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L’enjeu du prochain scrutin est trop sérieux pour qu’on l’abandonne aux passions, et pas assez pour qu’on le prenne au tragique.
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Quel rôle sont appelés à jouer les chrétiens dans l’élection présidentielle ? Quel rôle jouent-ils de fait dans le jeu démocratique ? Des voix s’élèvent pour affirmer que les convictions religieuses n’ont aucune pertinence face à cette échéance, voire qu’elles devraient rester dans le domaine privé en attendant de disparaître complètement. Or, au milieu des passions qui se déchaînent et des coups bas qui se multiplient, les chrétiens, même s’ils ne sont pas tous du même côté – ou mieux : précisément parce qu’ils ne feront pas tous le même choix – ont leur mot à dire. Ce message le voici.
1. Ce n’est pas la guerre
L’élu ne sera pas le Messie. Ce ne sera pas non plus le Diable. Les politiques au pouvoir ont certes des responsabilités, et elles sont considérables. Mais tout ne dépend pas d’eux. Le danger le plus concret n’est pas tel homme (ou telle femme), ni tel ou tel programme. Refuser le verdict des urnes, en revanche, ferait le lit d’une lutte à mort entre les Français qu’il faut redouter et bannir. Il faut se résoudre toujours à l’idée que l’adversaire n’est pas l’ennemi et que sa victoire n’est pas la fin du monde. Il convient de garder conscience que tout mandat est limité. Limité dans le temps, dans l’espace et dans ses conséquences, car aucune réalité – locale, national, extra-nationale – n’est maîtrisable en totalité ni définitivement.
La démocratie l’emporte toujours. La loi demeure. Les votes épidermiques (Brexit, Trump, etc.) embarrassent plus qu’ils ne résolvent quoi que ce soit. La conquête et l’exercice du pouvoir sont soumis à des règles, imparfaites, certes, ou étouffées par la démagogie. Mais l’état de droit est là pour garantir que « la raison du plus fort » n’est pas « toujours la meilleure ».
2. Respecter les personnes
Nous avons tendance à présupposer que celles et ceux que nous préférons se battent en idéalistes désintéressés pour les convictions qui sont les nôtres, et que les autres non seulement se trompent ou mentent, mais encore ne sont animés que par d’égoïstes ambitions. Ce manichéisme est trop commode pour être vrai. Nous n’avons pas à choisir entre l’adulation et le mépris (si ce n’est la haine). Si tel programme nous paraît calamiteux, cela ne veut pas dire que celui qui le porte est hypocrite ou arriviste. Nous nous causons un grand tort en nous figurant le contraire.
Les hommes politiques n’ont pas un métier facile. Certains se payent de leur notoriété, d’autres sont pris en charge par leurs soutiens, ce qui implique autant de dettes et de dépendances que de « montages » financiers complexes et hasardeux qui ne demandent qu’à s’effondrer.
L’Évangile commande d’« aimer ses ennemis ». A fortiori, dans une campagne électorale, le simple respect n’est pas superflu. Il revient aux fidèles du Christ de le réclamer et d’en donner l’exemple envers tous ceux qui briguent les suffrages.
3. Identifier les vrais défis
Une campagne présidentielle se focalise sur la personnalité et le passé d’un homme. Cela manque singulièrement de recul et n’est pas à la hauteur des enjeux. La politique n’est pas affaire de séduction ni de pure gestion. Elle requiert de situer l’actuel dans le temps long. La confiance et l’adhésion se bâtissent sur la profondeur de vues et la perception des défis qu’affrontent notre civilisation et l’humanité entière.
Ce n’est pas de prétendues panacées dont nous avons besoin, mais de sagesse. La foi chrétienne en inspire une mais elle n’impose pas pour autant de solution unique. Elle invite à la rationalité et nous pose ces questions : à quelle tentation dois-je résister ? Quelle espérance puis-je partager ?