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L’extraordinaire mise en scène du Trésor de la cathédrale d’Angoulême

Jean-Michel Othoniel, Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême, vue de la salle dédiée au Merveilleux, 2016. Une commande publique de la DRAC Nouvelle- Aquitaine Photo : Yann Calvez

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Caroline Becker - publié le 07/12/16
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Le grand artiste Jean-Michel Othoniel a été invité à réaliser une nouvelle scénographie.

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La Direction Régionale des Affaires Culturelles Aquitaine – Limousin – Poitou-Charentes a engagé en 2007 la restauration de la cathédrale d’Angoulême. Le programme ambitieux a consisté à restaurer l’état néo-roman de cet édifice, très remanié au XIXe siècle par Paul Abadie l’architecte du Sacré Cœur à Paris. A cela s’ajoute la création de nouveaux espaces afin d’acceuillir une partie des collections d’objets liturgiques.

C’est l’artiste Jean-Michel Othoniel qui a été invité à mettre en scène le trésor. Othoniel, dont la dimension auratique de l’œuvre est parue évidente, a travaillé plus de huit ans à la réalisation de cette commande unique, n’ayant de cesse de lier art contemporain et Histoire. Ce sont trois salles qui ont été aménagées pour recevoir cette collection d’objets d’art liturgique qui témoigne de la ferveur populaire du XIXe.

Puisant son inspiration dans les couleurs et les entrelacs géométriques de l’art roman, Othoniel a réuni autour de lui de nombreux savoir-faire et artisans. Il a dessiné de nouveaux motifs pour les sols et les revêtements muraux, créé de gigantesques vitraux tout en nuances de bleu, pareils au manteau de la Vierge. Un extravagant mobilier de perles accueille le Trésor et la statuaire. Créant un parcours en trois stations, de l’intime au sublime, il replace l’homme, l’universel et la question du sacré au centre du Trésor.

En plaçant le visiteur dans un espace conçu comme une grande châsse reliquaire, Jean-Michel Othoniel pose la question du mystère de la foi, de la ferveur ou de la passion et vient poser le regard nécessaire sur le rapport qu’entretiennent avec leur fonction ces objets et ces séries, qui sont aussi des œuvres.

Les salles du Trésor

Le Trésor occupe trois espaces attenants à la cathédrale : la chapelle gothique Saint-Thibaud, au rez-de-chaussée, construite au XVe siècle le long du mur oriental du transept de la cathédrale, la chapelle haute, au premier étage, surplombée d’une voûte gothique en croisées d’ogives, et la salle du clocher au premier étage. La grande baie de cette salle ouvre sur le transept de la cathédrale. Chaque salle du Trésor correspond à un thème : le Lapidaire, l’Engagement, le Merveilleux.

Les objets du Trésor

Les ostensoirs, encensoirs, reliquaires, calices, patènes, couronnes, sceptres, chasses, aiguières, thabor, qui composent le Trésor, faits de métal doré et de verre ont offert une grande liberté d’intervention à l’artiste. Ces pièces d’orfèvreries, ces vêtements liturgiques témoignent d’une période extravagante que l’artiste a souhaité évoquer dans toute sa théâtralité.

Le lapidaire

La première salle et ses deux croisées d’ogive datant de 1592, est dans le projet d’Othoniel dédiée au lapidaire récupéré par Abadie lors de la première restauration de la cathédrale au XIXe siècle. Accessible à tous cette salle, attenante à la chapelle des œuvres, accueille en son centre et posé sur un socle en perles de verre argenté, une grande Vierge à l’Enfant de Jean Degoulon datant de 1679. Autour de cette magnifique sculpture de pierre, de nombreux fragments d’époque romane, venant des tympans de la cathédrale sont accrochés à même le mur. Le lapidaire prend dès cette première salle, valeur de relique comme en témoignent les deux chapiteaux remployés par Girard II dans le chœur de la cathédrale.

Des vitraux dessinés par l’artiste habillent les baies qui diffusent une douce lumière azurée. Une grande tenture de velours bleu brodée d’une pluie de sequins d’or sert de toile de fond à cette précieuse sculpture de la Vierge.

L’engagement

La deuxième salle, protégée par une lourde grille composée de cinq cent anneaux d’aluminium anodisés est accessible aux seuls visiteurs du Trésor. Derrière elle, un escalier bordé de rideaux bleu brodés d’or donne accès à une salle en étage dédiée à la gure du prêtre, à son engagement et au rituel qui l’accompagne dans sa foi. Cet escalier en vis est coiffé d’une coupole renversée composée de cabochons de verre bleu et de cives d’or et d’ambre, dessinée par l’artiste. Un mobilier inspiré des chapelets de prières est bâti sur des colonnes de perles de verre noir opaque. Ces vitrines en forme de tabernacle accueillent les vêtements utilisés pendant les cérémonies liturgiques et les objets nécessaires à la célébration de l’Eucharistie.

D’autres objets, ne datant pas du XIXe siècle sont mis en avant car ils symbolisent un engagement extrême vécu lors de périodes troublées. Il s’agit du ciboire appartenant à un prêtre réfractaire utilisé pour célébrer la messe clandestinement pendant la période révolutionnaire et de la valise utilisées par un prêtre prisonnier de guerre habilité à célébrer dans les camps pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Le merveilleux

La troisième salle du Trésor est née de la transformation de la base du clocher après le bombardement de la cathédrale, en 1568, par l’amiral Coligny. Le projet contemporain d’Othoniel permet aujourd’hui au visiteur la redécouverte des vestiges de l’embase du clocher datant du XIIe siècle. Cet impressionnant volume cubique est le cœur du Trésor d’Othoniel.

La profusion et la mise en scène des objets, le rouge et de l’or mêlée au gris rosé de la pierre calcaire, les vitrines chargées d’objets brillants fraîchement restaurées, expriment à eux seuls tout l’étourdissement mystique et populaire de ce Trésor de la foi.

« Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême est donc une œuvre d’art totale, immersive, qui lie l’art contemporain et l’Histoire. J’ai cherché à retrouver ce sentiment de stupeur et d’émerveillement que pouvaient procurer les trésors anciens. J’ai eu la chance de pouvoir mettre en scène des objets sacrés méconnus, et replacer l’homme et la question de la foi au centre du Trésor. L’expérience au sein de cet environnement enchanté sera personnel à chacun, liant plaisir esthétique et plaisir mystique. M’inspirant d’une phrase de l’Abbé Suger de Saint-Denis qui fut l’un des premiers réformateurs de l’art roman je peux dire que la splendeur multicolore des gemmes nous distraira sûrement de nos soucis extérieurs, que cette digne méditation sur la beauté nous convaincra peut-être d‘adhérer à la sainte vertu des objets. Nous transférant des choses matérielles aux sensations immatérielles, le Trésor nous donne l’impression de nous trouver dans une région lointaine de la sphère terrestre. Il ne réside pas tout entier dans la fange de la terre ni tout entier dans la pureté du ciel. » Jean-Michel Othoniel.

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