Tout croyant est exposé en permanence au risque de réduire Dieu et Sa parole à ce qu’il en comprend.
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Lire aussi : Les catholiques ont-ils un problème d’identité ? Deux approches en débat
Le débat lancé par le livre d’Erwan Le Morhedec Identitaires : Le mauvais génie du christianisme, a pu surprendre un certain nombre de chrétiens et d’observateurs pour qui le mot même d’identitaire n’évoque rien de précis. De fait la tendance identitaire est davantage présente sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire dans un univers encore largement parallèle au monde ecclésial et institutionnel classique. Certaines générations et certains milieux n’ont pas le réflexe de surfer sur Internet et les débats sur la tentation identitaire leur paraissent étranges et leur sont largement étrangers. Pourtant la tentation identitaire décrite par Erwan Le Morhedec est loin d’être une chimère.
C’est au contraire la résurgence d’une vieille tentation qui était celle de l’Action française : annexer la foi catholique et l’instrumentaliser au service d’ambitions politiques mondaines. La tentation identitaire est réelle mais pas nouvelle. Il s’agit de nier la volonté de Dieu, son projet de rédemption pour l’humanité et le Salut apporté par Jésus-Christ à tout homme, pourvu qu’il accepte de convertir son cœur en profondeur pour que Dieu puisse, comme le disait le prophète Ézéchiel, remplacer les cœurs de pierre par des cœurs de chair (Ézéchiel 36, 25-26).
C’est une manière de remodeler Dieu à notre image et donc de lui substituer une idole. La tentation ethno-identitaire qui plane sur certains catholiques n’est pas autre chose que la bonne vieille tentation de l’idolâtrie qui travaillait déjà le peuple d’Israël et dont l’Ancien Testament fournit tant d’exemples. Rien de nouveau sous le soleil donc. Mais il est impossible de comprendre la résurgence d’une telle tendance aujourd’hui dans l’Église de France – car l’Église c’est l’ensemble des baptisés et pas seulement le clergé – si l’on ne tient pas compte de la déchéance de l’autorité morale et spirituelle de l’épiscopat français depuis les années 1970.
La responsabilité de l’épiscopat dans la dérive identitaire
La perte de confiance du peuple catholique dans ses pasteurs date en effet des années 1970 et la fracture n’a jamais été résorbée depuis. Au cours de ces années l’épiscopat et le clergé français avaient pris prétexte de Vatican II pour justifier leurs propres fantaisies (pastorales théologiques, liturgiques et morales) et in fine leur propre apostasie. Depuis, et sous l’influence de Jean-Paul II notamment, l’épiscopat français est revenu dans les clous mais ce dernier n’a jamais reconquis depuis la confiance qu’il avait perdue. Les bergers ont perdu la confiance de leur troupeau.
Conséquence logique de cette désertion des pasteurs, le troupeau perd confiance, se disperse ou se rebelle. La tentation identitaire relève de la rébellion contre ceux qui disent mais ne font pas et qui décrédibilisent ainsi tout ce qui sort de leur bouche. Or, c’est là le drame car ce qu’ils doivent transmettre ce n’est ni plus ni moins que la Parole de Dieu.
La tentation identitaire : faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou pas
Tout croyant est en effet exposé en permanence au risque de réduire Dieu et Sa parole à ce qu’il en comprend, à ce qu’il croit en comprendre et surtout à ce qu’il veut en comprendre. Entre l’autosuggestion et le mensonge délibéré la frontière est souvent floue. C’est là que resurgit la tentation identitaire. Tous nous préférerions spontanément que la volonté de Dieu se glisse dans le moule de l’identité nationale que nous avons héritée de l’histoire et qu’elle s’identifie à la somme des habitudes de nos familles et de nos milieux. Tous nous préférerions dire à Dieu « que notre volonté soit faite » plutôt que « ta volonté soit faite ». Tous, moi y compris, préférerions enrôler Dieu derrière notre bannière à l’image de la Wehrmacht qui avait fait graver sur la boucle de ceinturon de ses soldats : « Gott mit uns » (« Dieu avec nous »). Spontanément je partage cette aspiration et je la comprends puisque je l’éprouve. Mais c’est également pour cette raison que je peux confesser qu’il s’agit d’une tentation et que, comme toute tentation, elle doit être combattue.
Parce que c’est une tentation c’est une trahison de la volonté de Dieu telle qu’elle nous est révélée dans la Bible et surtout dans la personne de Jésus-Christ qui est Dieu fait homme. Nul homme ne peut décemment le contester à moins de se prendre pour Dieu et/ou de contester que Jésus-Christ soit vrai homme et vrai Dieu. Ces considérations théologiques sont souvent très étrangères aux identitaires mais si ces considérations leur sont étrangères c’est parce qu’au fond ils n’en ont rien à faire.
Notre fidélité au Christ est toujours partielle et n’est jamais acquise. La conversion de notre cœur est à la fois une activité à plein temps et une activité de chaque instant puisque nous sommes soumis en permanence à la force d’attraction terrestre du Prince de ce monde et que la lutte pour s’arracher définitivement de son orbite ne prendra fin qu’à la dernière seconde de notre dernière heure. Quand on cherche à convertir au Christ son cœur, sa volonté et son esprit, on découvre ce qu’est le mouvement perpétuel…
L’amour du prochain n’est pas la solidarité ethnique
S’il est parfaitement légitime de vouloir restreindre la pompe aspirante de l’immigration dans un pays comme la France qui ne parvient déjà plus à garantir la sécurité de son territoire et la prospérité de son peuple, on ne peut pourtant en déduire que l’amour du prochain s’identifie à la solidarité ethnique car aimer son prochain c’est aimer celui qui est nous est proche, pas celui dont on se sent proche. C’est choisir de chercher à aimer celui que l’Esprit saint a placé sur notre chemin, pas suivre nos affinités électives. « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ? » (Matthieu 5, 46).
Aimer son prochain c’est aimer celui que Dieu a placé sur notre chemin, pas celui qu’on aurait spontanément choisi. Aimer son prochain comme Dieu nous aime, c’est aimer autrui non parce qu’il le mérite – je ne mérite pas l’amour de Dieu – mais aimer l’autre parce qu’il en a besoin. Aimer comme Dieu aime c’est prendre l’initiative d’aimer. Sinon il ne s’agit pas de l’amour de Dieu mais de nos propres affinités et nous n’agissons pas conformément à la volonté de Dieu mais conformément à la nôtre. Dans la prière du Notre Père que le Christ nous a apprise on dit au Seigneur « que ta volonté soit faite » et non pas « que ma volonté soit faite ».
Tel est le cœur de la foi chrétienne : un Dieu d’amour qui par amour a accepté de se faire crucifier par amour pour nous et pour nous sauver. Il s’appelle Jésus-Christ et les chrétiens n’en ont pas d’autres. « Nous, nous prêchons Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs » (1 Corinthiens 1, 23-24).
On comprend que les identitaires païens comme Alain de Benoist s’adressent aux chrétiens qu’ils veulent rallier en commençant par leur dire : « Mettons de côté ce qui nous sépare ».
La version longue de cet article accessible ici.
Pour aller plus loin :
Interview vidéo de Erwan Le Morhedec : Identitaire : le mauvais génie du christianisme ?
La tribune d’Arnaud Bouthéon : « Identitaires catholiques : la menace fantôme »