John Kerry vient de ruiner toute tentative de coopération américano-russe.
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Trois événements ont marqué la scène syrienne ces dernières 48 heures et contribuent à donner un sens à la guerre qui s’y déroule.
1. Le siège d’Alep tourne définitivement en faveur du régime syrien.
Ce dont se sont réjouies les populations à Damas et dans un grand nombre de villes du pays, particulièrement à Alep-Ouest (9 décembre). Cet enthousiasme n’a pas été relayé dans les médias européens, contribuant ainsi à nous masquer une partie de la réalité de ce théâtre. Les populations civiles d’Alep-Est n’étaient pas toutes ralliées aux djihadistes et islamistes rebelles, lesquels les ont empêchées de fuir lorsque les Russes et l’armée syrienne avaient laissé ouverts des corridors humanitaires.
2. L’État islamique a repris Palmyre ce 11 décembre.
Depuis une semaine déjà des rumeurs d’attaque massive de Daesh couraient sur internet, annonçant la reprise prochaine de la ville antique, et cela malgré les bombardements russes. Cette réussite brutale et symbolique confirme que Daesh n’est pas fragilisé en Syrie comme il peut l’être en Irak (quoique sa résistance à Mossoul, Kirkouk et Hawidja soit impressionnante).
L’organisation a perdu du terrain dans le Nord de la Syrie face à l’armée turque et aux Kurdes, essentiellement en raison des frappes aériennes de la coalition. Pourtant, dès que les raids aériens se raréfient, le groupe conserve un dynamisme tactique incomparable. C’est le cas face au régime syrien et à l’aviation russe, qui n’ont pu assumer deux fronts à la fois : la bataille d’Alep et la contre-offensive autour de Palmyre. Cela signifie que le régime est plus fragile qu’il n’y paraît et que son objectif prioritaire reste la défaite des djihadistes de Fatah al-Cham (ex-Jabhat al-Nosra). L’État islamique peut donc encore se maintenir longtemps en Syrie.
3. L’annonce par John Kerry d’une qualification de crime de guerre et de crime contre l’humanité visant le régime syrien (10 décembre).
Les États-Unis s’étaient rangés en 2016 à une politique pragmatique vis-à-vis de Damas, en acceptant une coopération tacite contre les groupes djihadistes et un partage quasi officiel des espaces aériens de la Syrie. La Russie ciblait Fatah al-Cham et sa nébuleuse, tandis que Washington s’en prenait d’abord à Daesh. Mais, à la veille de céder le pouvoir, l’administration Obama a été rattrapée par les options premières de sa géopolitique. En accusant le régime syrien de crimes contre l’humanité, les États-Unis et la France défendent les principes onusiens, les droits de l’homme et la démocratie. Mais ils réactivent une diplomatie idéaliste déconnectée de la réalité et aveugle à la violence des rebelles, qu’il faut bien qualifier de djihadistes, qu’on le veuille ou non.
Les crimes contre l’humanité étant imprescriptibles, John Kerry ruine toute tentative de coopération américano-russe, pousse l’Égypte et Israël dans l’orbite de Moscou, coupe l’herbe sous le pied de son successeur en janvier, et remet à après-demain l’issue de la guerre (2019 ? 2020 ?). En refusant de choisir un camp et de le soutenir, les États-Unis prolongent la guerre.
Ces trois faits indiquent en conclusion que le régime de Damas a un besoin cruel d’aide extérieure, aide militaire et surtout diplomatique ; que le djihadisme n’est pas mort en Syrie, et qu’il continue de profiter des incertitudes de la diplomatie américaine.
Olivier Hanne est chercheur-associé à l’université d’Aix-Marseille.