Le dominicain Adrien Candiard trace la route spirituelle à suivre.“Quelle note sur vingt mettrais-tu à ta vie ?” nous interroge Adrien Candiard dès le début de son ouvrage Quand tu étais sous le figuier….
Cette question n’appelle pas nécessairement de réponse et pourtant, reconnaissons-le : elle a du sens. Cette question fait naître en nous un sentiment bizarre et mitigé, moitié serein, moitié inquiet. D’abord comment noter sa vie ? À l’aune de quelle réussite, de quels échecs ? Le parfait bonheur vaut-il un 20 sur 20 ? Du l’argent, du travail, de l’amour donnent-ils la moyenne ? N’y répondez surtout pas maintenant, même si vous n’êtes pas loin de la vérité.
Le frère Adrien Candiard vit au couvent dominicain du Caire et nous invite à le suivre sur le chemin d’un bonheur tant recherché, en lisant son petit livre, sorti ce mois-ci en librairie. Petit détour par l’histoire biblique de Nathanaël : “Jésus vit Nathanaël venir vers lui et il dit de lui : “Voici un véritable fils d’Israël, en qui il n’y a pas de ruse”. Nathanaël lui dit : “D’où me connais-tu ?”. Jésus lui répondit : “Avant que Philippe ne t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu”.” Que signifie être un “véritable fils d’Israël” après avoir été fils de Jacob ? Quel est le symbole du figuier et son rapport avec la vocation ? Les réponses du dominicain déconcertent et corroborent le sous-titre de l’ouvrage : “Propos intempestifs sur la vie chrétienne”.
La vie et le destin sont des choses très sérieuses… et très drôles
L’itinéraire spirituel qu’il propose est simple et pourtant, chaque page semble nous rappeler des évidences oubliées, maltraitées par nos habitudes, nos lassitudes, nos questions et finalement, la routine. La vie sociale nous fait parfois oublier la recherche d’absolu qui nous est si chère. Il s’agit ici d’aller rechercher tout ce que nous ressentions sous notre figuier et que nous avons perdu de vue. C’est sérieux une vie et un destin, mais laissez cela un instant de côté, car il est aussi très drôle de les voir autrement. Surtout que l’auteur ne manque pas d’humour ni de pédagogie pour essayer de remuer le lecteur.
Trouver sa vocation c’est d’abord écouter son désir profond qui n’est pas autre chose que la volonté de Dieu pour chacun d’entre nous. De nombreux désirs peuvent mener à l’essentiel, même s’il faut parfois y faire le tri. Il faut aussi renoncer au confort, à une vie spirituelle en forme de forteresse qui empêcherait quiconque d’y entrer. Accepter d’être dérangé, sans cesse. La difficulté, ou plutôt le péché, serait de croire qu’il y a deux personnes en nous : celle qui s’écoute et celle qui écoute Dieu parler en elle. L’appel, selon Adrien Candiard, ne se fait pas entendre dans le lieu sans tempête, il résonne aussi dans la vie pleine et absolue, dans le combat. Sous le regard de Dieu, la vie n’est plus affaire de mauvais choix ou d’erreurs, elle est la vie, c’est tout. La vie est un périple où notre vocation s’épanouit. C’est cela être “un véritable fils d’Israël”.
L’auteur s’appuie sur les figures de Jacob pour expliquer le combat ; d’Abraham, pour rappeler la nécessité de “quitter son pays, sa famille et la maison de son père”, pour se mettre en route en sortant du confort. Sur celle de Nathanaël, bien sûr, en interrogeant le symbole du figuier. Il mène l’enquête pour nous sur le mystère de la vie intérieure où Dieu nous rejoint. L’amour de Dieu est une aventure vécue dans l’intimité de chacun. Il nous invite à ne pas avoir peur de prendre des coups. De ne pas avoir peur d’avoir le cœur blessé. D’avoir confiance car “Dieu comble son bien aimé quand il dort”. Il nous invite à croire que la prière est à notre portée où que nous soyons.
La vie d’un chrétien n’est pas toujours auréolée de joie : il y a les caractères, les humeurs, les épreuves. Il faut aussi comprendre la vraie joie à laquelle nous sommes appelés. Ce désir infini qui dilate le cœur de l’homme, créé à la dimension du Dieu vivant mais toujours trop étroit, trop asphyxié pour qu’Il puisse venir y habiter. Ainsi, le livre évoque le pardon, l’humilité, l’amour, la sexualité et bien d’autres aspects humains qu’Adrien Candiard remet à leur juste place avec beaucoup d’humanité. Au point que la gêne d’avoir si mal compris à quelle aune il faut noter sa vie s’évanouit au fil des pages.
Ce livre s’adresse à ceux qui souhaitent voir la vie comme une aventure spirituelle et humaine extraordinaire, dans un quotidien très ordinaire. Et si l’amour et la volonté ne sont pas toujours au rendez-vous, la capacité à prendre des risques, à se laisser déranger, à chercher toujours, demeure le véritable enjeu. Un défi pour toute vie chrétienne.
Alors, qui est cette personne assise sous le figuier et que veut le Seigneur pour elle ?
Retrouvez Adrien Candiard à la librairie La Procure ce jeudi 9 mars 2017 à 18h30. Plus d’infos par ici.
Adrien Candiard, Quand tu étais sous le figuier… propos intempestifs sur la vie chrétienne, Cerf, Paris, mars 2017, 10 euros.