separateurCreated with Sketch.

Terrorisme islamique : l’attentat de Levallois fragilise l’opération Sentinelle

POLICE
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Philippe Oswald - publié le 11/08/17
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

L’attaque qui a blessé six soldats le 9 août renforce la nécessité de revoir de fond en comble le déploiement de militaires en appui du plan Vigipirate.

Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.


Je donne en 3 clics

*don déductible de l’impôt sur le revenu

Au lendemain de l’attaque à Levallois de six soldats par un Algérien radicalisé (9 août), les critiques se multiplient contre l’opération Sentinelle mise en place pour renforcer le plan Vigipirate après les attentats de janvier 2015. 7 000 soldats de l’armée de Terre sont ainsi déployés en permanence sur près de 300 sites en France avec un double but : rassurer la population et renforcer les effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire.

Trois déficiences majeures

Mais l’opération Sentinelle est remise en cause en raison de trois déficiences majeures que résume la chaîne LCI :
1°) « Ces soldats sont devenus des cibles privilégiées par les terroristes. Quatre jours avant l’attentat de Levallois, des militaires avaient été pris pour cibles à la tour Eiffel. À Orly en mars 2017, au Louvre quelques semaines plus tôt, mais également à Valence en janvier 2016 ou encore à Nice en février 2015, ce sont des soldats qui étaient agressés. »
2°) « “L’inefficacité de l’opération est criante” selon Elie Tenenbaum, chercheur à l’Ifri et auteur d’un rapport intitulé “La sentinelle égarée ?” : “Ces militaires sont utilisés comme des supplétifs des forces de police avec des pouvoirs extrêmement limités, qui font de la présence et de la sécurisation a minima.” »
3°) « Le dispositif exténue les soldats en les détournant de leurs véritables missions. “Sentinelle fait porter une charge considérable sur les armées et a un poids tout à fait négatif sur le moral des troupes et leur capacité à recruter les soldats dont nous avons besoin”, explique le général à la retraite Vincent Desportes, ancien directeur de l’École supérieure de guerre. »

La grande déprime des militaires

Le Parisien (10 août) se fait l’écho de la grande déprime des militaires, dont témoigne ce capitaine qui vient de « jeter l’éponge » après trente ans de carrière dans l’armée de Terre : « “Il n’y a plus d’adéquation entre le discours de l’État et les moyens qui sont engagés pour nous aider à accomplir nos missions. Emmanuel Macron s’habille en militaire et en même temps il rabote notre budget. Pourtant, on ne peut pas dire qu’on ait beaucoup de matériel.” Lui était trop “usé”, comme il dit. “Physiquement, moralement. On enchaînait les missions Sentinelle puis à l’étranger sans avoir le temps de prendre nos permissions. Et quand on est pris pour cible, les politiques viennent nous voir à l’hôpital, ils font des déplacements et, quarante-huit heures après, on n’en parle plus. C’est totalement déprimant. Et si on n’a plus confiance, on ne peut pas accepter de faire le sacrifice ultime pour eux” ».

C’est cet épuisement que tentent d’exploiter les terroristes : leur but est “l’usure des forces de l’ordre (…) il s’agit d’imprimer une tension permanente sur les forces de sécurité”, estime Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure et membre du conseil scientifique de l’École de guerre, dans un entretien au Figaro (9 août). Constatant qu’ “en France, en 2017, toutes les attaques à caractère terroriste ont visé des forces de l’ordre”, il pense que “ces six blessés dont deux graves vont durablement marquer les esprits dans les forces de sécurité intérieure”. D’autant, souligne-t-il, que “le choix de la ville de Levallois n’est pas anodin mais symbolique : c’est là que se trouve le siège de la DGSI [Direction Générale de la Sécurité Intérieure]”.

Il faudrait “repenser le dispositif sur le temps long” conclut Thibault de Montbrial : “(…) Garder un appui militaire autour des zones stratégiques très sensibles (gares, aéroports), mais développer davantage la sécurité privée armée dans les lieux recevant du public, et confier les patrouilles dynamiques aux seuls gendarmes et policiers”. Le temps presse avec le retour de jihadistes de Syrie ou d’Irak : “Une note d’Interpol diffusée aux autorités européennes en juillet dressait une liste nominative de 173 kamikazes susceptibles d’agir sur territoire européen !”

Revoir et corriger Sentinelle

Le 13 juillet, Emmanuel Macron avait annoncé que le dispositif allait être revu “en profondeur”. Une nouvelle organisation du plan Sentinelle devait être proposée en septembre. Mais « avec cette nouvelle attaque, Florence Parly [ministre des Armées] et Gérard Collomb [ministre de l’Intérieur], qui devaient présenter à la rentrée leurs propositions pour Sentinelle au président de la République, risquent fort de devoir précipiter leur agenda » prédit BFMTV qui souligne que l’attaque de Levallois-Perret a eu lieu « en pleine crise des armées ».

Toutefois « côté politique, les réactions diffèrent. Des responsables plaident pour une suppression pure et simple du dispositif, certains pour son aménagement et une réduction de ses effectifs, quand d’autres prônent son maintien en l’état » constate Le Monde (11 août). « Mercredi, après l’attaque de Levallois, Florence Parly, ministre des armées, a jugé l’opération Sentinelle “plus nécessaire que jamais” (…) Un avis qui n’est pas partagé, notamment par Clémentine Autain. “Ce n’est pas l’opération la plus opportune car la plupart des interventions visent [pour les militaires] à se protéger soi-même”, a ainsi déclaré, jeudi 10 août, la députée de La France insoumise sur Franceinfo. (…) Interrogée sur le projet de loi antiterroriste – destiné à inscrire dans le droit commun certaines mesures du régime de l’état d’urgence – qui sera examiné à l’Assemblée à la rentrée, Clémentine Autain a assuré que son groupe y “sera fortement opposé”. Même ton offensif chez Daniel Fasquelle. “Le dispositif est évidemment à remettre à plat”, a estimé le député Les Républicains sur RMC, qui juge néanmoins nécessaire pour le moment de “maintenir” l’opération Sentinelle. “Est-ce que c’est la vocation des militaires que d’assumer ce genre de missions ? On sait qu’ils ne sont pas formés pour ça et que ce n’est pas leur mission particulière. (…) C’est d’abord et avant tout la mission de la police nationale et de la gendarmerie que d’assurer la sécurité sur le territoire national.” Le député LR dénonce avant tout les coupes controversées de 850 millions d’euros dans les crédits de la défense en 2017. »

Alors, « Sentinelle est-elle utile et efficace ? », se demande La Nouvelle République (11 août). « “Oui”, affirmait le général de Villiers, le 12 juillet, devant la commission de la Défense, à l’Assemblée. Devant la même commission, le 19 juillet, le patron de l’armée de terre, le général Bosser, disait même que l’effet Sentinelle n’était peut-être pas étranger au fait que “Paris a retrouvé son taux de fréquentation touristique d’avant les attentats”. Mais “Il faut trouver la meilleure efficacité sur le terrain, tout en faisant peser une moindre pression sur nos forces”, précisait le général de Villiers. Sentinelle, “ça ne fait pas rêver nos jeunes”, assurait le général Bosser. D’où l’idée de réformer le dispositif. (…) Devant la commission de la défense, le général Bosser a esquissé, le 19 juillet, ce que pourrait devenir l’opération Sentinelle adaptée : “3 000 soldats déployés autour de sites parisiens sensibles, 3 000 en réserve sur tout le territoire et 3 000 autres se préparant à des prises d’otages de masse, risques bactériologiques, etc.” »

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Tags:
Aleteia vit grâce à vos dons

Permettez-nous de poursuivre notre mission de partage chrétien de l'information et de belles histoires en nous soutenant. 

Profitez de cette fin d'année pour bénéficier d'une déduction de 66% du montant de votre don sur l'impôt sur le revenu en 2024.

Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !