Alors que cette année les évêques de France ouvrent la procédure de béatification de la poétesse Marie Noël, le père François Marxer, expert de l’histoire de la spiritualité, signe un ouvrage majeur retraçant les expériences personnelles des plus grandes femmes mystiques du XXe siècle.
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Dans ce bréviaire de spiritualité féminine le prêtre et historien François Marxer dresse le portrait de huit femmes mystiques confrontées au péril de la nuit, qui dans leurs expériences diverses ont toutes été amenées à “rencontrer Dieu”. À côté des quatre religieuses : la philosophe Édith Stein, l’infatigable Mère Teresa, la dominicaine Marie de la Trinité, et la championne de l’amour Thérèse de Lisieux [ndlr : figure de la fin du XIXe siècle], figurent quatre laïques, toutes aussi singulières par leurs destins très spéciaux : Simone Weil, restée au seuil du baptême, Etty Hillesum et Adrienne von Speyr, confrontées aux camps nazis, et la poète Marie Noël. Dans une époque qui refuse toute forme d’obscurité par peur du silence, ces femmes délivrent des puissantes leçons spirituelles pour découvrir ce “Dieu caché” que seule la nuit obscure peut révéler.
Les femmes entretiennent une relation particulière avec Dieu, car elles partagent avec Lui la puissance d’engendrer les vivants. Malgré les spécificités des parcours spirituels de chacune de ces femmes, l’auteur souligne le lien fort qui les unit : toutes ont connu le “danger de la nuit” et ont expérimenté dans leur chair, et dans leur foi, la souffrance qui conduit vers Dieu. “Ce qui caractérise la mystique chrétienne, à la différence d’autres traditions spirituelles, c’est qu’elle est une mystique du désir, impliquant la chair, car le Christ s’est incarné”, précise le père François Marxer, qui est aussi professeur de théologie spirituelle au Centre Sèvres à Paris.
Ténèbres de l’incroyance et nuit de la foi
Le fait de célébrer “la nuit” dans l’époque actuelle implique une part de défi. Les ténèbres évoquent les troubles liés au péché, cet aveuglement volontaire dont l’âme est responsable et s’en trouve tourmentée dans la nuit obscure des grandes mystiques. La “divine Ténèbre” en revanche est l’obscurité salutaire, le sceau du dépouillement permettant à Simone Weil de descendre en elle-même et de faire coïncider la joie et le malheur à travers une exploration bienfaisante de son âme. Il y a donc, certes, la nuit heureuse de la visite, chantée par la fiancée dans le Cantique des Cantiques : “J’étais endormi mais mon cœur veillait” (Ct 5,2). Mais il y a aussi la nuit désolée qui survient quand le bien-aimé disparaît, entraînant ainsi l’âme dans un désert spirituel profond : on connaît le combat que mène Mère Teresa contre cette “absence de Dieu” et qui crie : “Mon cœur est tellement vide… la perte et le vide de la foi, de l’amour, de la confiance”. Et c’est par le Christ qu’elle accepte cette nuit de souffrance longue de 50 ans : “La situation physique de mes pauvres abandonnés dans les rues, indésirables, mal aimés, délaissés est l’image exacte de ma propre vie spirituelle, de mon amour pour Jésus, et cependant cette terrible douleur ne m’a jamais fait désirer qu’il en soit autrement”.
À l’école des femmes mystiques
L’auteur invite le lecteur à comprendre la connaissance de Dieu à travers le cheminement personnel de ces mystiques et non pas comme une théologie conceptuelle et désincarnée. Toutes les femmes mentionnées ici ont été saisies par les griffes de cette nuit infernale. Mais il y a aussi, mystérieusement mélangée dans cette obscurité, la nuit théophanique, qui ouvre sur l’expérience de la Présence donnée pour consoler la détresse et pour répondre à l’immense désir de l’Absolu.
Tout en rapprochant des destins hors du commun, le père Marxer n’insiste pas sur l’aspect exceptionnel et spectaculaire que peut revêtir une expérience mystique. Les récits intimes de ces femmes révèlent en effet une grande spiritualité du quotidien, ainsi que l’humilité de leur cœur et de leur intelligence. Une Thérèse de Lisieux ou une Marie Noël sont des exemples de la plus grande simplicité, de la vie quotidienne la plus commune, combinée à l’audace spirituelle et à la confiance dans le Créateur.
Plus qu’une initiation à la spiritualité féminine chrétienne, cet ouvrage rappelle à tout chrétien de vivre sa foi non pas en héraut présomptueux d’une vérité absolue mais plutôt en témoin du mystère de la vie et de la grâce sans se décourager du clair-obscur de la vie humaine.
Au péril de la nuit : femmes mystiques du XXe siècle, François Marxer, les Éditions du Cerf, mai 2017, 29 euros.