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Conversion fulgurante : Max Jacob, de la bohème au silence de l’abbaye

Max Jacob
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Isabelle Cousturié ✝ - publié le 04/08/17
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Max Jacob est né le 12 juillet 1876 et mort le 5 mars 1944 à Drancy. Le 22 septembre 1909, une vision du Christ sur le mur de sa chambre bouleverse la vie de ce poète et romancier juif qui n’aura désormais d’autre espérance que d’arriver à “ne plus pécher”.

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Poète et romancier, peintre, originaire d’une famille juive non pratiquante de Bretagne, rien ne prédestinait Max Jacob à recevoir cette “grâce soudaine”, lui, au caractère “imprévisible et incontrôlable” disait-on, l’artiste ami de Picasso, d’Apollinaire, de Modigliani et Jean Cocteau, qui adorait la vie nocturne et agitée de Montparnasse, le passionné de cartomancie, d’horoscope et d’art divinatoire, l’homosexuel accro à l’opium et à l’éther.

Pourtant, ce 22 septembre 1909, c’est à lui que “l’Hôte” apparaît sur le mur de sa chambre provoquant en lui un vrai bouleversement intérieur :

“Je tombai à genoux, mes yeux s’emplirent de larmes soudaines. Un ineffable bien-être descendit sur moi, je restai immobile, sans comprendre. J’eus instantanément la notion que je n’avais jamais été qu’un animal, que je devenais un homme. Un animal timide. Un homme libre. Instantanément aussi, dès que mes yeux eurent rencontré l’Être Ineffable, je me sentis déshabillé de ma chair humaine, et deux mots simplement m’emplissaient : MOURIR, NAÎTRE…”
Récit de ma conversion, publié en 1951

Pendant deux mois, Max Jacob ne cesse de dire qu’il a dialogué avec les anges, remerciant le sien de lui être apparu ce jour-là et de l’avoir converti. Propos qui lui valent des moqueries et accusations de “charlatanisme” de la part de certains prêtres qui prenaient cela pour une extrême provocation artistique. On le prend pour un mystificateur. Son baptême n’aura d’ailleurs lieu que le 18 février 1915. Dans la chapelle des Sœurs de Notre-Dame de Sion, avec Pablo Picasso pour parrain qui lui offre un exemplaire de L’Imitation de Jésus Christ pour qu’il n’oublie pas ce jour. Il fait le même jour sa communion.

Quelques jours auparavant, il confie dans une lettre à l’écrivain Jean-Richard Bloch, son ami et cousin, une deuxième vision et son cheminement avant de passer à cet « acte énorme » :

“Mon cher Jean, je me convertis au catholicisme. Tu sais que Dieu m’a fait l’honneur de se montrer à moi et à mon mobilier le 28 octobre 1909 (…) Il a renouvelé pour mes yeux ce miracle le 17 décembre dernier à 10 heures et demi du soir sur une toile de cinématographe Pathé rue de Douai. Une hésitation nouvelle serait de l’ingratitude. Je n’attends plus le Messie comme mes coreligionnaires : je l’ai vu ! Le devoir de ceux qui croiront mes yeux est de m’imiter ; les juifs n’ont pas été appelés par lui au début parce qu’il fallait que la nouvelle religion ne restât pas une secte juive ; aujourd’hui que la mission des juifs est accomplie, ils doivent se réjouir de ce qu’ils ont fait par leur sacrifice séculaire, ils doivent se réunir à lui. Ne m’oppose aucune objection temporelle : elles n’ont aucune importance pour moi ! Je ne renie rien : je n’avais pas de religion, j’en choisis une…”
Max Jacob de Béatrice Mousli

En pleine guerre mondiale, à laquelle il échappera à cause de sa santé, la vie “dévote” de Cyprien-Max Jacob commence. À ceux qui doutent de sa sincérité, il décide de mettre sous leurs yeux, sans commentaires, les poèmes et les proses correspondant à chaque étape de son étonnante évolution, dans son précieux ouvrage La Défense de Tartufe, qui paraît en 1919 sous forme de recueil d’ “extases, remords, visions, prières, poèmes et méditations” d’un juif converti. Tartufe, auquel Jacob s’identifie, est un “pauvre” chrétien qui tente de concilier sa vie et ses principes.

“Ne plus pécher”

Max Jacob trouve dans le catholicisme “ce qu’il ne trouvait pas dans le mysticisme : la paix !”. Une paix qui l’amènera à se retirer, en 1921, à Saint-Benoît-sur-Loire, un petit village à 160 kilomètres de Paris, connu pour sa belle abbaye Notre-Dame-de-Fleury, pour y vivre une vie plus “conforme à sa foi”, éloignée des tentations parisiennes. Dans ce lieu, où il restera sept ans, son existence est rythmée par la prière et les messes quotidiennes, et des “horaires stricts pour se forcer à travailler” : peindre, lire, dessiner, écrire. Réfugié dans la pénitence et la méditation, l’artiste ne s’autorisera qu’une brève échappée en Italie et en Espagne, et un passage éclair à Paris. Il n’a d’autre espérance que d’arriver à “ne plus pécher”. Un vers témoigne de cette quête inlassable — “Pécher, pécher, se repêcher” — dans un de ses poèmes illustrant sa lutte quotidienne, expliquant que : “Quoi qu’on dise, dans l’évangile, être chrétien n’est pas facile…”.

En mars 1928, il retourne à Paris mais en repart dégouté par la vie parisienne, lui préférant la vie d’austérité campagnarde et de prière intense connue pendant ces sept années à Saint-Benoît-sur-Loire. Cyprien-Max Jacob ne quittera plus l’abbaye jusqu’à son arrestation par la Gestapo, en février 1944, puis son internement au camp de Drancy, victime de ses origines juives. Le 5 mars il succombe à une congestion pulmonaire. Il est inhumé à Saint-Benoît depuis 1949. Au moment de son arrestation, il écrivit au chanoine Fleureau, son curé : “J’ai confiance en Dieu. Je le remercie du martyre qui commence”.


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