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La guerre de l’information bat son plein

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Philippe Oswald - publié le 30/12/16
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2016 s’achève sur une surenchère d’accusations de désinformation entre le camp occidental et la Russie.

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« Et si Moscou était en train de gagner la guerre de l’information – ou plutôt de la désinformation? » se demande Le Temps (27 décembre). Poutine surfe sur la défiance croissante envers les médias et les politiques en Occident : « L’essor des populistes en Europe et aux États-Unis se nourrit d’un désaveu cinglant des médias et d’un rejet tout aussi rageur des élites politiques. Ils ne seraient plus crédibles. »

Alerte aux cyberattaques russes

« Des sites d’information financés par le gouvernement russe, tels Russia Today ou Sputnik France, sont de plus en plus lus, et commencent à inquiéter les observateurs de la vie politique » s’alarme la très officielle chaine francophone (elle a été créée par le ministère français des Affaires étrangères) TV5 Monde , elle-même victime d’une cyberattaque en avril 2015 : « Le Parlement [européen] se dit gravement préoccupé par la désinformation et la propagande de la Russie visant à affaiblir et à diviser l’Union européenne. Moscou utilise différents moyens, comme la chaîne d’information multilingue Russia Today, des “soi-disant agences d’information “, telles que Sputnik, ou encore une armée de geeks qui agissent sur les réseaux sociaux.” »

Succédant aux accusations de cyberattaque russe au profit de Donald Trump dans l’élection américaine, un nouveau piratage informatique de grande ampleur était attribué à Moscou le 27 décembre, visant  l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) rapporte Le Monde : « Après Hillary Clinton et TV5 Monde, c’est au tour de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d’avoir été victime d’une attaque informatique majeure attribuée à la Russie. L’OSCE, un outil diplomatique issu de la guerre froide quelque peu oublié, est revenue, depuis 2014, au cœur des enjeux stratégiques internationaux à la faveur du conflit en Ukraine. L’organisation, basée à Vienne, présente, en tout cas, suffisamment d’intérêt pour avoir fait l’objet d’un piratage sophistiqué et de grande ampleur… »

Une controffensive problématique

Les Russes qui accusent les Européens et les Américains de partialité, en particulier dans le dossier ukrainien, pourraient être à présent en possession d’ « informations ultrasensibles », explique Le Monde. « Les 57 États membres de l’OSCE ont été informés de l’incident ». L’Allemagne qui préside l’OSCE jusqu’à la fin de l’année est en première ligne : « Les services allemands craignent désormais qu’Angela Merkel, en campagne pour sa réélection, soit la cible des hackers russes. La chancelière allemande est le dernier obstacle important à la levée des sanctions européennes visant la Russie depuis l’annexion de la Crimée. »

Pour faire face, le gouvernement allemand « envisage de mettre en place un centre de défense contre la désinformation » rapporte La Libre Belgique. « L’affaire semble pressante. “Compte tenu des élections fédérales (qui se tiendront en septembre 2017, NdlR), il faut agir très vite”, relève le ministère fédéral de l’Intérieur, Thomas de Maizière. » La Russie n’est pas la seule visée par cette contre-offensive : nombreux en Allemagne, les immigrés turcs « prêtent l’oreille à la propagande d’Ankara. »

Le principal problème posé par un organisme de propagande ou de contre-propagande gouvernemental, est soulevé  par le président de la fédération des journalistes allemands : « Il est incontestable que les fake news ne doivent pas durablement influencer le débat public, mais il va de soi que l’administration publique n’a pas le droit de décider ce qui est vrai et ce qui est faux. » Un déplorable exemple ne  vient-il pas d’en être donné par la France avec le vote du « délit d’entrave numérique à l’IVG » ?

On peut douter que la désinformation soit à sens unique

N’en déplaise aux « experts européens de la sécurité » qui « tirent la sonnette d’alarme », on peut en effet légitimement douter que la désinformation soit à sens unique. De fait, ajoute Le Temps, «  L’UE s’est dotée en 2015 d’une task force de communication stratégique comprenant onze collaborateurs. (…) Mais son impact reste très limité. » Un « expert en sécurité » conclut sagement que  « face à la propagande pilotée par le Kremlin avec de très gros moyens, on doit s’en remettre à la presse libre. »

Parmi les sujets brûlants où s’affrontent les propagandes, la prise ou la libération d’Alep. Alors que les récits des crimes de guerre gouvernementaux et de leurs alliés russes et iraniens ont occupé l’essentiel de l’information occidentale dont la partialité a été dénoncée le 21 décembre par Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) sur LCI, voici que la découverte d’un charnier dans la partie tenue par les « rebelles » embarrasse leurs alliés occidentaux. En effet, rapporte Le Point,  « d’après l’ONU, au moins 82 civils, dont 11 femmes et 13 enfants, ont été exécutés par des milices progouvernementales dans la deuxième ville du pays. »

Étrangement, d’autres conflits non moins meurtriers du Moyen Orient ont été largement occultés par la presse occidentale. Le Yémen, notamment : « Alors que la guerre fait rage en Syrie et en Irak, la violence meurtrit aussi ce pays du Golfe » souligne Radio Vatican. «  Depuis bientôt deux ans, les forces gouvernementales, soutenus par une coalition menée par l’Arabie Saoudite, affrontent des rebelles chiites Houthis qui contrôlent la capitale, Sanaa, mais aussi des groupes terroristes, comme l’État islamique ou Al-Qaïda. Le conflit au Yémen a fait plus de 7000 morts depuis mars 2015, selon l’ONU. »

Un universitaire victime de l’information sur la Syrie

La plus troublant est le sort réservé à certains experts dont les avis tranchent avec le consensus. Ainsi, révèle Causeur, la guerre en Syrie a fait une victime de marque dans l’université française : « Fabrice Balanche, universitaire spécialiste de la Syrie arbitrairement écarté d’une procédure de recrutement d’un maître de conférences à l’IEP de Lyon. » Son tort : «… ce maître de conférences de Lyon-2 a fait entendre une petite musique différente de la ligne fixée au Quai d’Orsay. Aux arguments moraux de la diplomatie française pariant sur l’inéluctable et imminente chute de Bachar Al-Assad, le géographe opposait la résilience du pays profond, tiraillé par des logiques sociales, tribales, politiques et confessionnelles irréductibles au bon vieux clivage Dictateur sanguinaire vs. Démocrates. Sans nier la responsabilité du clan Assad dans la militarisation de la révolution, ni minimiser les crimes de guerres des deux côtés, Balanche a toujours estimé inévitable la poursuite du dialogue avec Damas afin de combattre le djihadisme. » Résultat : « Alors que les rapporteurs du jury avaient relevé l’excellence de son dossier académique », cet universitaire spécialiste de la Syrie est mystérieusement absent de la liste des finalistes et le poste finalement accordé à  «un proche de la ministre de l’Éducation nationale »… Explication donnée à l’intéressé : il serait « surqualifié » !  Le tribunal administratif vient de donner raison à Fabrice Balanche, mais trop tard : écœuré, celui-ci est parti enseigner aux États-Unis. « Le spécialiste de la Syrie fait désormais les belles heures du Washington Institute for Near East Policy ».

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