Qu’elles s’inscrivent ou non dans la primaire, les candidatures à la présidentielle se multiplient à gauche, dans un tourbillon qui menace d’achever sa désagrégation.
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« Cette primaire ne peut pas être une foire d’empoigne » ou « un congrès » du Parti socialiste, a averti l’ancien premier ministre Manuel Valls, mercredi 7 décembre, lors de son premier meeting de campagne dans le Doubs. «Alors que la probable candidature de l’ancien ministre Vincent Peillon est venue renforcer le risque d’un front anti-Valls, l’ex-locataire de Matignon a dit qu’il voulait s’adresser “aux Français” mais pas “au parti” », souligne Paris Match.
Vincent Peillon, « le serpent qui trahit toujours »
Cela tient sans doute de la méthode Coué. On compte déjà, dans la primaire ou en dehors, cinq anciens ministres de François Hollande parmi les candidats de gauche à la présidentielle : Manuel Valls, Emmanuel Macron, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon. La candidature de ce dernier, serait-ce la surprise du chef ? : « Mais qui est donc le grand manitou caché derrière la candidature surprise de Vincent Peillon ? », s’interroge Le Parisien : « Faut-il y voir la main experte d’un Machiavel pour torpiller la candidature de Manuel Valls ? Pour le savoir, mieux vaut être expert en archéologie socialiste… François Hollande ? Ses proches promettent que non. Le président serait même “furieux”de la candidature de celui qu’il surnommait avant 2012 “le serpent qui trahit toujours”, qui pourrait dégrader ses relations avec Manuel Valls. »
Quoi qu’il en soit, « ça se bouscule au portillon socialiste » constate Mediapart : « Au fil des semaines, c’est la nature même de cette primaire qui est bouleversée : plus personne ne semble croire qu’elle peut contribuer à une victoire à la présidentielle. C’est donc l’avenir du PS qui paraît davantage s’y jouer. »
Montebourg tire à vue contre Valls, « le “Joe Dalton” de la gauche »
« En petit comité, témoigne Le Parisien, Manuel Valls affiche sa conviction : il est “le seul” à gauche “qui puisse gagner” la présidentielle. Encore faut-il passer la délicate épreuve de la primaire. Ce n’est pas gagné. Il le sait. Le spectre du “tout sauf Valls” rôde. » De fait, la première réplique n’a pas tardé : « Comme en écho, Montebourg tire à vue depuis Dijon (Côte-d’Or) : “C’est très difficile d’être rassembleur, quand on a soi-même divisé.”
Manuel Valls, c’est « le “Joe Dalton” de la gauche », titre Famille Chrétienne, en référence à la célèbre BD Lucky Luke. « C’est un chef de bande qui semble dégager une détermination absolue. Mais c’est un chef mû par les colères et les caprices » commente François Bert, qui vient de publier Le Temps des chefs (Amazone). « Il a un mouvement centripète qui lui permet d’embarquer les gens avec lui, mais sans direction, comme une tornade. » Surtout, explique le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui va publier chez Perrin, “un essai sur la gauche en miettes”, l’ancien premier ministre « va devoir faire face à une contradiction majeure : comment défendre en même temps le bilan de François Hollande et jouer l’indépendance vis-à-vis de la Rue de Solférino ? ».
Une militante échauffée ne s’est pas privée de le dire vertement à Manuel Valls, rapporte RTL : «… la militante a fait référence aux candidatures [hors primaire] d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon, selon elle, handicap à une possible réussite de la gauche en avril prochain. “C’est à vous de les convaincre. Arrêtez de jouer comme des gamins dans une cour de récré. C’était votre ministre Macron quand même ! Et Jean-Luc Mélenchon, vous le connaissez ! Alors arrêtez de jouer comme des gosses et allez-y” ».
Mais Valls n’y peut rien : les quinquas du PS frétillent, observe Le Monde. Ils se précipitent dans le marigot : « C’est leur tour, enfin ! Alors ils y vont tous, à la queue leu leu. Benoît Hamon a été le premier à se déclarer candidat, puis Arnaud Montebourg, suivi de Manuel Valls. Et maintenant Vincent Peillon qu’on n’avait pas vu venir, que l’on croyait en semi-retraite de la vie socialiste depuis son éviction du ministère de l’éducation nationale, en 2014. »
Pour Macron, la primaire, « ce n’est même pas la peine d’en parler »
Et tant pis pour les « camarades » qui prétendent jouer les juges de paix. Valls le premier qui a réitéré son appel à Macron vendredi matin, 9 décembre, au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC : « Viens participer à la primaire ! » Presqu’une supplication ! En vain : « Emmanuel Macron rejette les appels de Valls et Cambadélis » à jouer le jeu de la primaire, relève BFMTV : « Cambadélis me traite de peureux, me qualifiait de ministre d’ouverture quand j’étais au gouvernement. Et maintenant que notre rassemblement commence à faire peur, il faudrait qu’on se perde dans la primaire? ». « Pour Macron, la primaire de la gauche, ce n’est même pas la peine d’en parler », commente L’Express. Ambiance…
Mélenchon « premier YouTubeur politique de France »
Celui qui tire les marrons du feu, pour l’instant, c’est Jean-Luc Mélenchon, notamment auprès des jeunes. Sur YouTube, relève le site Business Insider, il est « le premier homme politique à atteindre les 100.000 abonnés (…) Sa chaîne “JLMelenchon” – anciennement baptisée “Place au peuple”- a connu une ascension fulgurante depuis le mois de novembre. À titre de comparaison, la deuxième chaîne politique française la plus suivie est celle de l’Union Populaire Républicaine avec quatre fois moins d’abonnés — suivie de celle du Front national (16.793) (…) ». « Il est désormais le premier YouTubeur politique de France », s’enthousiasme Les Inroks qui fait un « retour sur une ascension 2.0 fulgurante. » Benoît Hamon, ne s’y trompe pas : invité de « L’Émission politique » de France 2, le 8 décembre, il a « assumé » avoir des « passerelles » avec lui, relève Ouest-France.
Tout ça pour ça…
Tout cela fait certes du « buzz » mais n’affole pas les sondages qui donnent « Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Manuel Valls (…) dans un mouchoir de poche au premier tour de l’élection présidentielle » tandis que « François Fillon et Marine Le Pen se qualifieraient dans toutes les hypothèses pour le second tour » constate Europe 1. Le spectacle qu’offre actuellement la gauche, c’est celui d’une comédie dont on peut emprunter le titre à Shakespeare : « Beaucoup de bruit pour rien ».