On les dit de retour, décomplexés, mobilisés. Pourtant, les chiffres sont imparables : les catholiques français sont de moins en moins nombreux et pratiquants. L’abbé Gérald de Servigny refuse le déni du réel, mais grâce au tableau objectif qu’il dresse, il permet d’identifier les raisons objectives d’espérer le renouveau. À condition de savoir reconnaître et contourner trois pièges très contemporains.
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Les cathos sont-ils vraiment de retour ? À cette question sans cesse rebattue et débattue, il manque souvent un regard. Celui du prêtre. Vicaire de la paroisse Notre-Dame des armées à Versailles, l’abbé Gérald de Servigny, auteur de plusieurs ouvrages, s’est donc posé la question. Et en a fait un livre, en reprenant la question en titre. Il y pose un constat lucide sur le déclin de l’Église en France tout en donnant des clefs d’espérance. Entretien.
Aleteia : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ce livre ?
Abbé de Servigny : Lors d’une retraite, j’ai rencontré un prêtre très âgé avec qui nous avons parlé de la pratique religieuse en France. En discutant du taux de pratique religieuse, il m’a donné un chiffre qui m’a fait l’effet d’un coup de massue : dans les années 50, la pratique religieuse dans son petit coin de Normandie était de 95%. Elle tourne aujourd’hui autour de 5%. On se demande comment en cinquante ans les catholiques ont pu ainsi disparaître. C’est la question que j’ai voulu poser.
Les chiffres sont en effet imparables…
C’est l’avantage de tirer un bilan chiffré : il empêche de s’aveugler et de se rassurer artificiellement. Il faut, parler sans « langue de buis » de l’état de notre Église, de sa réalité. Comment a-t-on pu passer de 92% de baptisés en 1960 à un peu plus de 30% aujourd’hui ? Comment ne peut-on pas voir le nombre de vocations décroître inexorablement malgré ce réveil supposé des catholiques ? La situation doit être affrontée comme elle est et non telle que nous voudrions la voir !
À quels facteurs attribuez-vous ce déclin ?
Les facteurs historiques sont importants : la Révolution française, la séparation de l’Église et de l’État, les deux guerres mondiales, Mai 68… Tout cela a contribué, par vagues successives, à déchristianiser la France en profondeur. Mais il ne faut pas négliger les facteurs philosophiques et anthropologiques qui leur sont d’ailleurs souvent liés, en particulier l’émergence de la postmodernité. La modernité est morte avec la guerre. Auschwitz a tué l’idée de l’homme accompli et le goulag celle de société parfaite. Émerge donc la postmodernité, une matrice complètement déconstruite laissant place à un individualisme forcené et à “l’homme malade” décrit par saint Augustin.
L’Église est-elle désormais au creux de la vague et à l’heure du rebond ?
La véritable question est celle-ci : l’Église peut-elle disparaître de France ? La réponse est oui. Elle le peut. Madeleine Delbrel avait écrit en 1966 : « Un monde christianisé semble se vider par le dedans, d’abord de Dieu, puis du Fils de Dieu, puis de ce que celui-ci communique de divin à son Église, et c’est souvent la surface qui s’effondre en dernier”. Nous en sommes à la dernière phase. Les effondrements sont inaudibles car ils ont déjà eu lieu !
Vous notez tout de même des facteurs d’espérance.
Oui, la transformation profonde de la société opérée par une partie de la classe politique a été un électrochoc pour beaucoup de catholiques. Alors que tout le monde pensait que le catholicisme français était mort, on a vu un million de personnes se lever. Depuis, les initiatives politiques, civiles et spirituelles sont innombrables et augurent un renouveau possible. À condition évidemment d’éviter les écueils majeurs.
Dans votre livre, vous notez en effet trois pièges qui guettent les catholiques français. Quels sont-ils ?
Ce sont les trois tentations du catholique contemporain. L’embourgeoisement, la posture du Dernier des Mohicans et le catholicisme hors-sol. Ces trois écueils qui font du catholique au choix un mondain, un isolé ou un être désincarné. Mais j’ai heureusement vu beaucoup de jeunes grandir, monter des projets, investir la société civile et s’assumer catholiques sans complexe a contrario des années 60 où il était de bon ton de cacher sa foi.
Certains disent que nous avons gagné en qualité même si nous avons largement perdu en quantité.
C’est une vision trop simpliste. Gardons-nous de juger nos prédécesseurs comme des tièdes, au contraire n’ayons pas un a priori trop positif de nos contemporains. Loin de tout manichéisme, j’ai voulu tirer un bilan presque comptable de l’état de l’Église en France avant et maintenant. Le retour est possible mais il n’est pas pour autant triomphant !
Propos recueillis par Mark Esnault.
Les cathos sont-ils de retour ? de Gérald de Servigny. Artège, 14,50 euros.