L’émergence d’un hindouisme politique revendicatif menace “la plus grande démocratie du monde”… et inquiète les minorités du pays, chrétiennes comme musulmanes.Le père George Pattery, supérieur des jésuites des provinces de Calcutta et du Bangladesh, s’inquiète des dérives du pouvoir indien, dominé par le BJP, le parti du premier ministre Narendra Modi, élu en 2014. “Il y a une tentative de faire de l’Inde une nation homogène culturellement et religieusement”, dénonce le prêtre, au détriment des minorités, en particulier les communautés musulmanes et chrétiennes.
Après l’indépendance de l’Inde, il y a 70 ans, ses voisins, le Pakistan et le Bangladesh, ont abandonné l’idée d’avoir un État laïc, sous les coups de butoir du fondamentalisme islamique. Le Ceylan, qui était un État moderne et libéral est devenu le Sri Lanka, et ne s’est pas encore remis de la guerre civile qui opposa les communautés Sinhala et Tamil. Le Népal souffre lui aussi de son passé, même si c’est cette fois l’émergence du marxisme qui a déchiré le pays. Enfin, au Bhoutan, les tensions entre bouddhistes et hindous népalais menacent l’équilibre du pays. Dans ce contexte géographique tendu, l’Inde a maintenu jusqu’à présent un système politique démocratique et stable.
Le nationalisme hindou corrompt la politique
Ce sont les élites qui représentent la plus grande menace pour la stabilité du pays. “L’élite dirigeante promeut un mixte toxique de néo-libéralisme et de nationalisme hindou”, dénonce le père George Pattery. Les instances dirigeantes et les ministères sont noyautés par des militants hindouistes, qui multiplient les initiatives inspirées par leur idéologie. Ils sont à l’origine des restrictions qui frappent les consommateurs de viandes, les lois anti-conversions des hindous, autant d’initiatives plus ou moins visibles qui stigmatisent les non-hindous.
Ces nationalistes investissent aussi la police et même la justice. Le cas de la sœur Bina Joseph, condamnée pour “enlèvement d’enfant”, et en fait soupçonnée de convertir des hindous, a impressionné la minorité chrétienne. Persuadés qu’ils n’ont rien à craindre, les extrémistes hindous du peuple se livrent à des violences de plus en plus fréquentes contre les minorités. Enfin, les médias indiens eux-mêmes sont attaqués, ainsi que les organisations non gouvernementales, comme Compassion International, qui a dû fermer ses portes car elle était soupçonnée de “convertir les jeunes hindous”.
L’hindouisme, instrumentalisé en vue d’un agenda politique, n’est pourtant pas une religion exclusive selon le père George Pattery. Il assure que les chrétiens en général, et les jésuites en particulier, ont un point de vue extérieur sur cette religion que l’Inde devrait entendre de toute urgence. “L’hindouisme est profondément pluraliste”, assure-t-il, “nous qui ne partageons pas cette religion, nous avons le recul nécessaire pour voir les manipulations auquel il est soumis, et nous pouvons les dénoncer”.
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