Retour sur le meeting du candidat En marche à Lille, samedi 14 janvier.
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À Lille, Emmanuel Macron a tenu son premier meeting régional samedi 14 janvier, dans une salle du Zénith presque pleine (entre 4 et 5 000 personnes). Pendant une heure et demie, le candidat à la présidence de la République a développé les grandes orientations de son projet politique. À cet égard, on notera que les deux mots les plus prononcés par le candidat En marche auront été « valeurs » et « projet ». Le premier appartient au champ lexical de la gauche qui les met constamment en avant, et Macron l’utilise pour désigner l’humanisme, l’accueil des migrants, et la fermeté face à des régimes qui ne sont pas sur la même ligne que la France. Le deuxième mot est très courant dans le monde professionnel et le milieu de l’entreprise, cible numéro un de l’ancien banquier d’affaires. Bien plus vague et moins engageant que « programme », le mot « projet » est très passe-partout. Macron n’est pas le seul à l’employer, mais il est un de ceux qui y recourent le plus souvent.
Un autre de ses leitmotivs : il faut s’adapter à un « monde qui évolue », un « monde qui change ». Il salue l’action du général de Gaulle, « un grand Lillois », mais souligne que sa pensée est dépassée et n’a plus lieu d’être convoquée : « Le général de Gaulle ne faisait pas souvent référence à Mac Mahon. Le monde a changé, il n’est plus le même », rappelle celui qui a produit, plus jeune, un mémoire sur l’intérêt général en se fondant sur la pensée de Machiavel (mort en 1527) et du philosophe Hegel (mort en 1831).
Une volonté de se présenter comme inclassable
L’une des habiletés d’Emmanuel Macron consiste à se présenter comme un novice de la politique, un M. tout-le-monde, très diplômé certes, mais qui demeure totalement étranger aux manœuvres d’appareil comme celles qui peuvent gangrener un Parti socialiste (PS) auquel il n’a d’ailleurs jamais adhéré. Par conséquent, l’ancien ministre d’un gouvernement socialiste se définit comme n’étant ni de droite, ni de gauche, ou plus exactement, pour se distancier quelque peu d’un Front national (FN) qui se revendique également ainsi, « et de droite, et de gauche ». Ainsi, il ponctue ses discours d’hommages rendus aux uns et aux autres, en alternant les partis politiques. Parmi les morts, Charles de Gaulle, et les socialistes Roger Salengro, Pierre Mauroy (nous sommes à Lille) et l’inévitable François Mitterrand. Parmi les vivants, Martine Aubry, à qui il souhaite avec une bonhomie un tantinet perfide « le meilleur rétablissement possible » (elle vient de subir une opération du dos), et le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui mérite d’être remercié pour avoir battu le FN, meilleur ennemi d’Emmanuel Macron. Parmi les présents enfin, deux Jean-Paul, un rose et un bleu, Huchon et Delevoye, l’ancien président socialiste de la région Île-de-France, et l’ancien ministre de Jacques Chirac et ex-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
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Outre ses hommages politique, Macron manie avec parcimonie l’art de la citation. Celui qui prône un renforcement du projet supra-national européen et une mobilité décuplée a réussi à citer L’Enracinement de Simone Weil, une œuvre pétrie de christianisme. Celui qui a été à Berlin tenir une conférence en anglais devant des locuteurs allemands le justifie par une volonté de se faire comprendre d’eux. Le pragmatisme avant tout, semble-t-il plaider. Pour le promoteur d’une Union européenne renforcée par le couple franco-allemand (et que le Royaume-Uni s’apprête à quitter) parler allemand ou français devait apparaître comme une alternative absurde. Une langue, simple véhicule interchangeable, ne revêtirait-elle qu’une dimension utilitaire, visant à transmettre du contenu ? Cela, Macron est trop cultivé et intelligent pour le penser et fermer délibérément les yeux sur la force symbolique de la langue. Et pourtant, il continue dans le même temps à évoquer enracinement et valeurs.
La désignation des adversaires
Ses attaques les plus violentes vont au FN, un parti qui « ment aux Français » et qui prône « la haine et le repli sur soi ». Pour autant, il ne veut pas jeter la pierre à ses électeurs. Dans le Nord, ce sont des « gens courageux », « chair à canon de la mondialisation » qui ne demandent qu’une chose : « Du travail, du travail, du travail » répète-t-il, lui qui s’est auto-proclamé « candidat du travail ». Dans le public, les propositions qui remportent le plus de succès et des salves d’applaudissements concernent la lutte contre le Front national, le renforcement de la construction européenne, une diplomatie ferme contre la Russie et les États-Unis de Donald Trump, ainsi que la baisse des charges patronales et salariales.
Il ne pointe pas nommément ses autres adversaires, mais fustige l’inefficacité des politiques précédentes (gauche et droite confondues), se moque des déclarations de François Fillon sur la démocratisation d’Internet et critique ses propositions sur la Sécurité sociale tout en voulant également la réformer.
Une figure charismatique
En allant à la rencontre des participants au meeting, on perçoit des profils différents, de la jeune étudiante en droit qui n’avait jamais milité pour un parti politique auparavant, à l’entrepreneur quadragénaire qui souhaite une rapide baisse des charges patronales. Quelques fonctionnaires également, principalement dans l’Éducation nationale qui a été un des thèmes du meetings. En effet, le candidat a annoncé son intention, s’il est élu, de réduire de moitié le nombre d’élèves des 6 000 classes de CP et de CE1 dans les zones d’éducation prioritaires, avec des enseignants mieux rémunérés (sans préciser de combien) dans des établissements disposant de plus d’autonomie. Cet investissement permettrait ainsi d’« éviter d’autres coûts, celui de la délinquance, celui de l’échec et celui du chômage ».
Mais ce qui rassemble la plupart des adhérents ou sympathisants, c’est la figure même d’Emmanuel Macron. La personne bien plus que le corpus idéologique. Il est jeune, il incarne le renouveau, et il veut dynamiter le clivage droit-gauche tout en combattant le FN. « Avec lui, nous serons gagnants dans la mondialisation » souffle une jeune femme, ravie, en quittant la salle.