Mgr Antoine Audo confie avoir du mal à imaginer le gouvernement syrien faire “une erreur aussi énorme” en attaquant au gaz toxique la population civile. Ce n’est semble t-il pas le cas des Etats-Unis qui ont mené une frappe contre l’aéroport d’où seraient partis les raids dans la nuit de jeudi 6 à vendredi 7 avril.
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“Dans une situation aussi fragmentée, avec tant d’intérêts et d’acteurs en jeu, il est difficile d’être sûr à 100% de ce qui se passe réellement. Pour ce que nous en savons sur la base de notre expérience, je ne parviens vraiment pas à imaginer que le gouvernement syrien soit si malavisé et si ignorant au point de faire des erreurs aussi énormes”. Telle fut la première réaction, publiée le 5 avril par l’agence Fides, de Mgr Antoine Audo, archevêque chaldéen d’Alep, interrogé au sujet du bombardement à l’arme chimique survenu à Khan Cheikhoun, dans la province syrienne d’Idlib.
La zone est encore entre les mains de milices antigouvernementales dont celles du front al-Nosra, affilié à Al Qaeda. L’attaque chimique, lancée le 4 avril dernier, aurait provoqué la mort d’une centaine de personnes et fait près de 400 blessés, selon l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM-France), alors que l’Observatoire syrien des droits de l’Homme parle toujours de 58 tués – dont 11 enfants – et 170 blessés. L’opposition syrienne accuse le régime de Bachar el-Assad du bombardement. L’armée syrienne dément la moindre implication.
Mercredi, lors de son audience générale, le Pape François a sévèrement condamné l’attaque et renvoyé les représentants des peuples, à l’échelon national comme international, à leurs responsabilités.
Le même scénario qu’en 2013 ?
Mgr Audo, responsable de l’organisation humanitaire de l’Église Caritas Syrie, admet que les scénarios qui dictent le conflit syrien sont énigmatiques. Un conflit rendu illisible par la propagande. “Déjà en bien d’autres moments délicats de la guerre, précise-t-il, des épisodes d’usage d’armes chimiques ont eu un impact déstabilisant sur la situation. Voici deux jours, le Président américain, Donald Trump, avait déclaré que le Président Assad faisait partie de la solution du problème syrien. Maintenant, il fait des déclarations en sens contraire. Il faut reconnaître les intérêt des forces régionales impliquées dans la guerre. Il faut toujours en tenir compte, surtout lorsque certaines choses se répètent selon des dynamiques très semblables et déclenchent les mêmes réactions et les mêmes effets déjà expérimentés par le passé”.
L’agence de presse des Œuvres pontificales missionnaires souligne que le 21 août 2013, une attaque similaire avait eut lieu à Ghouta, dans les faubourgs sud-est de Damas, une zone aux mains de forces antigouvernementales. L’attaque était survenue moins d’un an après les déclarations du Président américain Barack Obama, indiquant que l’usage d’armes chimiques constituerait une « ligne rouge » à ne pas franchir, au risque d’une intervention armée américaine en Syrie. Le gouvernement et les milices antigouvernementales se sont systématiquement rejeté depuis la responsabilité de cette attaque. Sous l’égide de la Russie, cette phase de crise internationale aiguë avait conduit à l’adhésion de la Syrie à la Convention sur les armes chimiques de l’ONU et à la destruction de son arsenal chimique.
En mars et juin 2015, toujours dans la province d’Idlib, le gouvernement syrien avait été accusé de continuer à utiliser des substances chimiques après plusieurs attaques au baril d’explosifs. En 2016, l’armée syrienne était accusée d’y avoir eu recours à huit reprises, notamment dans les zones d’Alep contrôlées par l’opposition. Mais il ne faut pas oublier l’action de nombreux groupes rebelles incontrôlables, dont les terroristes de Daech, reconnus coupables en avril 2016 d’une attaque chimique contre une base aérienne de la province syrienne de Deir ez-Zor, qui avait provoqué de graves problèmes respiratoires chez les militaires touchés par des obus chargés de gaz toxique.