Père en toute confiance, à nous décentrer de nos besoins pour hâter la venue de son règne.

Jésus ne dissociait pas sa prière de sa vie, sa parole de son action. Le peuple l’adulait, non le Sanhédrin, qui le trouvait scandaleux et blasphémateur. Il n’était pas venu pour une élite, mais pour tous. Il ne prônait pas une révolution sociale et violente, mais intérieure et non-violente. S’il s’était opposé si ouvertement aux pharisiens, c’est parce qu’ils appliquaient la Loi à la lettre au mépris de l’esprit de Moïse, déformant l’amour de Dieu. Ils accablaient d’une manière ignoble les pauvres, les malades, les lépreux, les veuves, les orphelins, les esclaves, leur faisant porter des fardeaux trop lourds pour eux, les taxant à outrance. Jésus ne tolérait pas leur hypocrisie et fulminait devant l’injustice faite aux défavorisés, aux marginaux. « Méfiez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens », nous disait-il.

Je me souviens d’une parabole qu’il nous avait racontée. C’était l’histoire d’un enfant qui avait demandé à son père sa part d’héritage. Il le quitta et mena une vie de désordre. L’angoisse le rattrapa assez vite lorsqu’il toucha le fond de la misère. Il descendit en lui-même, s’ouvrit au désir de vivre et retourna contrit vers son père. Son manque lui fit prendre un chemin de conversion.

Cette parabole projetait principalement sa lumière sur le père miséricordieux que Jésus nous révélait et que nous appelions Abba. Quelle belle image de Dieu que ce père compatissant qui attendait son enfant, avait été saisi de pitié lorsqu’il l’aperçut, prit plaisir à lui pardonner, le couvrit de baisers, dansa et fit la fête, lui redonna sa dignité en tuant le veau gras et en lui mettant l’anneau au doigt. 

C’était tout un retournement que Jésus m’invitait à faire : croire que seul l’amour gratuit dictait l’action de Dieu. Le Père regardait ce que nous désirions être, non ce que nous avions été. Il n’avait que ce désir : nous rendre heureux en nous aimant sans rien attendre en retour. L’enfant prodigue, qui n’avait rien, était entré dans ce désir d’amour de son père, contrairement au fils aîné, qui pensait avoir des droits sur la vie, sur l’amour.

Accompagner Jésus sur cette voie de la miséricorde dans les montagnes escarpées de la Galilée, sur les petits chemins des campagnes, quelle marche rapide! Non seulement à cause de mon âge, mais du caractère subversif de son message qui ébranlera les fondements du judaïsme représenté au Sanhédrin. L’important était de rester en chemin, tendu en avant vers le Maître qui recommandait de voyager léger, l’esprit ouvert. Qu’importe le trajet, l’essentiel était d’y aller, de témoigner, pas à pas, au jour le jour.

Après sa résurrection, Jésus s’est fait voir à nous tous, ses apôtres, qui l’ont reconnu dans la foi. « Paix à vous », disait-il sans cesse. Nous avons reçu en abondance son Esprit à la Pentecôte. Ce même Esprit me fit passer de la route avec Jésus à la maison du Père, de fils d’Abraham à fils de Dieu. Car le plus grand miracle que Jésus a réalisé dans ma vie est d’avoir fait du neuf avec de l’ancien. 

Jésus raconté par ses proches, de Jacques Gauthier, ed. Parole et silence, septembre 2015.
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