Quand la méconnaissance des chiffres entraîne la peur.
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Consultant international sur l’Afrique, les migrations et l’islam radical, Jean-Paul Gourévitch constate quotidiennement la difficulté de parler du sujet des migrations en France. “Chacune de nos paroles, sur cette question, sont rejetées en bloc par les uns, récupérées par les autres”, dénonce-t-il. Engageant ses lecteurs à “se défier” des analyses rapides sur cette question, il propose une étude chiffrée, aux sources multiples.
L’ignorance nourrit les peurs
Devant l’interdiction d’établir des statistiques ethniques en France, les experts sont contraints de croiser une multitude de sources pour se faire une idée précise des migrations. L’exercice permet, au passage, de tordre le cou à certains fantasmes. Un sondage a ainsi révélé que les Français estimaient le nombre de musulmans sur leur territoire à un tiers des habitants, un chiffre très surestimé selon les calculs de Jean-Paul Gourévitch. Il en appelle donc à un travail de vérité, qui permettrait d’aborder la question cruciale des migrations, vers la France ou hors du pays, avec plus de sérénité.
“Une sorte de pensée dominante”
Aussitôt que ces questions sont abordées, une grosse mécanique se met en place, avec une argumentation démontrant, pour les uns que les migrations sont facteurs de prospérité et pour les autres qu’elles détruisent le pays. Dans le no man’s land qui sépare les deux camps Jean-Paul Gourévitch fait son travail d’expert, démontrant que les migrations coûtent de l’argent à la France, mais moins que les expatriations, et que le nombre d’étrangers présent en France n’est pas celui qu’évaluent les rumeurs alarmistes. “Ceux qui, comme moi, travaillent sur ces questions avec chiffres et sources sont perpétuellement ostracisés !”, dénonce-t-il.
Les migrations ne peuvent qu’augmenter
Dernier exemple en date : lorsqu’en 2015 il prévoyait que l’année se traduirait par la migration d’un million à un million et demi de personnes, dans la zone méditerranée vers l’Europe, il fut accusé d’être “un compagnon de route de l’extrême droite”. Le verdict est tombé avec les chiffres d’Eurostat en avril 2016 : 1,256 million de migrants, soit pile dans sa fourchette ! Un résultat qui n’a rien de magique, il existe des moyens d’évaluer et de prévoir les migrations. Or, aux yeux de l’auteur, rien ne permet d’envisager une diminution des migrations vers la France. Au contraire, deux facteurs puissants tendent à les faire augmenter : la démographie africaine et les réfugiés climatiques, dont on ne voit que les prémisses.
La question centrale de l’emploi
L’essentiel des débats s’est concentré jusqu’à présent sur l’accueil des migrants. Pourtant, pour que leur implantation soit un succès, à la fois pour les individus et pour le pays qui les accueillent, il faudrait qu’ils trouvent un travail. Or une étude citée dans Les véritables enjeux des migrations démontre que parmi les réfugiés syriens habitants en France, seuls 10% ont trouvé un emploi. “C’est la question prioritaire !” assure l’auteur. L’un des leviers qui permettrait de résoudre ce problème serait d’agir sur l’économie informelle, évaluée à 20% du PIB français.
Pour un observatoire indépendant des migrations
Un autre chantier que l’auteur voudrait voir engager serait l’installation d’un observatoire indépendant des migrations. S’il était dirigé par des experts de stature internationale, il serait à même de rendre des rapports qui feraient autorité. Et échapperaient à l’éternelle guerre sémantique que provoque les débats sur les migrations en France.
Les véritables enjeux des migrations par Jean-Paul Gourévitch, Éditions du Rocher, février 2017, 220 pages, 17 euros.