L’une des clefs du bonheur en société est de s’es-ti-mer ! Ni nombrilisme ni prétention, l’estime de soi est indispensable pour s’aimer mieux, être mieux aimé et… mieux aimer les autres !
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« Parce que je le vaux bien ». Ce slogan susurré par les créatures de l’Oréal, tout le monde le connaît. Il peut paraître décalé, voire déplacé, alors que tant d’événements dramatiques se déroulent dans le monde. Mais c’est un fait : l’estime de soi permet de vivre heureux. C’est le principal message du développement personnel (DP), mouvance qui séduit le grand public jusqu’à s’imposer en entreprise : savoir prendre la parole, développer son leadership, gérer son stress… Sans parler du coaching, version luxe de la mouvance DP. On ne compte plus les ouvrages pour que notre ‘’moi’’ soit bien dans sa peau. Il existe même des livres à piocher, des citations déclics qu’on sort en cas de baisse d’égo, comme le ‘’Petit cahier d’exercices d’estime de soi’’* des éditions Jouvence, l’éditeur par excellence du ‘’bien-être’’. Ce petit cahier truffé d’exercices, coloriages et pensées positives nous promet de découvrir notre potentiel et une juste estime de soi… tout en s’amusant.
Bien s’aimer pour aimer les autres
Que nous vaut cette vague d’ego ? « Nous sommes passés d’une culture où, pour réussir, il fallait respecter les règles édictées par la société et rester à sa place dans son groupe d’appartenance (armée, entreprise, parti politique…) à une culture où l’on doit compter sur soi et affirmer son individualité », souligne le psychiatre Christophe André**. Ce changement a commencé avec la Génération X, génération née entre 1966-76. Leurs parents, les Baby-Boomers, ont réinventé le monde « mais continué à être empreints de règles de fonctionnement d’avant-guerre : respecter un ensemble de contraintes (famille, religion, hétérosexualité, hiérarchie…), rester dans le cadre etc, explique Sylvie Protassieff, psychologue et psychanalyste***. Avec mai 68, tout est devenu possible, le message est devenu ‘’tu fais ta vie, tu n’as plus qu’à’’. Oui mais comment entreprendre quand on manque d’estime de soi ? » Le narcissisme n’est donc pas une tare, au contraire « c’est positif en psychologie. Le socle d’une personne est composé de sa capacité narcissique – c’est à dire sa capacité à bien s’aimer – et la deuxième qui en découle : sa capacité à aimer les autres ». La matrice de l’Evangile, dévoyée pendant des siècles, prend alors tout son sens : ‘’tu aimeras ton prochain comme toi-même’’. S’estimer et se respecter est un « préalable indispensable pour vivre une vie harmonieuse et l’une des sources essentielles de la joie de vivre ».
Agir sans craindre l’échec ni le jugement
Au Etats-Unis, la mouvance du Self-esteem est intégrée à l’école dès la plus tendre enfance. Les enseignants distillent dans leurs cours des leçons sur ‘’I Love me’’ ou ‘’I am great’’. Des programmes qui restent controversés. Ils (re)gonflent certes à bloc l’ego mais sont accusés d’encourager les élèves, sans les pousser, à creuser leurs fragilités. Or, l’estime de soi est un savant équilibre entre la reconnaissance de ses failles et atouts, mais aussi « être bien avec soi et avec autrui », ajoute Christophe André. C’est à dire « ne plus se soucier de l’effet que l’on produit sur les autres. Agir sans craindre ni l’échec ni le jugement. Ne plus trembler à l’idée du rejet. Et trouver tranquillement sa place », explique-t-il dans son livre. Patrice Ras, morphopsychologue conseil****, définit l’estime de soi par ‘’la valeur qu’on s’accorde’’. A distinguer de “l’amour de soi qui est le sentiment qu’on éprouve à son égard” et “la confiance en soi qui est le sentiment de sécurité intérieure. Ces trois notions sont évidemment interdépendantes et se renforcent mutuellement ».
Attention aux artifices qui ne réparent pas l’estime de soi
Si l’estime de soi est au plus bas, des astuces sont possibles. Se vanter, consommer, faire appel au relooking, à la chirurgie esthétique… « Mais ces artifices restent de l’apparence et ne sont pas une solution durable », prévient Christophe André. Se considérer comme un génie ou la reine des nulles cache le même manque d’estime de soi. Et oui, être imbus de sa personne ou égocentrique marque une même défaillance. En outre, on peut très bien être un canon de beauté, surdiplômé ou posséder des talents extraordinaires, et se dénigrer. C’est pour cette raison que, pour trouver la juste valeur de soi-même, Rhena Branch, thérapeute et enseignante*****, propose de commencer par comprendre ses émotions, son potentiel, ses pensées, ses freins, son sentiment de culpabilité…. Bref le ‘’Connais-toi toi-même’’ de Socrate.
L’amour maternel, première strate de l’estime de soi
Car le développement personnel a ses limites, notamment pour les personnes dont l’autocritique permanente relève de la thérapie. Le risque de la DP est de ‘jumper’ sans regarder au fond de soi. Pour mettre à distance des comportements d’auto-sabotage, il est important de « décrypter ses relations actuelles avec son entourage mais aussi de revisiter son éducation pour faire le tri et nettoyer ce qui est pernicieux », insiste Sylvie Protassieff***. Un enfant a qui on a bassiné, ‘’tu es moche’’, ‘’tu es nul’’, ‘’laisse, tu ne vas pas y arriver’’, ça marque ! L’estime de soi ‘’s’origine’’ précocement dans un attachement sécurisant. « La première strate de la construction de l’estime de soi est l’amour inconditionnel d’une mère pour son enfant, puis vers un an et demi, l’amour conditionnel : ‘’je t’aime mais je n’aime pas que tu fasses ça’’, explique la psychanalyste. Cette étape est indispensable pour structurer le narcissisme correctement car il sécurise : ‘’je suis aimé et en même temps je ne peux pas faire n’importe quoi’. A cela s’ajoutent deux autres strates : le sentiment d’appartenance puis, plus tard, le sentiment de compétence ».
S’estimer pour tisser des liens sains et constructifs
Des choses peuvent se rejouer aussi à la puberté, ajoute le Dr Sophie Campredon, psychiatre pour adolescent à l’Espace Arthur à Marseille. « Pendant cette période, le sujet doit se réapproprier son corps et s’engager dans un processus de séparation individuation. Pour ce faire l’adolescent doit avoir des bases infantiles solides au risque d’un effondrement de l’estime de soi ». Selon elle, ce travail de ‘’self-valorisation’’ doit passer par le corps et pas seulement par l’intellect. Juliette, 45 ans, se souvient très nettement de son adolescence fragile. Tout a basculé en fin de collège lorsqu’elle a eu la révélation que Dieu l’aimait, quoiqu’elle fasse. « Du jour au lendemain, je me suis sentie extrêmement forte. Une confiance qui ne m’a plus jamais quittée ». Une fois acquise, l’estime de soi se nourrit. Elle peut, par exemple, s’enraciner avec la prière, se développer avec la sophrologie, se ressourcer avec la marche mais surtout, comme le préconise Frédéric Lenoir, philosophe et sociologue des religions******, “grandir avec le bénévolat car le don de soi conduit directement au bonheur”. La finalité n’est donc pas de fortifier l’estime de soi pour son bonheur personnel mais aussi pour celui d’autrui. Et si nous avons une juste estime de nous mêmes, nous avons suffisamment conscience en notre valeur pour tisser des liens sains et constructifs. Empreints d’humilité et de compassion.
*co-écrit par Rosette Poletti (2015)
** auteur notamment de ‘’Imparfaits, libres et heureux : Pratiques de l’estime de soi’’ (ed. Odile Jacob, 2009)
*** auteur de ‘’Et si je m’aimais enfin ! Estime de soi mode d’emploi (Ed. Eyrolles, 2015)
**** auteur de ‘’Estime de soi, confiance en soi, amour de soi. Les trois piliers du succès’’ (Ed Jouvence, 2013)
***** auteur de ‘’L’Estime de soi pour les Nuls’’ (Broché, mars 2015)
****** auteur de ‘’La puissance de la joie’’ (ed. Fayard, 19 oct. 2015).