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Choisissons-nous toujours les bons cadeaux de Noël pour nos enfants ?

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Ronald Barakat - publié le 22/12/16
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Un lutin, nouvellement recruté dans la Fabrique du pôle Nord, demanda à voir, dès son entrée à l’atelier, le directeur de production. Il se dirigea vers le bureau indiqué, entra après avoir frappé à la porte et demanda au personnage bardé de rouge, capuchonné, bien portant, joufflu, moustachu et barbu pourquoi certaines chaînes de production des jouets de violence comme les pistolets, les fusils, les figurines militaires, les accoutrements guerriers, les chars électriques … et les jeux vidéo de combat sont beaucoup plus longues que les chaînes de livres, de bandes dessinées, de jeux éducatifs, et pourquoi les chaînes de smartphones et autres gadgets numériques s’étendent à perte de vue, alors que ce genre de marchandise n’est pas destiné à des enfants.

Le gros bonhomme tapa nonchalamment de sa main grasse l’énorme tas de lettres d’enfants amoncelées en lui signifiant que sa fabrique est en fait chargée d’exécuter les commandes et ce sont les enfants les donneurs d’ordre, et non pas lui.

« Je ne suis que le sous-traitant et le livreur, mon petit », avoua-t-il sans dérougir et avec un ho-ho-ho retentissant. Étonné, le lutin lui demanda s’il ne souffrait pas d’un conflit d’intérêt et d’un cas de conscience entre sa mission actuelle qui consiste à produire et livrer des marchandises antiéducatives, qui font la distraction d’aujourd’hui et la destruction de demain, et sa vocation originelle qui consiste à promouvoir la paix et l’harmonie par des jouets constructifs et convenables aux enfants, ainsi qu’annoncer la bonne nouvelle de la naissance de l’Enfant Dieu, d’autant plus qu’il fut un temps où il s’appelait saint Nicolas.

Il enchaîna en lui demandant s’il ne devait pas justement, et plus que jamais par ces temps de décadence et de perdition où les enfants grandissent plus tôt sans savoir ce que représente Noël, faire un tri, refuser certaines commandes et en proposer d’autres plus bénéfiques et plus adaptées à des enfants. S’il ne lui incombait pas de remplacer les mauvais cadeaux, approuvés par les parents (et parfois dictés par eux) par de bons cadeaux qui bonifient au lieu de corrompre, qui éduquent au lieu de gâter, qui éclairent au lieu d’aveugler, qui instruisent au lieu d’égarer, qui apaisent au lieu d’agiter, qui favorisent l’amour, la fraternité, l’échange, le rapprochement, la concorde et non leurs funestes contraires.

S’il ne devait pas répondre aux lettres insensées par des lettres de bon sens et les assortir par les cadeaux appropriés. S’il ne sentait pas le besoin d’être un vrai père, proactif, à l’image du Père éternel qui lui a confié la tâche de répandre le bonheur et l’amour, et si, au vu de ce genre de pacotille si pernicieuse, il ne se sentait pas responsable, et même coupable, d’avoir contribué à corrompre tant de générations qui ont fait des adultes butés, égoïstes, matérialistes, envieux, haineux, extrémistes, violents, et des sociétés à leur image.

S’il avait bonne conscience, s’il ne devrait pas mettre un bémol à son ho-ho-ho. S’il ne se sentait pas un peu mal à l’aise de combler ces « petits souliers » qui seront souillés alors que des enfants ne demanderaient pas mieux que d’avoir rien qu’une paire de souliers. S’il lui arrive de penser aux enfants condamnés à l’analphabétisme, qui sont incapables de lui écrire une lettre, et ceux qui n’ont même pas les moyens matériels de le faire. À ces enfants dont les vœux se sont dispersés dans la misère, dans les rêves irréalisables, à ces enfants rendus orphelins par des adultes qui avaient reçu de lui des pistolets en plastique, que le temps a convertis en acier. S’il ne devait pas aussi taper de sa main grasse des tas de lettres invisibles, impossibles, que beaucoup d’enfants démunis auraient voulu lui écrire. Et enfin, s’il se sentait fier de voler la vedette à l’hôte de la fête, d’être le point de mire, d’engloutir de sa personne les sapins et d’occulter la crèche.

Le gros bonhomme resta interloqué, hébété devant ce petit bout d’homme, et son ho-ho-ho lui resta cloué dans la panse. Il se demanda si ce n’était pas l’Enfant qui lui parlait à travers ce lutin. De suite, il rassembla tous les lutins de la fabrique et leur demanda d’arrêter la production de tous les mauvais joujoux et appareils aliénants, et de mettre au rebut ou recyclage ce qui a été usiné. Il s’attela à l’énorme tâche de répondre aux mauvaises demandes par les bonnes offres, aux lettres folles par des mots raisonnables… avec une copie conforme aux parents. Et il prit soin de recommander une petite crèche en lieu et place des souliers, afin de rappeler l’essence de l’événement et le sens de l’Avènement, et ainsi rendre à l’Enfant ce qui est à Dieu.

Quant aux souliers, il posa comme condition sine qua non de son passage qu’ils soient donnés aux « sans-souliers ». Leurs parents pourront aisément leur en acheter d’autres. Le lutin pas comme les autres contempla ces bonnes actions et enfin, après une longue exclusion, une interminable attente et beaucoup de prières, il prit douillettement et paisiblement place dans la crèche.

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