Le premier long-métrage de Jean Breschand, “La papesse Jeanne”, sort le 26 avril et raconte l’histoire légendaire d’une jeune femme qui accède au trône pontifical.
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Une femme est-elle montée sur le trône pontifical ?
À quelques variantes près, différents scénarios relatent l’histoire de la papesse Jeanne. Vers 850, l’époque est violente, les barbares venus du nord envahissent les contrées chrétiennes. Une jeune fille originaire de Mayence, en Allemagne, quitte sa famille pour faire des études et suivre son amant. Prénommée Jeanne, elle se fait passer pour un moine britannique érudit surnommé Jean l’Anglais. Après avoir étudié en Angleterre puis à Athènes, elle se rend à Rome pour entrer à la Curie. Jean l’Anglais est proclamé pape et devient Jean VIII en 857, entre Léon IV et Benoît III, au moment de l’usurpation d’Anastase le Bibliothécaire (un antipape qui a exercé la fonction mais n’est plus reconnu comme légitime aux yeux de l’Église catholique). Les fidèles ont très peu d’occasion de le voir. C’est deux ans et sept mois plus tard, à l’occasion de la Fête-Dieu, que Jean VIII se tordant de douleur pendant une procession met au monde un enfant. Le pape se révèle être une papesse ! Fin de la légende.
Les premières références à la papesse Jeanne remontent à Jean de Mailly et Étienne de Bourbon, deux dominicains qui vécurent au XIIIe siècle. L’histoire connait plusieurs fins : selon Jean de Mailly, Jeanne aurait été lapidée par la foule. Selon Martin d’Opava elle serait morte en couche, pour d’autres elle aurait été expédiée dans un couvent. Cette légende reposerait sur une anecdote historique selon laquelle Jean VIII fut conspué par l’un de ses proches et surnommé « papesse » en raison de sa timidité et de sa faiblesse face à l’Église de Constantinople.
Anachronismes
Or il est établi que la vacance entre Léon IV (847-855) et Benoît III (855-858) n’a été que de quelques semaines, le pontificat de Jeanne ne peut s’y insérer. D’autre part, la jeune femme n’a pu étudier en Angleterre, puisque la plus ancienne université anglaise est Oxford et date du XIIIe siècle. Quant à Athènes, la ville ne possédait aucune école au IXe siècle. Enfin, la Fête-Dieu a été instaurée sous le pape Urbain IV en 1264. Tous ces détails historiques prouvent donc l’inanité de l’histoire de la papesse Jeanne.
La légende de la chaise percée
La fable est reprise par de nombreux illustres auteurs laïcs comme Boccace, qui décrit l’histoire de Jeanne dans Les Dames de renom. Elle connaît des dérives au Moyen Âge, notamment la tradition selon laquelle, pour rassurer l’assistance, un membre du clergé devait vérifier manuellement à travers une chaise percée si le pape était bien un homme. Il annonçait “Duos habet et bene pendentes” (“Il en a deux et bien pendantes“), ce à quoi les cardinaux répondaient “Deo gratias“ (“Nous rendons grâce à Dieu“). Poétique.
Cette histoire extraordinaire a été répétée et modifiée à travers les siècles, si bien que tout le monde y croyait. Au moment de la Réforme protestante, calvinistes et luthériens s’en serviront pour discréditer l’autorité de Rome. Admise sans conteste pendant près de trois siècles, la légende ne laisse aujourd’hui plus de doute à personne, on ne discute que de son origine et de sa propagation.
Dans la culture populaire, la papesse apparaît sur les anciens jeux de tarots, l’une des dames porte son nom. Enfin, on ne saurait faire l’impasse sur le nom d’une confiture aux figues provençales qui portent le nom délicieux de c******s du pape depuis le XIVe siècle. Une référence de plus à cette légende.
La papesse Jeanne a inspiré nombre d’oeuvres de fiction, romans et films, par exemple Emmanuel Roïdis, Yves Bichet, Donna Cross, Sönke Wortmann et Jean Breschand, actuellement au cinéma.