Olivier Joachim imagine le destin de “la besogneuse” des Évangiles, bien au-delà du récit original.
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Le tableau de jeunesse de Vermeer : Le Christ chez Marthe et Marie, qui illustre la couverture du dernier livre d’Olivier Joachim, rappelle avec une infinie délicatesse ce beau passage évangélique. Marie, assise, visage méditatif, en contrebas de Jésus, s’adresse à Marthe, laquelle vient de surgir entre eux deux, portant une corbeille emplie d’un pain. « Marthe, Marthe, tu t’agites pour peu de chose, une seule est nécessaire. » Trente ans plus tard, l’auteur réunit les deux sœurs et leur frère Lazare, pour commémorer la Résurrection de leur Seigneur. Loin de Béthanie, c’est à Avignon, dans la propriété de Rufus, le fils de Simon de Cyrène, que se déroule la commémoration.
On sait en effet que l’histoire des premiers témoins de la Résurrection a deux sources. L’une est de foi, ce sont les Évangiles ; l’autre est de croyance, c’est La Légende dorée, qui fait d’eux les évangélisateurs de la Province Narbonnaise, notre Provence.
Olivier Joachim joue sur les deux sources, les deux époques et les deux pays, en une série d’allers et retours, au gré des souvenirs échangés entre les deux sœurs, jusqu’à ce que les faits marquants de leur mission provençale prennent le dessus. Il le fait avec aisance, avançant avec assurance sur un terrain exposé aux confusions et aux anachronismes, et nous ne lui ferons pas grief de son Aggripa Ier, procureur de Judée, pour Agrippa Ier, dernier roi juif de Judée.
Autre choix judicieux : le conteur use de son droit de fiction pour “faire passer” la légende. Les “miracles” restent des faits prodigieux, mais explicables avec un peu de bonne volonté. Par exemple, jetés sur un bateau sans rames ni voile, les bannis n’auraient jamais atteint Marseille. Alors notre charitable conteur nous apprend que c’est sur l’intervention de Claudia Procula, la femme de Pilate, narbonnaise d’origine, amie de Marthe et Marie, qu’un marinier, dûment acheté par elle, consent à convoyer les “migrants” palestiniens jusqu’en Camargue (“Migrants” : l’auteur insiste sur ce mot, jusque dans les dernières lignes, discrète leçon au passage).
Autre exemple attendu et inévitable : la Tarasque. Eh bien c’était en fait une bande de brutes sanguinaires, de la peuplade mal pacifiée des Salyens, rembuchée dans un bois, qui terrorisait la population entre Tarascon et Aix. Et c’est épaulée par les hommes courageux de Tarascon que Marthe mit fin à leurs agissements.
Ainsi, en ce récit limpide comme un ciel de Provence balayé par le mistral, Olivier Joachim, en évitant d’en rajouter, donne plus de crédit à la vénération de sa patrie avignonnaise pour sainte Marthe, protectrice de Tarascon, patronne d’Avignon.
Olivier Joachim, Marthe de Béthanie, le pouvoir de l’Amour, 98 pages, 9,90 € Artège