Laurent Dandrieu revient sur ceux qui ont cherché à faire sentir la présence de Dieu au cœur de notre monde.Après La Compagnie des anges. Petite vie de Fra Angelico (Cerf, 2014) et Le roi et l’architecte (Cerf, 2015), Laurent Dandrieu publie un nouvel ouvrage sur ces peintres qui ont, chacun à leur manière, perçu et représenté l’Invisible, sans pour autant le détacher des réalités les plus simples de notre vie. Recueil de petits textes et comptes rendus d’exposition, Les peintres de l’invisible tombent à point nommé en cette période de Noël : l’auteur nous invite, avec délectation, à (re)découvrir ceux qui, en rendant présent l’Éternel dans l’éphémère, l’Infini dans nos limites humaines, ont admirablement dévoilé le Mystère de Dieu fait homme.
L’art de contempler
Un point commun semble rassembler ces artistes : la force de leur contemplation. Petit moine dominicain dont la vie ne semble pas receler d’exploits extraordinaires, Fra Angelico a pourtant vécu en pleine présence du Créateur, et a ressenti au plus profond de lui-même la “continuité entre le Ciel et la Terre”, qu’il a cherché à transmettre dans sa peinture.
De même, Laurent Dandrieu rappelle les mots d’Augustin Gazier, en 1893, selon lequel “pour Philippe de Champaigne, la peinture était une sorte de prière.” L’auteur montre combien, au-delà de son classicisme souvent déprécié, l’art de Champaigne se concentre bien souvent sur l’Essentiel, et révèle la pieuse intériorité de l’artiste. Quant à Vermeer, c’est en peignant les scènes les plus prosaïques de notre existence qu’il transcende ces dernières et introduit, par une lumière diffuse et délicieuse et un sens éclairé du détail, le Divin dans le quotidien.
Chacun à leur manière, ces peintres nous disent quelque chose de Dieu. Si Vermeer s’intéresse à Dieu dans notre quotidien, Greco, en pleine Contre-Réforme, s’adonne à une peinture des mouvements de l’âme particulièrement vibrante. Chez Rembrandt, c’est sur la dialectique de l’ombre et de la lumière, ainsi que l’humanité du Christ que se penche le génie. Au cœur de la Grande Guerre, George Desvallières, qui a fait l’objet d’une admirable rétrospective cette année au Petit Palais, a exploré le thème du Christ sauveur et souffrant avec les hommes.
Des œuvres pour prier
Au fil des pages, le lecteur se remémore certaines toiles qu’il apprend à regarder autrement, grâce à l’agréable écriture de Laurent Dandrieu. Il s’amuse à aller chercher les reproductions des œuvres mentionnées, pour mieux visualiser ce qui se joue dans chacun de ces chefs-d’œuvre. L’auteur livre, à travers chaque petit essai, des interprétations parfois personnelles, mais qui peuvent nous aider à entrer dans la contemplation de ces œuvres qui, au-delà des mots, nous parlent de l’Invisible.
On saluera la volonté de l’auteur de revenir sur des artistes d’époques et d’origines variées, dont deux artistes du XXe siècle, George Desvallières et François-Xavier de Boissoudy, artiste contemporain, qui tranchent avec le néant dans lequel est tombé un certain art contemporain officiel, décrié par l’auteur. Ceux-ci ne sont heureusement pas les seuls ; on pense également à la peinture mystique de Chagall, par exemple.
Évidemment, d’autres artistes auraient pu être cités… Mais le choix de Laurent Dandrieu est aussi et surtout personnel, ce qui lui permet de nous transmettre avec d’autant plus de finesse ses impressions, pour nous faire mieux apprécier ces peintres de l’Invisible.
Les peintres de l’invisible, de Laurent Dandrieu. Éditions du Cerf, 2016, 10 euros.