Le cinéaste, décédé en 2016, rend hommage au peintre polonais Wladyslaw Strzeminsky qui s’est opposé au régime.
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Le film posthume d’Andrzej Wajda, projeté sur les écrans depuis le 22 février quelques mois après sa mort, est un requiem au peuple polonais. L’histoire, qui se déroule de 1948 et 1952, retrace les dernières années du célèbre peintre et théoricien de l’art Wladyslaw Strzeminsky dans le contexte d’une stalinisme de plus en plus hégémonique. Dans une Pologne saignée à blanc par la Seconde guerre mondiale, il enseigne dès 1945 à l’École Nationale des Beaux-Arts de Lodz, dont il est l’un des fondateurs. Il est reconnu par ses pairs et admiré par ses étudiants. Figure majeure de l’avant-garde constructiviste polonaise, il a théorisé l’unisme et publié en 1928 L’unisme en peinture puis Composition de l’étendue. Évaluation du rythme de l’espace-temps en 1930. À partir de cette période, son œuvre s’attache à percevoir la nature, les paysages, par une “peinture d’images rémanentes”. C’est d’ailleurs la traduction qui se rapproche le plus du titre original du film : Powidoki.
Boguslaw Linda, auquel le réalisateur a déjà offert des rôles dans ses films L’Homme de fer et Danton, campe dignement le professeur par sa figure aux traits fins et tendus. Il interprète avec profondeur la résistance intérieure de l’homme en proie à l’acharnement du régime à l’effacer et son œuvre avec. Les autorités lui reprochent de ne pas respecter les canons artistiques du réalisme socialiste, mais surtout de ne pas consacrer son art à la verve patriotique. L’artiste reste inflexible. Ses tableaux sont en partie détruits. Lui se consume, fumant cigarette sur cigarette. Sa jeune fille Nika, magnifiquement interprétée par Bronislawa Zamachowska, inquiéte pour sa santé, tente en vain de modérer son tabagisme. Mais plus son père est traqué et humilié, plus sa maladie s’agrave. En 1950, il est exclu de l’École et radié de toutes les institutions du pays. Le vide se fait autour de lui, dans sa vie personnelle et professionnelle, ses étudiants s’écartent, seule sa fille persévère à vouloir le faire exister et à le protéger.
Wajda observe comment la propagande change le rapport entre les êtres et le rapport à la vérité. Muselés dans leur libre arbitre, les individus se font les instruments inconscients dela censure. En ce sens, ce livre testament vient conclure avec éclat la leçon de liberté que Wajda n’a cessé de distiller tout au long de son œuvre immense.
https://www.youtube.com/watch?v=QBF0U0s0n0U