Économie, numérique, énergie, immigration et sécurité. 60 ans après la signature du Traité de Rome, le 25 mars 1957, l’Europe doit s’armer face aux défis du XXIe siècle.
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Reste à savoir si le défi de l’Europe ne serait pas d’abord d’assumer ses racines chrétiennes. Mais l’espérance est là. Rappelons que le drapeau européen (douze étoiles dorées sur fond bleu ) a été emprunté par son créateur Arsène Heitz, à la Médaille miraculeuse de la rue du Bac. Ce fut selon lui une allusion discrète mais bien concrète aux “12 étoiles qui entourent la couronne de la Vierge Marie”. Alors si la Sainte Vierge est de la partie, rien n’est perdu. Qu’en est-il du point de vue temporel ? Entretien avec Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman.
Aleteia : Que reste-t-il de l’Europe du Traité de Rome ?
Pascale Joannin : Ce Traité a mis en place des accords économiques comme jamais l’Europe n’en avait connu précédemment. Le marché européen est devenu un des plus grands au monde avec plus de 500 millions d’habitants. En pouvoir d’achat il est aujourd’hui supérieur à celui des États-Unis. Depuis 1950, grâce à la coopération européenne, nous observons des États qui oeuvrent en commun au lieu de se faire la guerre. Ce n’est pas rien et cela participe à l’effort de paix mondial. Même si ce n’était pas prévu à l’origine dans le Traité, nous sommes parvenus à créer un espace de libre circulation (Schengen) et une monnaie unique. C’est ce Traité de Rome qui a permis toutes ces avancées, nous lui devons beaucoup.
Quels sont les défis identifiés par la Fondation Robert Schuman pour l’Union européenne ?
Nous en identifions cinq. En premier lieu le défi économique avec cette question : comment allons-nous pouvoir maintenir la place européenne, la première en termes de PIB ? Suit le grand défi du XXIe siècle qui est celui du numérique. De la voiture sans chauffeur au réfrigérateur connecté, c’est toute une économie du numérique que l’Europe doit conquérir sans laisser les coudées franches aux firmes de la côte Ouest des États-Unis ni à l’Asie. Un troisième défi majeur est celui de l’énergie avec toutes les incidences écologiques qu’elle suppose. Les citoyens sont bien plus attentifs aujourd’hui à l’environnement qu’ils ne l’étaient il y a 60 ans et c’est une bonne nouvelle ! Même si l’énergie était déjà une préoccupation d’Euratom (Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique), signé le même jour que le Traité de Rome, les contraintes environnementales se sont multipliées, ouvrant de nouveaux défis.
La question migratoire est aussi un des problèmes majeurs que l’Union européenne devra solutionner. Loin de se tarir, l’immigration se fait de plus en plus prégnante en Europe. Ne serait-il pas temps de mettre en place une politique commune sur ce sujet ? La Fondation Robert Schuman estime qu’il ne sera pas possible de régler les tragédies au niveau des États mais qu’une réflexion et des décisions au niveau européen devraient être prises. Il faudrait que les Européens puissent définir ensemble qui accueillir. Cela ne se peut se faire au mépris des souverainetés puisque ce serait une décision commune des États membres, chacun donnant son avis pour aboutir à un consensus. Pour finir, le dernier défi à relever, et non des moindres, sera celui de la sécurité. Il ne s’agit pas uniquement de lutter contre le terrorisme mais également d’accentuer les efforts pour assurer la défense des citoyens et les intérêts de notre “vieux continent”.
Si Robert Schuman était encore en vie, aurait-il accepté l’idée d’une Europe aussi élargie ?
En 1963, quelque temps avant sa mort, Robert Schuman rappelait que ce qu’il avait entrepris au niveau européen l’avait été avec les pays libres et non ceux qui se situaient derrière le rideau de fer. Il avait ensuite laissé entendre qu’il “faudrait reconsidérer l’idée d’accueillir nos voisins de l’autre côté du mur le jour où ils seront libérés de ce joug communiste”. Robert Schuman avait donc anticipé cette unification des deux Europe, celle de l’Ouest et celle de l’Est.
Le Royaume-Uni qui s’en va… Quel est le risque majeur du Brexit pour l’Union européenne ?
Ce serait que les négociations s’enveniment. En effet nous vivons quelque chose d’inédit puisque c’est la première fois qu’un État membre sort de l’Union. Nous ne savons pas du tout comment cela va se passer. Les Britanniques sortent de l’Union mais pas de l’Europe ! Ils ont encore besoin de nous. Il va falloir détricoter leur qualité de membre pour imaginer de nouvelles relations, donc tout est à bâtir. Mais un État membre qui s’en va, ce n’est pas la fin du monde. Les Britanniques ne sont arrivés qu’en 1973 dans la CEE. L’Europe a vécu sans eux pendant longtemps, elle pourra toujours vivre sans eux demain, tout comme nous vivons sans la Norvège et la Suisse. C’est leur choix souverain, d’ailleurs ils n’avaient pas non plus l’Euro et ne faisaient pas partie de l’espace Schengen. Il faut juste veiller à ce que leur départ se passe au mieux mais cela ne changera pas la face du monde et l’Europe continuera.