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Aleteia : Pascal Beauvais, vous sculptez depuis près de quarante ans, comment vous est venu un jour « l’appel du marteau » ?
Pascal Beauvais : La base commune à tous les arts plastiques est le dessin. L’on peut d’ailleurs dire que sculpter, c’est dessiner en trois dimensions. Mon goût pour le dessin date de ma prime enfance et l’illustration des cahiers de poésie fut mon premier champ d’expression. Je n’ai vraiment découvert la sculpture qu’au cours de mes études à l’École des Beaux-Arts et par la pratique du modelage. Puis, les premières commandes sont arrivées, bois et pierre, et la massette n’a plus quitté ma main depuis maintenant trente années.
Votre style semble profondément marqué par l’art roman, de quelle(s) école(s) êtes-vous le continuateur ? Qui sont vos maîtres ou inspirateurs ?
Il est vrai que l’art roman a longtemps été, et reste pour moi, une référence privilégiée. C’est certainement l’expression plastique de la foi chrétienne la plus convaincante comme le chant grégorien peut l’être dans le domaine du chant liturgique. Mais j’ai été aussi l’élève de deux éminents sculpteurs : Charles Auffret à l’école des Beaux-Arts de Reims et Georges Muguet (ancien élève de Bourdelle). Tous deux furent des représentants de l’école française de sculpture, héritiers de Rodin et de cette chaîne ininterrompue de sculpteurs qui, pendant huit siècles, ont œuvré sur le sol de France. Je mentionnerai aussi le sculpteur Henri Charlier, dont les écrits sur l’art restent un outil critique de premier ordre.
Votre œuvre est presque exclusivement religieuse, était-ce un appel impérieux pour vous ? Comment se mêlent dans le quotidien de l’atelier, votre vie spirituelle et votre travail d’artiste ?
La thématique chrétienne de mon travail n’est pas le fait d’un choix de départ. Elle s’est imposée par les circonstances. Mes premières commandes allèrent dans ce sens, d’autres suivirent. Je suis amené à approfondir des questions de liturgie, de théologie, d’histoire sainte, de symbolique. Je me documente sur la vie de nombreux saints. Tout cela s’insérant dans une vie à la campagne avec une famille nombreuse. Je me reconnais assez dans cette évocation de Fabrice Hadjadj “… Je laisse les enfants rendre impossible le Grand Œuvre, et je laisse les textes que je bricole encore, me rendre moins disponible aux enfants. Mais peut-être que je fais bien aussi. Car, ce que l’un et l’autre perdent en perfection, j’aime à le croire, ils le gagnent en vérité de vie – une vérité bancale, certes, guère affriolante, mais qui fait son chemin en boitant.” (in Qu’est-ce qu’une famille ? Avant-propos p.10).
Vous sculptez des œuvres qui appellent les siècles passés et espèrent dans les siècles à venir, cela vous rend-il imperméable à l’agitation de notre époque ?
Oui et non. Pour répondre, je prendrai un exemple concret. Une communauté me demande de réaliser une statue de la Sainte Vierge pour son sanctuaire. J’aurai, pendant toute la durée du travail, cette idée présente, à savoir que cette communauté à laquelle cette statue est destinée se retrouvera chaque soir autour de celle-ci pour un dernier hymne marial clôturant la journée. Dans une telle perspective, les considérations décoratives ou esthétisantes sur l’œuvre à produire restent indigentes. Ce qui compte vraiment, c’est que l’œuvre, malgré ses imperfections et ses faiblesses, puisse aider à entrer dans la prière. Ce qui compte, et dont on est responsable, c’est de favoriser chez les autres et en soi-même l’union à Dieu.
Avez-vous rencontré à la porte de votre atelier ou sur vos chantiers une « relève » susceptible de maintenir le service du Beau et du Vrai ?
Les jeunes générations ne manquent ni de talent, ni de soif de Beauté. Reste qu’il n’est pas évident de se lancer dans une vie pleine d’incertitudes matérielles. La sculpture est un métier qui s’exerce dans la solitude, la lenteur d’exécution, et le sentiment croissant que plus on avance, moins on sait : l’exact contraire d’une carrière moderne. Le facteur qui pourrait assurer une relève, c’est la commande. Il est évident que des commandes régulières et un peu ambitieuses peuvent favoriser des vocations et pousser des jeunes à franchir le pas. Pour cela, il faut résolument proscrire la politique de l’art bon marché (le “sulpicien” a malheureusement toujours des adeptes !). Il faut cesser de passer des commandes à bas prix auprès de vagues sculpteurs amateurs et pire en s’adressant à des pays qui exploitent une main d’œuvre à très faible coût salarial !
L’art chrétien a encore beaucoup de choses à nous dire, encore faut-il être convaincu que lui seul peut le dire avec les moyens qui sont les siens pour notre temps et dont les caractéristiques principales pourraient se résumer par simplicité, intériorité, espérance.
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