L’église Saint-Jean-de-Malte, à Aix-en-Provence, trône en haut du quartier Mazarin, près du musée Granet. Il s’agit du plus vieil ensemble gothique de Provence. Retour sur l’histoire de cet édifice que l’été rend propice à la visite.
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Depuis trente-cinq ans, la paroisse Saint-Jean-de-Malte est dirigée par la Fraternité des moines apostoliques diocésains d’Aix-en-Provence. Un acte du comte de Provence, Alphonse II, datant de 1192, atteste de l’existence, en ce même lieu, d’une maison des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem sur les ruines, probable, d’un temple dédié à la déesse Minerve.
Un style gothique unique en Provence
On ne connaît pas avec certitude la date de construction de l’église, mais les historiens la situent au milieu du XIIIe siècle. Le premier édifice possédait déjà une nef, un transept et un chœur. Les chapelles latérales furent rajoutées ultérieurement. Le maître d’ouvrage fut le commandeur d’Aix, le frère Bérenger Monachi. La tradition veut qu’il soit un homme du Nord venu avec les angevins.
Cette tradition fut sans doute motivée par le fait que l’édifice était entièrement gothique, style qui se développait dans le Nord depuis le XIIe siècle. Cette nouvelle architecture était inédite dans la ville mais également dans toute la Provence. D’un point de vue architecturale, on trouve une nef unique et de grandes fenêtres qui ne couvrent qu’une partie du mur car la lumière est suffisamment forte aux portes de la Méditerranée.
Au gré des péripéties
Cette église sera également en proie aux turpitudes de l’histoire : en 1358, les bandes d’un archiprêtre assiègent la ville, et le prieuré est détruit. En 1556, le clocher manque d’être abattu lors de l’invasion de Charles Quint. On songe même, en 1589, à la détruire, afin de mieux aménager le quartier et de se protéger contre les envahisseurs. Finalement, au XVIIIe siècle, l’archevêque Michel de Mazarin, frère du fameux cardinal, édifie tout le quartier (qui porte aujourd’hui son nom) dans lequel était enchâssée l’église. Sur l’entrée Nord, reconstruit, on rajouta un médaillon en marbre représentant la décollation du Baptiste, une iconographie traditionnelle pour l’Ordre de Malte (l’Ordre de Jérusalem ayant été chassé de Jérusalem, il trouva refuge à Rhodes puis à Malte dans la Méditérannée).
Parmis les détails notables de l’édifice, le visiteur pourra observer les deux gargouilles à tête de chien, les deux tourelles de 32 mètres de haut ainsi que le clocher flottant à 67 mètres (il dépasse d’un pouce le point culminant de la cathédrale d’Aix). La foudre s’abattit souvent sur ce dernier et on prétend que celle de 1963 lui aurait rendu sa hauteur d’origine, perdue au XVIIIe siècle !
Le XVIIIe marque un tournant pour l’édifice ; le prieur Jean-Claude Viany transforme l’architecture gothique vieillissante (abîmée par les guerres de Religion notamment), en décor baroque et lui donne l’allure qu’on lui connaît à présent. Il enlève le chœur, ajoute les six chapelles latérales qui abriteront les tombeaux de nobles familles provençales, lesquels seront détruits durant la Révolution. Des tableaux et des retables seront posés, mais ils disparaîtront également à la fin du XVIIIe siècle. On doit enfin, à Jean-Claude Viany, un nouveau prieuré qui, depuis, est devenu le musée Granet.
La période révolutionnaire
Durant la Révolution, l’Ordre de Malte ne participe pas aux États généraux, estimant qu’il ne fait pas partie du clergé. Ses biens sont mis en vente en septembre 1792 et l’église devient, alors, sans emploi. Mais le curé Charles-Benoît Roux décide de faire du bâtiment une paroisse. Elle est fermée en 1794 et Roux guillotiné sur la Canebière pour cause de sympathies girondines. Rouverte en 1795 puis refermée un an plus tard, elle tombe dans les mains d’un particulier. Après de nombreuses autres péripéties (mises en vente ou projets de destruction), c’est la ville d’Aix qui finit par l’acheter en 1825, quatre-vingts-ans avant la loi de séparation de l’Église et de l’État.
Au milieu du XIXe siècle, le peintre verrier Charles-Laurent Maréchal se charge de l’immense fenêtre qui occupe presque tout le mur de chevet. Son œuvre, historique et mystique, basée sur le baptême de Jésus par Jean le Baptiste, rend hommage à l’ancien Ordre, représenté par trois chevaliers reconnaissables à leur croix.
Les tableaux les plus célèbres de la ville sont le Buisson ardent et l’Annonciation de l’église de la Madeleine, aujourd’hui en travaux. Malgré les aléas de l’Histoire, on peut admirer à Saint-Jean-de-Malte la Résurrection du Christ peinte par Finsonius et surtout la Crucifixion d’Eugène Delacroix, copie d’une œuvre du flamand Van Dick, léguée par un particulier et accrochée le 26 avril 1998, jour du bicentenaire de l’artiste.