Un nouveau record d’abstention se profile dimanche 18 juin. Plus que la force intrinsèque d’un parti aux contours incertains, cette abstention sans précédent fait le lit de La République en Marche.
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Après le séisme présidentiel, la réplique des législatives. Le raz-de-marée annoncé de La République en Marche (LREM) a bien eu lieu au premier tour des législatives et on ne voit pas ce qui pourrait l’endiguer au second. Au contraire, « avec 53%, l’abstention devrait battre un nouveau record lors du second tour des élections législatives » selon un sondage Odoxa pour Franceinfo, publié vendredi 16 juin. « La gauche et la droite sont en miettes », constate Pierre Jova dans Famille Chrétienne. « La République en marche (LREM), issu du mouvement qui a porté Emmanuel Macron à l’Élysée, pourrait obtenir entre 415 et 455 des 577 sièges à l’Assemblée nationale, dimanche 18 juin, au second tour, selon l’institut Ipsos. Son score écrasant du premier tour (32,23 %), le 11 juin, est à mettre en perspective avec la très forte abstention : plus d’un électeur inscrit sur deux n’a pas voté. » Selon la métaphore maritime que tweetait au lendemain du premier tour @jmbiette (Jean-Marie Biette, journaliste, responsable d’Infomer, pôle mer du groupe Ouest-France) : « La vague est puissante, mais le coefficient de marée est historiquement faible ».
La vague est puissante, mais le coefficient de marée est historiquement faible ( métaphore maritime) ⚓️
— Jean-Marie Biette ⚓️ (@jmbiette) June 12, 2017
Si en effet « la victoire s’annonce écrasante » pour le parti du président, il y a « sous le raz-de-marée Macron, l’alerte de l’abstention », constatait Guillaume Tabard dans Le Figaro (11 juin). Plus de 51% d’abstentions au premier tour, c’est un record qui tempère fortement la « macronmania », laquelle n’a d’ailleurs réuni que le tiers des suffrages exprimés au premier tour. À l’évidence, conclut-il, « les Français veulent des résultats concrets avant d’y croire à nouveau. Emmanuel Macron a détruit le vieux système. Il n’a pas encore totalement séduit le pays. »
« Le mot politique faisait fuir les visiteurs »
Tous les partis font les frais de la désaffection pour la politique, constate le blogueur et romancier David Desgouilles dans Causeur (12 juin). Il rapporte cette anecdote : « Il y a un mois, je participais à une foire du livre à Saint-Louis en Alsace. Sur mon roman figurait un bandeau rouge avec la mention “politique-fiction”. J’ai mis quelques heures à m’en apercevoir, mais le mot “politique” faisait fuir les visiteurs. Ils ne s’arrêtaient pas devant moi. J’ai enlevé le bandeau et, soudainement, tout a changé. (…) J’ai compris que mes concitoyens étaient saturés de politique et que la participation aux prochaines élections législatives risquait fort de battre un record à la baisse. “Donnons-lui sa majorité mais surtout finissons-en”, ont donc semblé dire les Français hier, en accordant à son mouvement, La République en Marche (LREM), 32% des suffrages. »
« L’écrasante victoire du parti présidentiel et l’énorme taux d’abstention devraient créer une situation instable dans le pays en raison de l’opposition entre la nouvelle majorité parlementaire et les groupes sociaux qui n’accepteront pas les réformes sociales projetées par Emmanuel Macron » avertit Alice Tulle dans France catholique (12 juin). « Emmanuel Macron ne saurait (…) oublier que ses triomphes successifs sont le fruit de rejets plus que de l’adhésion et que l’écrasante majorité parlementaire qui va entériner ses projets n’est pas représentative d’une société victime de fractures multiples et qui n’acceptera pas facilement les réformes que le président de la République va lui annoncer. »
« Nous sommes en passe d’avoir le Parlement le moins représentatif»
« C’est de la nature même de la politique qu’il est question aujourd’hui » avertit le philosophe François-Xavier Bellamy, adjoint au maire de Versailles et candidat LR (en ballotage défavorable face au candidat LREM) dans un entretien au Figaro republié sur son blog : « Le scrutin de dimanche dernier marque un événement (…) absolument paradoxal : le nouveau Président de la République obtient à la fois le plus faible résultat aux législatives de la Vème République, et la majorité la plus écrasante. (…) Nous sommes donc en passe d’avoir le Parlement le moins représentatif, celui qui exprimera le moins la réalité des sensibilités qui caractérisent la société et l’électorat français. Un pas de plus dans la crise. » D’où un devoir urgent de clarification par un dialogue qui malheureusement ne semble pas au rendez-vous : « Dans beaucoup de circonscriptions en France, comme c’est le cas dans la mienne, les candidats d’En Marche refusent tout débat public, alors que l’échange des points de vue est la condition essentielle de l’exercice démocratique ». Et d’avertir : « Tout ce qui affaiblit le pluralisme au sein des institutions prépare tôt ou tard la violence sur le terrain social. »
Vous avez dit : moralisation ?
Promesse phare d’Emmanuel Macron, « la moralisation de la vie publique » s’amorce au milieu d’« affaires » embarrassantes pour le président et son parti naissant, à commencer par celle qui touche le Modem, le parti du Garde des Sceaux, François Bayrou (recadré avec ménagement par le premier ministre Édouard Philippe, mardi 13 juin sur Franceinfo pour son intervention intempestive auprès de la hiérarchie d’un journaliste à propos des soupçons d’emplois fictifs concernant son parti). Quant au projet de loi présenté François Bayrou mercredi en Conseil des ministres, il est « beaucoup plus flou sur les conflits d’intérêts que ce que promettait le candidat en campagne », relève Libération (15 juin). Au lieu d’interdire purement et simplement aux parlementaires d’exercer des activités de conseil parallèlement à leur mandat, pour mettre fin aux conflits d’intérêts, « le texte prévoit simplement d’interdire aux parlementaires de commencer une activité de conseil au cours de leur mandat ou de l’exercer s’ils ne l’ont commencée qu’un an avant leur élection. » Ainsi « les parlementaires exerçant une activité de conseil (…) pourraient donc continuer leur activité à la seule condition de l’avoir débuté il y a un an ou plus. » En outre, si l’interdiction aux parlementaires et membres du gouvernement d’employer des membres de leur famille figure bien dans le texte », « un deuxième point a complètement disparu du projet de loi : la suppression du régime spécial des retraites des parlementaires. »
Des stratégies du désespoir…
En attendant le verdict définitif des urnes, les candidats en ballottage défavorable, à droite ou à gauche, adoptent toutes sortes de stratégies qu’ Europe 1 s’est amusée à répertorier : « Technique n°1 : appeler des people à la rescousse » (exemple : Najat Vallaud-Belkacem, « en grande difficulté dans la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône face à Bruno Bonnell, candidat REM. L’ancienne ministre de l’Éducation a sorti l’artillerie lourde en s’affichant, mercredi, avec la maire de Paris Anne Hidalgo et l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira ») ; « Technique n°2 : refuser les people à la rescousse » (exemple : Gilles Boyer, candidat dans la huitième circonscription des Hauts-de-Seine et ancien directeur de campagne d’Alain Juppé qui a refusé la venue de celui-ci « ce qui a beaucoup vexé le principal intéressé ») ; « Technique n° 3 : labourer le terrain » ce que font « à peu près tous, sauf les quelques rares qui préfèrent la technique n°4. » ; « Technique n°4 : déserter le terrain » (exemple : Jérémy Coste, candidat UDI dans la dixième circonscription des Hauts-de-Seine et son suppléant, le député sortant André Santini, qui ont suspendu leur campagne entre les deux tours pour que les citoyens puissent “voir à quoi ressemblera la vie démocratique française dominée par un parti unique”… ») ; « Technique n°5 : souhaiter bon courage aux bacheliers » (« beaucoup de candidats se sont fendus d’un tweet pour souhaiter bon courage aux lycéens qui passaient, jeudi matin, l’épreuve de philosophie. Espérant peut-être au passage récupérer les suffrages de celles et ceux qui ont déjà 18 ans. ») ; « Technique n°6 : insulter les électeurs » (ou du moins les secouer, tel Gilbert Collard, « arrivé légèrement en tête dans la deuxième circonscription du Gard mais donné perdant au second tour face à la candidate REM Marie Sara. En meeting mercredi soir, le candidat soutenu par le Front national s’en est pris aux électeurs frontistes qui ne se sont pas déplacés au premier tour. “Au lieu de crier ‘Gilbert !’, allez voter, bande de faignants !”, a-t-il lancé. »)