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Présidentielle : la tempête se déchaîne sur Fillon

(FILES) This file photo taken on January 29, 2017 shows French right wing candidate for the upcoming presidential election Francois Fillon (R), flanked by his wife Penelope Fillon, gesturing as he looks on during a campaign rally in Paris. French investigators on January 30, 2017 quizzed presidential hopeful Francois Fillon and his wife Penelope over allegations that Penelope received 500,000 euros ($535,000) for a fictitious job as a parliamentary aide, legal sources said. The couple, who are the target of an embezzlement probe, were also questioned over payments Penelope received from a literary review owned by a billionaire friend of Francois Fillon. / AFP PHOTO / Eric FEFERBERG

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Philippe Oswald - publié le 03/02/17
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Pourra-t-il résister au « Penelope Gate » ? La question taraude Les Républicains dont certains évoquent un improbable plan B tandis que le gros des troupes serre les rangs derrière le chef.

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Tiendra-t-il ? La question se fait lancinante au terme d’une semaine où les coups ont redoublé contre François Fillon. À peine avait-il achevé son meeting à Charleville-Mézières, jeudi soir, le 2 février, que France 2 en remettait une couche en diffusant sur « Envoyé spécial » une vieille interview de Penelope Fillon, accordée en mai 2007 au Sunday Telegraph, dans laquelle elle déclare en anglais, sa langue maternelle : « En fait je n’ai jamais réellement été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre ». Mais elle y évoque des tractages et sa présence aux meetings de son mari.

Georges Fenech franchit le Rubicon

« La maison Fillon se lézarde », estime Le Monde (2 février). « À l’automne 2016, le député de Paris avait pourtant acquis une légitimité en béton armé bâtie sur les 4,4 millions d’électeurs de la primaire. Sous les coups de boutoir des soupçons et des révélations du Penelope Gate, sa candidature s’effrite d’heure en heure. (…) Pour certains, il devient urgent de trouver une solution de remplacement à ce candidat qui court encore mais avec une tonne de plomb sur les épaules. »

C’est le député LR (sarkozyste) du Rhône Georges Fenech, lui-même ancien magistrat, qui a le premier franchi le Rubicon mercredi matin, 1er février : « Je pense que le résultat des primaires est aujourd’hui caduc face à cet événement imprévisible (…) qui se situe non seulement sur le registre judiciaire mais sur le registre éthique et moral », a-t-il déclaré au micro de Franceinfo. « Je crois que la situation est très, très compromise », a-t-il ajouté, disant « exprimer tout haut ce que beaucoup, beaucoup de parlementaires pensent tout bas ». Puis sur BFMTV, il a rajouté une touche dramatique : « Nous sommes comme l’orchestre du Titanic, en train de couler ». « Il faut raison garder, lui a répondu sur RCF François-Noël Buffet, sénateur-maire d’Oullins et membre de l’équipe de campagne de l’ancien Premier ministre.

Mais Georges Fenech ne s’est pas arrêté là. Le soir même, il a envoyé à tous les députés et sénateurs de son parti une pétition qui appelle au remplacement du candidat, pétition mise en ligne par l’hebdomadaire Marianne. Tout en affirmant l’attachement des signataires à la présomption d’innocence, et « leur solidarité avec François Fillon », le texte soutient que « les derniers événements judiciaires remettent en cause la légitimité du candidat » et réclame « la convocation d’un Conseil national extraordinaire des Républicains » pour que « notre famille politique reprenne son destin en mains ». « Soit nous défendons mordicus François Fillon. Soit on prend une autre option, celle de mettre un nouveau candidat de la droite et du centre à la présidentielle » déclare pour sa part au Point Sébastien Huyghe, ancien porte-parole du parti LR en 2015, soutien de Nicolas Sarkozy à la primaire et député du Nord.

Le juppéiste Philippe Gosselin est aussi sorti de l’ombre : il a lancé mercredi un appel au maire de Bordeaux « pour qu’il réfléchisse à la possibilité de prendre le relais de François » selon le JDD. Mais Alain Juppé avait déjà affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas question pour lui d’être un recours. L’attaque la plus violente est venue d’Henri Guaino, jeudi matin, sur France 2 : pour le député LR des Yvelines, lui-même candidat à la présidentielle, il s’agit d’un « naufrage » et la position de Fillon est « intenable » : « Il ne peut même plus défendre son programme », notamment en demandant des sacrifices aux Français.

Les Républicains n’ont pas de plan B

Mais ce ne sont encore que des voix isolées ou des francs-tireurs, comme on voudra. Dans une tribune parue jeudi dans Le Figaro, dix-sept poids lourds des Républicains et de l’UDI dénoncent « une tentative de mise à mort » qui « vise à installer un face à face mortel : celui entre la gauche et le Front national ». « Depuis une semaine, François Fillon est cloué au pilori médiatique et politique. Pour y parvenir, tous les coups sont permis : on jette aux loups un homme, sa femme, ses enfants, ses collaborateurs, sans attendre leurs arguments ni entendre leur défense », dénoncent-ils. « Tous les jours sont déversées sur la place publique rumeurs, approximations, calomnies », s’insurgent les signataires, parmi lesquels Gérard Larcher, le président du Sénat, le secrétaire général de LR Bernard Accoyer, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.

Celui-ci ajoute sur RTL, le 2 février : « Un certain nombre de forces politiques ne supportent pas que les urnes puissent lui donner raison, alors on essaie de l’atteindre par d’autres moyens. »

Sur la chaîne Public Sénat Bernard Debré voit dans le “Penelope Gate” la main de Jean-Louis Nadal, président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique nommé par François Hollande. « Nous ne nous laisserons pas voler cette présidentielle », a-t-il ajouté. « Vous êtes tous en train de dire qu’il faut un plan B, mais vous savez qu’un plan B c’est du bricolage, il n’y a personne ». Pourtant ennemie de François Fillon et soupçonnée d’avoir été la source du Canard Enchaîné, Rachida Dati a protesté qu’elle ne faisait pas « ses coups en douce » et, s’affirmant « légitimiste », a confirmé vendredi matin, 3 février, sur BFMTV et RMC : « S’il y avait un plan B, ça se saurait. Il y a un plan A, c’est François Fillon ».

Le jeu trouble des médias

Sur Radio Notre-Dame, les journalistes d’investigation Benjamin Dormann et Jean Montaldo estiment que l’affaire Fillon donne une nouvelle preuve de la connivence entre la presse et le pouvoir politique. Alors que la rémunération de Penelope Fillon comme assistante parlementaire de son mari pouvait être aisément connue depuis des années, « l’info arrive dans votre boîte aux lettres à un moment où certaines personnes ont intérêt à ce qu’elle sorte » constate Benjamin Dormann, auteur de Ils ont acheté la presse (Jean Picollec). Un avis que partage Jean Montaldo : « Trop de journalistes dits d’investigation sont finalement les concierges des partis politiques ». Pour les deux journalistes, c’est le débat des emplois fictifs qu’il faut maintenant ouvrir… sans exclusive.

S’agissant de Penelope Fillon et de son travail d’assistante parlementaire, « François Fillon n’a pas enfreint la loi », estime Pierre Squarra, médecin, dans Les Echos. « Comme d’autres, il a utilisé la faculté qu’on lui a donnée. Celle d’employer des assistants pour le seconder. (…). Pour ce qui concerne le travail de cette équipe, qui peut mieux que le patron décider du travail des assistants ? Quel juge va dire, pour la tranquillité et la productivité de François Fillon, l’importance d’avoir une épouse disponible pour lui et même pour sa famille ? » Un avis que développe sur le plateau de LCP, jeudi 2 février, le sénateur Les Républicains de la Meuse et ancien ministre de la Défense Gérard Longuet : « Il n’y a pas d’emploi fictif dans le métier d’assistant parlementaire parce que c’est le parlementaire qui définit la façon de travailler. Il y a une liberté de l’employeur d’organiser son travail ! »

Sur la deuxième partie de l’affaire, concernant La Revue des Deux Mondes, Penelope Fillon aurait fourni une dizaine de notes de lecture dont deux seulement ont été publiées par la revue. « À l’époque, après quelques réunions en présence du propriétaire de la revue, le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, Penelope Fillon finit par se sentir inutile et démissionne. Alors, emploi de complaisance ou placardisation de luxe ? La justice tranchera » rapporte RTL, apparemment très au fait de ce que Penelope Fillon « a dit aux enquêteurs ». 

La politique sous le couperet des moralistes

Sur son nouveau blog, Conscientia, Philippe de Saint-Germain avertit de se défier du« moralisme » : « S’il s’agit de choisir un homme d’État, c’est sur sa capacité d’homme d’État qu’il faut le juger d’abord. Si l’exercice consiste à le démolir au prétexte qu’il a péché, quelles seront les conséquences politiques de l’opération ? C’est à l’aune de cette mesure sur le bien commun qu’il faut peser l’accusation (…) l’acharnement des moralistes et des hypocrites à le voir chuter donnera-t-il à la France toutes ses chances pour élire en mai prochain un président de la République plus honnête et plus qualifié ? »

Un avis qui rejoint celui de Gérard Leclerc dans France Catholique : « Nous sommes en face de l’exécution violente d’un candidat. (…) Le dossier accusatoire est brandi au moment le plus sensible, le plus déstabilisateur. (…) C’est la probité, le souci du bon emploi des deniers publics, la lutte contre l’enrichissement sans cause avouable, qui motivent l’offensive médiatique. Évidemment, mais que l’on pardonne cette formule provocatrice : l’appel à la morale permet au crime d’être presque parfait, l’exécution sans bavure. (…) C’est pourquoi je garde ma distance par rapport à cette affaire, un peu à l’exemple d’Emmanuel Macron, qui déclare : Je ne participe pas à l’hallali. Je n’accable pas les gens, je pense qu’ils doivent être entendus. (…) Oui à la transparence, non au déballage et à l’agressivité. Peu importe que ce soit Macron qui se montre sage en l’occurrence. Dans l’emballement actuel, propice à l’exécution du bouc émissaire, il convient de refuser la logique de la violence. »

Fillon peut refaire surface

Mais peut-être qu’à force d’enfoncer François Fillon jusqu’à lui faire toucher le fond, ses accusateurs lui permettront-ils de refaire surface : « Malgré le Penelope Gate, un nouveau sondage (2 février) indique que François Fillon peut toujours remporter l’élection présidentielle de 2017 » indique La Tribune. Selon une enquête Ifop-Fiducial pour Paris Match, i-Télé et Sud Radio, il recueillerait encore 20 % des intentions de vote, au coude à coude avec Macron, derrière Marine Le Pen, à 24,5 % au premier tour, l’un et l’autre l’emportant largement sur elle au second tour. Quant à la probabilité d’une mise en examen de François Fillon, elle semble plutôt douteuse, s’il s’agit de détournement de fonds publics, ou d’abus de biens sociaux. En effet, « pour ces chefs d’accusation, le délai de prescription est de trois ans » rappelle BFMTV. Or, « les dernières infractions dans cette enquête, si elles étaient constatées, auraient été réalisées en décembre 2013. La justice avait alors jusqu’à décembre 2016 pour agir, ce que devront soulever les avocats du couple Fillon. »

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