Pour terminer ce temps de Carême, voici l’histoire d’un petit traité spirituel écrit par René d’Anjou, au XVe siècle, afin de livrer au Seigneur une « âme pure et sans tâche ».
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Il était une fois, un très haut et puissant prince de sang royal issu de la Maison d’Anjou. Son héritage, florissant de titres majestueux, laisse imaginer qu’il était un homme puissant : René, « par la grâce de Dieu », roi de Jérusalem, de Naples et de Sicile, duc d’Anjou, de Bar et de Lorraine, comte de Provence et de Forcalquier… Mais en réalité, il n’en était rien ! Ce fut par la force du destin et par les conventions princières qu’il hérita de cette titulature royale ainsi que des ambitions familiales. Son frère ainé, Louis III, décéda sans laisser d’héritier. René devint alors le nouvel héritier et ne devait rêver que d’une chose : la gloire de la Maison d’Anjou.
La vie du roi René, est avant tout une merveilleuse aventure dans un Moyen Âge complexe où les princes s’adonnaient au plaisir fastueux des fêtes royales et des joutes de plusieurs jours, entremêlés de complots et de batailles sans merci. La vie du roi René, c’est aussi autant d’échecs que de succès politiques et militaires, où l’on ambitionnait majestueusement des rêves mais sans moyens réels. Mais la vie du roi René, c’est celle d’un roi cultivé, mécène, sensible à la littérature et aux arts, qui n’hésita pas à rêver sa vie en se livrant au plaisir de l’écriture… C’était un prince artiste !
En 1455, il acheva un de ses chefs-d’œuvre littéraires dont peu de gens connaissent la teneur et la richesse spirituelle : Le Mortifiement de Vaine Plaisance, où le renoncement des plaisirs du monde terrestre en est le sujet principal. Ainsi, cette œuvre conte l’histoire d’une âme tourmentée qui se lamente à grand peine des tribulations de son pauvre cœur.
Les tourments de l’Âme et les tribulations du Cœur
Le Mortifiement de Vaine Plaisance commence par les complaintes de l’Âme qui lance un cri de désespoir vers le ciel, espérant l’aide du Rédempteur. Son Cœur est rempli de vanité. Les plaisirs du monde l’égarent sur les sentiers du mal et donc l’éloignent du Tout-Puissant. “La vie de l’homme sur terre n’est que tentation”, écrit le roi René. Alors l’Âme, d’une émotion bien vive, se plaint à son malheureux Cœur :
« Ah, Cœur téméraire et obstiné dans tes actes,
Par quel désir de satisfaire ainsi ta vanité
T’égares-tu dans un si long endurcissement,
Obscurcissant la pensée compatissante
Que tu dois constamment garder présente à ta mémoire,
De la douleur, de la passion et de la souffrance
Que mon Sauveur, dans sa douce patience,
Voulut endurer pour me faire partager sa gloire ?
À quoi rêves-tu donc ? Implore son pardon
Et repends-toi ! Ou tu me mets en tel péril
Que je ne peux me taire plus longtemps. »
Deux dames, sœurs l’une de l’autre, répondent à l’appel au secours de l’Âme gémissante. Il s’agit Crainte de Dieu et de Contrition. Elles se précipitent à grands pas, car elles savent la volonté sincère de l’Âme à régler sa conduite. Crainte de Dieu invite l’Âme à redouter l’enfer. Contrition quant à elle, l’invite à mériter le paradis. Puis, elles encouragent l’âme à se libérer des passions éphémères de la vie terrestre. Mais pour cela, il faut que l’Âme et le Cœur s’attachent ensemble à appliquer le commandement de Dieu : aimer ! Mais attention, cet amour doit forcément découler de la charité, laquelle dépend de l’Amour de l’Éternel. Alors, le pèlerin mortel doit ainsi toujours craindre de perdre cet amour et chercher par tous les moyens à le faire grandir. Seul l’Amour de Dieu, et pour Dieu, compte. Le reste n’est que futilité !
Pour rester dans le droit chemin, Crainte de Dieu conseille l’Âme en lui racontant trois petites histoires morales : celle d’un riche seigneur et d’un charretier, d’une pauvre femme qui venait de récolter son blé ainsi que d’un capitaine et un brave soldat. Après avoir écouté ces histoires morales empreintes d’une profonde spiritualité, l’Âme remet son cœur à Contrition et Crainte de Dieu. Les deux sœurs la portent ainsi à quatre autres dames : Foi, Espérance, Vrai Amour et Grâce Divine. Elles leur expliquent les tribulations du Cœur et les lamentations de l’Âme. Ne restant pas insensibles, les quatre dames proposent de poser le Cœur « humblement sur l’arbre de la croix pour l’associer à la très sainte et bienheureuse passion du Sauveur très bon » ! Chacune y fixe un saint clou à l’exception de Grâce Divine, qui, de sa lance, lui porte le coup de grâce divin. Le Cœur est ainsi uni à la passion du Sauveur et purifié des passions mortelles de ce monde ! Crainte de Dieu et Contrition ramènent le Cœur à l’Âme. Cette dernière fut saisie en contemplant ce Cœur purifié. Reconnaissante, l’Âme s’agenouilla et se mit en prière. Ainsi se termine Le Mortifiement de Vaine Plaisance…
Le roi René et les vanités du monde…
Le Mortifiement de Vaine Plaisance est un traité de méditation spirituelle qui explique comment renoncer aux plaisirs du monde. Dans cette œuvre, René d’Anjou se met lui-même en scène, car il s’agit de son âme et de son cœur. Après les échecs politiques qu’il essuya, les mondanités de sa cours princière, la perte tragique de sa première épouse ainsi que ses titres majestueux mais superficiels… René d’Anjou prit sans doute conscience que rien en ce monde n’était acquis, mais qu’il fallait suivre les commandements du Rédempteur pour mériter le ciel ! Il comprit aussi qu’une seule gloire compte : celle du Tout-Puissant. Il écrivit d’ailleurs qu’il souhaitait « mener une vie mortelle sans reproche et mourir en paix afin que Dieu accueille son âme pure et sans tâche ». Si le roi René fut un prince artiste, il fut aussi un Cœur d’Amour Épris par la tendresse du Sauveur. Son œuvre peut être lu comme un traité de méditation, mais aussi comme une longue prière, une confession… Ou tout simplement comme l’histoire d’une âme royale.
En ces derniers jours du temps de Carême, il n’est pas trop tard pour trouver la force de renoncer aux plaisirs futiles du monde et ainsi unir son cœur à la Passion de notre Sauveur.
Le Mortifiement de Vaine Plaisance, par le roi René Ier d’Anjou, préface Michel Zink, traduit de l’ancien francais par Isabelle Fabre, Éditions PUF Paris, 270 p., 27, 50 euros.