Passé maître dans l’art du trompe-l’œil, l’atelier des mosaïques au Vatican fabriquent les “tableaux” de la basilique Saint-Pierre, qui ressemblent, à s’y méprendre, à de la peinture à l’huile.
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Presque invisible, l’atelier de mosaïque du Vatican est situé entre la Maison Sainte-Marthe, résidence du pape, et le bureau de la Fabrique de Saint-Pierre. C’est là, dans cette antre méconnue, que travaillent une douzaine de maîtres en blouse blanche, loin des regards des curieux.
Outre la restauration de la basilique avec ses couleurs d’origine, ces artisans aux mains d’or préparent aussi, à partir d’émaux vénitiens, des cadeaux diplomatiques pour les voyages du pape, ou encore des commandes privées, profanes ou sacrées. Des œuvres qui coûtent pas loin de 2000 à 30 000 euros ! Leur savoir se transmet grâce à des écoles privées et indépendantes, qui font perdurer la tradition du micromosaico minuto romano, pour le plus grand bonheur des touristes fortunés.
École romaine de la mosaïque
Pour bâtir la basilique Saint-Pierre, le pape Jules II avait rasé l’antique basilique de Constantin, qui menaçait de s’effondrer. Mais l’art des mosaïques, lui, s’était à l’époque perdu. Il avait été développé dans l’antiquité, conçu pour résister aux flammes et à l’humidité, et pour décorer les basiliques paléochrétiennes. À la suite de Jules II, Grégoire XIII sollicite donc des maîtres vénitiens pour rappeler cette tradition à Rome. Bien que la Sérénissime garde le monopole de la production des émaux, ces années marquent le début de l’école romaine de la mosaïque.
À la fin du XVIe siècle, l’intérieur du dôme de Michel-Ange est ainsi entièrement couvert de tesselles (fine partie d’une mosaïque). Comme la durée de la mosaïque tient à la qualité des mastics, une recette à base d’huile de lin et de poudre de marbre est développée par la Fabrique. Tenue secrète, elle est encore utilisée aujourd’hui.
Mais à l’époque, le scintillement et le manque de nuances des émaux vénitiens ne donnent cependant pas satisfaction aux artistes, qui souhaiteraient se rapprocher du rendu mat et subtil de la peinture.
Au XVIIe siècle, la Révérende Fabrique de Saint-Pierre élabore donc, dans des fours spécialisés, des composés vitreux capables de couvrir une large gamme chromatique pour reproduire les nuances de la peinture à l’huile. Rome devient une référence, au point que Venise, privée de ses principaux artisans pendant la peste de 1630, soit obligée de recourir aux mosaïstes romains. Un comble !
En 1727, l’atelier de mosaïque est institutionnalisé par Benoît XIII, afin d’organiser la véritable industrie qu’est devenue l’école de Rome. Le studio del mosaico, rattaché à la Fabrique, est alors chargé de transposer toutes les peintures de la basilique en mosaïques et d’assurer la maintenance de près d’un hectare de tesselles, dont le revêtement des coupoles. Peu de touristes le savent, mais le triomphe de la croix de Giovanni Lanfranco est une des rares peintures restantes dans la basilique. Les artistes admis à l’atelier sont alors appelés peintres de mosaïque.
Affinée au cours des siècles, leur technique permet de réaliser des œuvres profanes et sacrées d’une finesse incomparable comme des ornements de boîtes, de petits tableaux, de bijoux, de vases, de cadrans de montre… Lesquelles représentent principalement la place Saint-Pierre, des paysages ou des ruines de l’époque antique. Le succès économique de la mosaïque miniature n’est d’ailleurs pas étranger au commerce des souvenirs rapportés par les voyageurs au XIXe siècle, littéralement éblouis par le talent des maîtres.
Suite à un incendie de la basilique de Saint-Paul-Hors-Les-Murs en 1823, c’est aussi le studio del mosaico qui réalise, depuis 1847, les célèbres portraits en mosaïque des souverains pontifes dans la basilique paulinienne.