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Les racines chrétiennes de la laïcité

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Charles Rouvier - publié le 07/02/17
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Non, la laïcité ne date pas de 1905 !

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Ces dernières années, en France, l’habitude a été prise d’opposer à la laïcité le christianisme, les deux étant supposés absolument contraires l’un à l’autre. Preuve en est notamment le nombre de procédures contre les crèches de Noël en mairie, perçues comme une “atteinte à la laïcité” par certaines associations. L’erreur est justement là : la laïcité n’est pas un pur produit républicain, mais tire au contraire son origine dans le christianisme. Explications.

Une filiation historique 

Ce mot, souvent utilisé en lieu et place d’athéisme, a pourtant une définition tout à fait différente de ce dernier. Le mot « laïkos » en grec signifie ce qui est du peuple, populaire pourrait-on dire, bien que le sens s’approcherait plus de celui de profane. Il fut utilisé la première fois par l’Église des premiers siècles pour désigner d’abord l’assemblée qui assistait à l’office puis, plus largement, ceux qui n’étaient pas dans un état religieux, contrairement aux prêtres et aux moines, lesquels étaient des « kléros ». La même summa divisio se retrouve presque mots pour mots en Français de nos jours : les laïcs et les clercs.

Il n’a donc rien à voir avec l’athéisme qui, rappelons-le, signifie « sans dieu » en grec, c’est-à-dire qui ne croit pas à l’existence de forces surnaturelles.

La France, un royaume laïc depuis le début

Une erreur fréquente est de penser qu’avant la Révolution, la France était un régime religieux ou « de droit divin », expression très équivoque qui laisse penser que le droit civil émanait directement d’une source religieuse. On nous l’apprend à l’école et pourtant, si on s’en tient à la définition stricte de laïcité, la France a toujours eu un régime laïc. Affirmer l’inverse reviendrait à dire qu’elle était une théocratie, ce qui est faux. Il y a théocratie quand des personnalités religieuses gouvernent (comme en Iran ou Tibet traditionnel) ou lorsque le pouvoir civil est aussi une autorité religieuse comme dans beaucoup de civilisation païennes (Égypte, Rome, Japon…) ou en islam (Empire ottoman, Maroc). Or la France n’a jamais connu cela. Le roi, seul garant de l’intérêt général, n’était pas prêtre et n’avait aucune juridiction religieuse, il était donc laïc. Il avait un certain pouvoir sur les clercs qui étaient ses sujets, mais pas sur les dogmes, les sacrements ou la discipline de l’Église — un pouvoir néanmoins limité par certains privilèges ecclésiastiques permettant de garantir l’indépendance de l’Église. De même l’Église n’avait aucune juridiction sur l’État.

C’est là toute la formule chrétienne du pouvoir.

La séparation du spirituel et du temporel 

Que d’encre (et de sang !) n’a pas fait couler la fameuse réponse du Christ « rendez à César ce qui est à César » ! Qui, à l’époque, se doutait que l’Église poserait grâce à elle les bases d’une formule politique originale : la séparation du spirituel et du temporel. D’un coté les rois gouvernent les hommes, de l’autre, l’Église gouverne les âmes : le pouvoir est laïc.

Paradoxalement, c’est César et non Dieu qui est finalement tombé de haut : on donne une pièce à lui plutôt qu’à Dieu, certes, mais cela veut précisément dire qu’il n’est pas Dieu. Il était Pontifex Maximus, pont entre terre et ciel, le voilà pauvre créature pècheresse. Lui à qui on élevait des temples et vouait un culte se fait un jour exclure des églises par saint Ambroise de Milan après avoir fait massacrer les habitants de Salonique. « Tu peux décider de réprimer une révolte par ce que tu es l’Empereur, mais pas en massacrant une toute une ville innocente, parce que tu es chrétien » dit-il en substance à Théodose qui ne peut revenir qu’après une pénitence publique.

Inversement, lorsque Boniface VIII, par ailleurs très grand pape, a prétendu gouverner l’Occident et faire des rois ses vassaux, c’est cette même doctrine de séparation des deux ordres qui donna à Philippe le Bel les arguments pour s’y opposer victorieusement. Il faut dire que le cas d’espèce ressemblait fort à la jurisprudence puisqu’il s’agissait entre autres de savoir si le clergé pouvait se voir prélever des impôts. Difficile de dire un « non » catégorique, avec cette phrase du Christ écrite noir sur blanc dans l’Évangile…

Bien sûr il y eut bien des exceptions et des compromissions. Les États pontificaux étaient en quelque sorte une théocratie, il y avait dans l’Empire des princes-évèques, il y avait des veto autrichiens et français pour l’élection du Pape. Mais ce n’était là que des arrangements avec le principe, le principe est resté.

La laïcité a souvent conduit les responsables politiques à nier les racines chrétiennes de l’Europe. Il faudra pourtant un jour reconnaître les racines chrétiennes de la laïcité.

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