Sous couvert d’éducation à la citoyenneté, la question du réel profit de cet enseignement se pose.
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L’éducation à l’information. Ce fardeau supplémentaire qui pèse désormais sur tous les élèves est caractéristique des dogmes en vigueur au ministère de l’Éducation depuis plus de trente ans : la nécessité de « l’épanouissement de chaque élève en tant que citoyen » et la centralisation des orientations éducatives. Cette dernière serait, pour Madame Vallaud-Belkacem, le plus grand bien à protéger contre les tenants d’une autonomie des établissements qui « ne ferait qu’accroître les inégalités en privant la puissance publique de son outil de pilotage» (lequel a eu pour conséquences, notons-le en passant, un taux sidérant d’illettrisme à la sortie du collège, un manque d’attractivité pour le métier d’enseignant et la destruction de l’ascenseur social dont pouvait encore se vanter l’école d’antan).
Cette éducation à l’information a pour but « de permettre aux élèves d’exercer leur citoyenneté dans une société de l’information et de la communication, former des cybercitoyens actifs et responsables ». Elle est détaillée avec soin dans de nombreuses directives consacrées à l’Éducation aux médias et à l’information (EMI) afin d’être appliquée de façon uniforme à l’ensemble du territoire. Des outils alléchants (et onéreux) sont mis à disposition de tous les élèves pour ce faire ; par exemple l’accès gratuit à la version numérique d’une quinzaine de quotidiens dans l’enceinte de chaque établissement (avec impossibilité d’accès à l’extérieur et donc impossibilité pour les parents de consulter les articles lus par leurs enfants).
Uniformité des orientations idéologiques
Dans ce cadre, le ministère lance des propositions tout à fait dans l’air du temps avec des thèmes comme « la liberté de la presse », « comment distinguer information et propagande », « rumeurs et réseaux sociaux » et suggère des partenariats avec des journalistes. Sans aucune expérimentation préalable sur une durée raisonnable, toute une organisation se met en place dans laquelle on aperçoit le rôle central qu’occupe l’audiovisuel public et l’AFP : il est conseillé aux élèves et aux enseignants de voir ce que dit l’AFP et de se référer aux médias officiels pour détecter la « vraie information ». Cela n’empêche nullement d’avoir massivement recours à des dessins de presse (souvent orientés) ou des caricatures, qui vont permettre les fameux débats dont sont friands nos nouveaux pédagogues et qui sont censés palier « l’ennui des élèves en classe ».
L’administration veut que l’on montre aux élèves la variété des présentations d’un même fait selon les organes de presse. Or, au delà des différences de ton, il est clair qu’il existe une uniformité des orientations idéologiques dans la grande presse, non pas sur les sujets d’ordre économique, mais en ce qui concerne les questions de société. Les journalistes ont des orientations similaires pour tout ce qui touche au respect de la vie à son commencement et à son terme ou encore pour ce qui relève de la bioéthique.
Les élèves du collège sont bien sûr incapables de saisir tout cet environnement biaisé. En fait, en complément de l’éducation morale et civique, du parcours éducatif de santé, de l’éducation à la sexualité, du parcours citoyen des Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)… cette « éducation à l’information » en prétendant former « des citoyens responsables » vise surtout à formater les élèves dans une certaine vision de la société et les arracher « au conditionnement familial », comme le disait le ministre de l’Éducation d’alors, Vincent Peillon en 2013.
Est-il inconvenant de concevoir une école dans laquelle, au moins au niveau du primaire et du collège, les sujets d’actualité seraient ignorés ?
Aux parents d’éduquer leurs enfants
Pour conclure, je me risquerai tout d’abord à une remarque d’ordre politique. Lors de la prochaine alternance, le pouvoir politique va se trouver confronté violemment à un ministère de l’Éducation cogéré depuis trente ans par les syndicats et les hauts fonctionnaires. Dans l’impossibilité, à court terme, de réduire les baronnies qui gangrènent l’administration, il devra sans doute user de l’arme de l’autonomie des établissements, des dérogations largement accordées et redonner une réelle liberté à l’intérieur des programmes avec peu de contraintes (sauf la nécessité de la maîtrise du français). Il faudra passer par une plus grande émulation entre les méthodes ; en venir à une augmentation du nombre des établissements privés sous contrat et plus de liberté pour ouvrir des établissements hors contrat.
Dernière remarque d’ordre éducative. Certes les enfants doivent être mis en garde contre de possibles désinformations notamment sur Internet et les réseaux sociaux et contre les risques de campagne de rumeurs, cependant ce rôle revient aux parents dans le quotidien. Ceux-ci doivent éviter à leurs enfants d’être hypnotisés par le tourbillon des images, des scoops et des alertes-infos à répétition. Mais pour cela les parents doivent d’abord éviter ce piège pour eux-mêmes.
Il convient d’être conscient de cette fascination exercée par les médias et des dérives potentielles qui en résultent. Le cardinal Sarah nous rappelle dans son livre La force du silence que le tourbillon médiatique et le bruit qui l’accompagne empêchent de se regarder en face : « Les spectacles artificiels et les écrans allumés sans discontinuer veulent ensorceler l’intelligence et l’âme. Dans les prisons lumineuses du monde moderne, l’homme s’éloigne de lui-même et de Dieu »