Jean-Claude Larchet, auteur de “Malades des nouveaux médias”, livre une réponse catégorique dans un ouvrage qui compile les travaux scientifiques les plus récents à ce sujet et appelle les chrétiens à un sursaut.
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Jean-Claude Larchet est un théologien reconnu. Il a derrière lui une œuvre prolifique, visant à rendre accessible aux fidèles la théologie orthodoxe. Il s’est également intéressé aux maladies qui frappent l’homme contemporain, qu’elles soient physiques, psychologiques ou spirituelles. C’est sur ce thème qu’il nous revient avec un ouvrage d’anthropologie en prise avec la plus proche actualité et intitulé Malades des nouveaux médias (Cerf).
Un constat sans appel
Le titre choisi ne comporte aucun point d’interrogation. Jean-Claude Larchet est clair : le numérique n’est pas une évolution technique venant après bien d’autres, elle est une révolution qui a des répercussions anthropologiques titanesques : « Aucune autre technique n’a engagé notre activité journalière sur d’aussi longues durées, n’a autant sollicité notre attention et notre intervention de manière aussi constante, n’a autant transformé nos conditions et notre mode de travail, n’a autant envahi notre vie privée, familiale et personnelle, n’a autant pénétré à l’intérieur de notre vie psychique. »
Les conséquences psychiques sont innombrables : dépendance, appauvrissement de la relation, blessures psychologiques et épuisement nerveux, désincarnation, fuite du réel et, au bout du chemin, une existence privée de sens. Compilant en nombre les études scientifiques les plus récentes, en sciences humaines comme en neuro-sciences, il dote ce constat de chiffres implacables, comme autant de preuves de la déshumanisation d’un monde placé sous l’emprise numérique.
Quelle spiritualité sans nature ?
Il ne suffit pas de professer que le christianisme est la religion de l’incarnation. Il faut en tirer les justes leçons. Sur une nature détruite, aucun surnaturel ne peut grandir. Jean-Claude Larchet ne peut se résoudre à ce que les vérités chrétiennes soient désormais inaudibles à des natures vidées de toute substance spirituelle. À ce qu’une nouvelle humanité désincarnée, littéralement lessivée, se rende peu à peu incapable d’entendre les appels de son âme. Comment, a fortiori, entendrait-elle l’invitation du Christ ? Comment pourrait-elle être encore sensible à son amour ? « La Grâce ne fait que perfectionner, recréer sur un plan supérieur la nature. Elle ne peut pas plus s’en passer que la peinture ne saurait se passer de couleurs, ni de la toile ou du mur qui les soutient. Le surnaturel n’existe pas à l’état isolé, il n’existe qu’incarné dans la nature » écrivait l’abbé Eugène Joly. Nous ne pourrions mieux dire.
Une machine à broyer les âmes
Burn-out, syndrome dépressif, éclatement des familles, les séquelles de l’hyper-numérisation de notre société sont visibles partout autour de nous. Pas besoin d’être un disciple du « c’était mieux avant » pour en reconnaître les ravages. La digital detox, ou sevrage numérique, est en plein développement, répondant au mal-être croissant des techno-dépendants. Quelles sont les principales pathologies ? L’usage obsessionnel et compulsif de son ordinateur ou de son smartphone, l’incapacité à supporter la solitude, l’hyper-activité par hantise de l’ennui ou encore la régression infantile qui rend de nombreux adultes incapables de faire face au tragique de l’existence. Le narcissisme 2.0 et la mise en scène d’une vie idéalisée n’est pas à négliger. D’autant plus que comme le rappelle Jean-Claude Larchet : « La construction médiatique de soi est un artifice et une illusion dont tôt ou tard la réalité, à laquelle revient toujours le dernier mot, finit par se venger, remplaçant l’autosatisfaction première par l’insatisfaction, la tristesse, voire la dépression ».
Il faut que les chrétiens se réveillent !
Vous pensez être concerné par l’addiction numérique ? Si l’addiction est sévère, une psychothérapie sera souvent nécessaire comme l’admet Jean-Claude Larchet lui-même : avec l’appui de la prière, il faut remettre le psychique sur les bons rails. Pour les cas moins graves, le recours régulier aux retraites est un excellent traitement de fond. Un séjour de cinq jours — souvent le minimum pour une véritable efficacité — permettra un sevrage dans un cadre extrêmement propice. Supprimer les médias qui ne sont pas strictement nécessaires est également une bonne solution. Une liste restreinte de sites favoris vous permettra d’être moins entraîné par le tourbillon du web. Et puis bien entendu, réapprendre les vertus de la discrétion, de l’amitié véritable, de la solitude et du silence seront source d’une joie profonde et d’une paix retrouvée. « Le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l’or » écrit Sylvain Tesson. Les chrétiens doivent en être riches. Pour pouvoir les offrir aux autres…
Malades des nouveaux médias de Jean-Claude Larchet. Cerf, novembre 2016, 24 euros.