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Rodin, révélateur d’âmes

Auguste Rodin dans son atelier photographié par Dornac en 1898.

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Alma Delarivière - publié le 17/06/17
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Pour le  centenaire de la mort de Rodin, les initiatives célébrant sa mémoire et son œuvre se multiplient. C’est l’occasion de découvrir le génie dans ce qu’il a de plus intime : son âme. Et par chance, elle nous est donnée à voir dans un petit ouvrage intitulé L’Art de Rodin.

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L’Art de Rodin est la transcription de nombreuses conversations entre le sculpteur et son ami Paul Gsell. Derrière le génie mythique, le travailleur acharné, l’ami des grands artistes de son temps, se cache un très fin penseur, un contemplatif, un être éperdu de vérité et de transcendance. Comme Les Lettres à un jeune poète de Rilke, ou la Lettre aux artistes de Jean Paul II, ces propos sont une magnifique ode au métier d‘artiste.

“Regarder un visage humain pour déchiffrer une âme” 

Dans ces échanges, Rodin décrit sa mission d’interprète du monde : « Il (l’artiste) n’a qu’à regarder un visage humain pour déchiffrer une âme. » Pour le père du Penseur, toute forme est spirituelle. S’il a été un virtuose pour célébrer la chair et modeler la forme humaine, son génie extraordinaire a été de leur donner un surplus de vie. Ses sculptures n’ont pas une beauté plastique et réaliste, elles semblent avoir une âme, car elles sont transcendées par un mouvement, un élan spirituel. Et voilà comment le maître l’explique : « Ce que nous adorons dans le corps humain, c’est encore plus que sa forme si belle, la flamme intérieure qui semble l’illuminer par transparence. »

Le sculpteur se fait le chantre de la dimension sacrée du corps humain : « Le corps exprime toujours l’esprit dont il est l’enveloppe. Et pour qui sait voir, la nudité offre la signification la plus riche. Dans le rythme majestueux des contours, un grand sculpteur, un Phidias reconnaît la sereine harmonie répandue sur toute la Nature par la Sagesse divine ». La vie transparaît de chaque chose, de chaque être. Chaque paysage est à décrypter pour y rencontrer l’âme de son Créateur. Il n’existe donc pas de laideur pour l’artiste qui a affaire aux âmes plutôt qu’aux formes. « La Nature est toujours belle : il suffit de comprendre ce qu’elle nous montre. (…) même dans la tête la plus insignifiante, réside encore la vie, puissance magnifique, inépuisable matière à chefs-d’œuvre.” 

L’artiste va même plus loin. Derrière la difformité physique, il découvre la blessure intérieure de l’homme et sous ses doigts émerveillés, il fait jaillir la compassion. Ainsi agit le sculpteur envers sa Vieille Heaulmière, le prêtre envers le pécheur, le Christ envers le lépreux. Au fond, l’artiste fait œuvre de miséricorde, transfigurant la laideur : « Plus est poignant le martyre de la conscience logée dans ce corps monstrueux, plus l’œuvre de l’artiste est belle. »



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La continuelle adoration de la vérité

Rodin déclare sa flamme à la vérité comme saint François déclarait la sienne à Dame Pauvreté. Le grand maître sculpteur fait de la vérité sa vocation et de son expression pure et parfois brute, sa joie la plus intense. Sans illusion ni complaisance, la vérité est pour l’artiste une source d’émerveillement : « Il a parfois le cœur à la torture, mais plus fortement encore que sa peine, il éprouve l’âpre joie de comprendre et d’exprimer. Son extase est parfois terrifiante, mais c’est du bonheur encore parce que c’est la continuelle adoration de la vérité. »

Cet amour passionné de la vérité l’a-t-il conduit à l’Éternel ? En voyant un grand crucifix suspendu au mur de sa chambre, son ami Paul Gsell lui demanda s’il était religieux. Il répondit qu’il n’était pas un « praticien » de la religion. Pourtant, de cette dernière, il offre une belle définition, laissant transparaître la profondeur d’une belle âme de chercheur : « La religion,(…) c’est encore l’élan de notre conscience vers l’infini, l’éternité, vers la science et l’amour sans limites, promesses peut-être illusoires, mais qui, dès cette vie, font palpiter notre pensée comme si elle se sentait des ailes. »

La marque de l’amour céleste

Rodin explique qu’au fond, le meilleur maître pour un sculpteur est le Créateur Lui-même. Tout l’enjeu de la sculpture n’est pas de reproduire un corps humain, mais de lui donner vie. Grâce à son regard, il reçoit une perception plus fine, plus subtile, plus profonde des choses et des êtres. Par son talent il nous la communique, nous faisant alors toucher du doigt la présence de Dieu dans toute chose. Il s’est fait à son tour créateur, s’étant mis dans les pas de Dieu, pour montrer aux hommes le miracle de leur modelage originel : « Quand un bon sculpteur modèle un torse humain, ce ne sont pas seulement des muscles qu’il représente, c’est la vie qui les anime,… mieux que la vie,… la puissance qui les façonna et leur communiqua soit la grâce, soit la vigueur, soit le charme amoureux, soit la fougue indomptée. »

Ce Dieu qui donne vie à tout, le génie  en a déjà constaté la présence dans les cathédrales et rend alors un bel hommage aux artistes anonymes du Moyen-Âge : « Pourquoi nos cathédrales gothiques sont-elles si belles ? C’est que dans toutes les représentations de la vie, dans les images humaines qui ornent leurs portails et jusque dans les crosses de plantes qui fleurissent leurs chapiteaux, l’on découvre la marque de l’amour céleste. Partout nos doux imagiers du Moyen-Âge ont vu resplendir l’infinie bonté. »

“Enrichir l’âme de l’humanité”

De ce va-et-vient entre Dieu et lui par la contemplation, puis entre lui et ses contemporains, Rodin a fait sa mission principale. En creusant la matière, en se consacrant à la recherche du sens caché des formes, il va à la rencontre de son âme et par les émotions qu’il nous fait vivre, nous invite à une rencontre plus intime avec la nôtre : « Car, en teintant de son esprit le monde matériel, il révèle à ses contemporains extasiés mille nuances de sentiment. Il leur fait découvrir en eux-mêmes des richesses jusqu’alors inconnues. Il leur donne des raisons nouvelles d’aimer la vie, de nouvelles clartés intérieures pour se conduire. »

Voyant ce que ses contemporains ne voient pas, l’artiste donne ce qu’il a reçu dans son âme, rendant le monde spirituel accessible à tous : « L’artiste, en représentant l’Univers tel qu’il l’imagine, formule ses propres rêves. À propos de la Nature, c’est son âme qu’il célèbre. Et ainsi il enrichit l’âme de l’humanité. »

Découvrez la bande-annonce du film “Rodin” de Jacques Doillon, sorti le 8 juin 2017, à l’occasion du centenaire de sa mort.

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