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Le philosophe Jacques Maritain aimait à dire : « Il y a la mort, mais il n’y a pas de morts, ils sont tous des vivants ». Avant d’être un dogme de foi, la vie au-delà des portes de la mort habite l’homme comme une intuition depuis les plus anciennes civilisations. C’est même par le culte des morts et leur sépulture, que les scientifiques reconnaissent la nature humaine des primitifs. Les Égyptiens disposaient dans la bouche de leurs défunts une croix surmontée d’un ovale, devenue depuis le signe distinctif des coptes. Quand, il y a plus de deux ans, vingt et un de ces chrétiens furent martyrisés sur une plage, avant d’être assassinés ils crièrent tous ensemble : « Ya Rabbi Yassu », Oh ! Seigneur, Maître Jésus !
La célébration de cette nuit, imprégnée de paix et de joie discrète, après un long Carême éprouvant, après les liturgies austères de la semaine sainte, résonne du même cri : « Viens Seigneur Jésus ! » Saisir qu’il s’agit d’un cri d’espérance situe la condition de notre vie chrétienne dans sa dimension théologale. La communauté réunie ici et aujourd’hui, les moines, les hôtes qui nous ont rejoints, l’Église avec ceux que nous portons dans notre prière et le monde entier, célèbrent un passage, la Pâque, dont les lectures de la vigile viennent de nous rappeler les fondements historiques recueillis dans la Bible.
Nous mourrons tous, dit-on. Oui, tous nous passerons cette porte redoutable, mais aucun de nous ne cessera d’être vivant. Et la vie qui nous anime, si elle sera transformée, ne sera pas pour autant détruite.
L’espérance, c’est précisément ce don que Dieu nous fait pour préciser, approfondir, et affermir ce pressentiment : un être cher qui nous a quittés demeure proche, vivant. Le Seigneur que nous aimons comme à tâtons et qui, le premier, est sorti victorieux de ce passage, la bienheureuse Vierge Marie que nous prions avec persévérance, et qui s’est endormie – selon la tradition – sans passer par la mort corporelle, les saints canonisés et cette multitude de fidèles et d’amis qui nous ont précédés, non seulement nous montrent le chemin, mais prient pour nous et seront au rendez-vous pour nous accueillir.
Quand enfin, mon âme, ô mon Dieu, paraîtra devant toi… priait saint Dominique Savio. Quand, enfin…
L’espérance n’a pas grand-chose à voir avec l’attente fiévreuse ou résignée d’un monde meilleur trop lointain… L’espérance, c’est la conscience donnée comme une grâce que la vie que nous menons aujourd’hui est la même que celle que nous vivrons dans l’au-delà de la mort corporelle ; ici en germe, là-bas en plénitude.
Tout homme est affamé d’un grand bonheur. Cette faim, donnée avec la nature humaine, l’invite à dépasser l’univers matériel qui le restreint. Être assoiffé de Dieu représente le versant spirituel de cette faim. C’est une grâce, un don. Cette soif qui nous habite ici-bas trouvera son rassasiement dans l’au-delà. Comme Jésus a vaincu la mort, nous la vaincrons aussi, par Lui. Nous reconnaîtrons alors celui que nous avions aimé dans l’obscurité de la foi, le même, avec un autre visage, comme en ont témoigné les disciples. En Jésus ressuscité, ils ne reconnurent pas, sinon avec les yeux de la foi, celui avec lequel ils avaient parcouru Judée et Galilée. De même, celui que nous rencontrerons ne sera pas exactement celui que nous imaginons. Quant à nous, nous serons les mêmes, avec un cœur nouveau.
Amen