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Présidentielle. Bayrou et Macron, Hamon et Mélenchon : deux couples improbables

© Mathieu Delmestre CC/© Place Au Peuple CC

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Philippe Oswald - publié le 24/02/17
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François Bayrou et Emmanuel Macron affichent leur alliance, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon mettent en scène leur divorce.

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C’est une vidéo, aujourd’hui sidérante qui date du 7 septembre dernier. François Bayrou, invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC/BFMTV, critique avec virulence Emmanuel Macron : il se dit « absolument sceptique » sur le candidat de En Marche !, et encore, insiste-t-il, le mot « sceptique » traduit faiblement sa pensée, et prophétise que « ça ne marchera pas » parce que Macron serait « l’hologramme… de très grands intérêts, financiers et autres ». Mercredi 22 février, cinq mois après cette philippique, le même François Bayrou annonce qu’il fait « alliance » avec ledit hologramme !

Le « sacrifice » de François Bayrou

« Le président du MoDem a présenté son choix comme un “sacrifice” et un “geste d’abnégation” » observe La Croix. « Crédité de 5-6 % des intentions de vote, son créneau électoral centriste de “dépassement des clivages” était de toute façon occupé par Emmanuel Macron ».

« Bayrou n’avait pas d’autre possibilité », confirme Pascal Célérier sur Boulevard Voltaire. Mais il rappelle que « Bayrou aura été un champion des mauvais choix : après Hollande, il choisit Juppé. Et dans l’équipe du maire de Bordeaux, on sait désormais que cette mauvaise fréquentation a pesé. C’est pourquoi l’équipe Macron ne devait pas être très enthousiaste non plus. »

« Si certains y ont vu un “geste très honorable et très fort””, comme le soutien d’Emmanuel Macron le député socialiste Christophe Castaner, d’autres ont vivement critiqué le choix de François Bayrou. À l’image d’Éric Ciotti, qui écrit sur Twitter : “Bayrou rallie le candidat des “forces de l’argent” qu’il fustigeait. Le plat de lentilles plus attirant que les convictions !”, lance le député de droite, agrémenté du hashtag “expert en trahison”, rapporte RTL au micro de laquelle, le 23 février, François Bayrou a tenté de minimiser ses attaques passées contre Macron.

Le romancier David Desgouilles est sévère sur son blog Antidote (hébergé par Causeur) : « Ce ralliement à la caricature du marketing électoral est bien piteux, François Bayrou. Vous voilà désormais avec Jacques Attali, l’homme qui peste contre l’enracinement, Pierre Bergé, l’homme qui explique qu’on peut bien prêter son utérus puisque les ouvriers prêtent leurs bras et Patrick Drahi qui symbolise aujourd’hui la mainmise du fric sur les médias. »

« Alliance » et non « ralliement »

Pour Frédéric Saint Clair, analyste en stratégie et en communication politique qui s’exprime dans Le Figaro, « le point nodal » est le mot « alliance », et non « ralliement », utilisé par François Bayrou. « Une alliance suppose que des sensibilités différentes s’unissent sans pour autant renoncer à leurs différences. Comment Emmanuel Macron et François Bayrou envisagent-ils cette alliance ? Leurs réponses seront décisives. Si Emmanuel Macron n’y a pas encore répondu, en revanche, pour François Bayrou, c’est tout à fait clair ; son message le décline en trois points : confrontation, influence, partage. » Reste à voir si Emmanuel Macron aura envie, ou besoin,  de ce « partage » qui pourrait en effet tourner très vite à la confrontation.

« François Bayrou, hélas ! » feint de se lamenter « Casinius » sur le blog Boomerang (proche de la Manif pour tous). « L’attelage Macron & Bayrou, c’est l’alliance des héritiers de François Hollande : l’un après l’avoir servi, l’autre après l’avoir soutenu en 2012. C’est une nouvelle surprise – à laquelle il ne faut pas non plus donner trop d’importance – de la campagne électorale. François de Rugy, trahissant également son engagement de soutenir le candidat élu à l’issue des primaires de la gauche, a rallié un peu plus tôt dans la journée Emmanuel Macron. »

Hamon et Mélenchon veulent chacun que l’autre se retire

Il fallait répliquer à l’alliance entre Macron et Bayrou. Au JT de France 2 jeudi soir, 23 février, l’écologiste Yannick Jadot a annoncé qu’il retirait sa candidature à l’élection présidentielle au profit du socialiste Benoît Hamon. « Après plus de deux semaines de tractations » et « moyennant des avancées en matière d’écologie et un accord sur les législatives » constate Les Echos. « Confronté à “un pays au bord de la rupture” et à une élection “qui peut basculer vers le racisme, ou vers l’espérance” (…) Yannick Jadot a choisi de “dépasser les égos” afin de “construire la grande aventure de cette élection présidentielle”. (…) Yannick Jadot a aussi invité Mélenchon à les rejoindre dans cette alliance. » Mais s’agissant du duo Hamon, Mélenchon, “dépasser les égos” n’est pas une mince affaire…

Lors de “L’Émission politique” de France 2, jeudi 23 février, le candidat de la France insoumise a proposé de rencontrer Benoît Hamon “dimanche ou lundi”, rapporte Ouest-France. “Si Benoît Hamon me dit : “Je te propose le principe d’une candidature unique”’, je regarderai ce qu’il propose”, a-t-il promis. Mais à la question d’un éventuel retrait en faveur de Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon a répondu : “Pourquoi il ne la retirerait pas, lui ?” Invité des “4 Vérités”, vendredi 24 février sur France 2, Benoît Hamon s’est dit “évidemment prêt à discuter avec Jean-Luc Mélenchon” d’une “candidature commune” à l’élection présidentielle, tout en affirmant être le mieux placé pour l’incarner….

Bref, c’est loin d’être gagné… « Quand on entend [Mélenchon] dire “un Yannick Jadot” ou “ce pauvre Benoît Hamon”, observe Libération, on voit mal comment il pourrait s’entendre avec eux. Surtout qu’il a de nouveau souligné, sur le fond, ses “désaccords” avec les deux hommes sur l’Europe. “Ce n’est pas moi qui ferme la porte”, martèle Mélenchon avant d’inviter Hamon à sa “marche pour la VIe République” organisée le 18 mars place de la Bastille, veille du grand meeting du socialiste prévu à Bercy. “Tu n’es pas obligé de rester à mon discours à la fin”, ironise Mélenchon s’adressant à distance à Hamon. »

« Une lutte à mort pour le leadership de la gauche »

L’accord est même tout à fait impossible selon Eric Zemmour : « Ils ne pourront jamais s’entendre », a-t-il expliqué sur RTL en ironisant sur ce « jeu du plus-unitaire-que-moi-tu-meurs », ce « jeu parodique de la réactualisation du programme commun de l’union de la gauche, sauf qu’il n’y a plus de programme commun et qu’il n’y a plus d’union de la gauche ». Pour Zemmour, « aucun d’eux n’a jamais eu l’intention de retirer sa candidature » ni « n’a jamais cru un seul instant que l’autre se retirerait à son profit ».

En réalité, croit savoir Le Huffington Post, « Mélenchon veut croquer Hamon ». « Faute d’un improbable accord entre la France insoumise et le Parti socialiste, c’est bien une lutte à mort pour le leadership de la gauche qui s’engage désormais entre Jean-Luc Mélenchon et son homologue du PS. (…) Aguerri aux joutes médiatiques, le tribun sait jouer du rapport de force avec les journalistes pour imposer ses thèmes et sa ligne anti-système de la gauche radicale. (…) Si pour l’heure Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon se partagent les voix d’une gauche éparpillée façon puzzle, et donc hors d’atteinte du second tour, la volatilité de l’électorat et la fébrilité ambiante n’interdisent aucun retournement de situation ».


Lire la précédente revue de presse : Les banlieues s’embrasent, Fillon s’accroche, Macron tourbillonne, la liberté bat de l’aile


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