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Aleteia: Comment êtes-vous devenue artisan d’art ? Etait-ce un rêve d’enfant ?
Catherine Le Grix de la Salle : À vrai dire, ma vie professionnelle a commencé bien loin des ateliers. Après l’obtention d’une maîtrise en journalisme, j’ai fait mes premières armes dans un magazine institutionnel pour des articles orientés « patrimoine ». De la cathédrale d’Amiens au Mont Saint-Michel, je suis tombée amoureuse de ce métier qui m’offrait l’opportunité de pérégriner d’un monument à l’autre, avec des conservateurs passionnés en guise de guide. L’arrivée successive de mes enfants a mis un terme à ce début de carrière. Sensible à la couleur, à la matière, manuelle par nature, je me suis intéressée à l’artisanat d’art, avec une prédilection pour les métiers très anciens.
De là à apprendre l’émail d’art, le parcours n’a pas dû être rectiligne ?
En effet, mes premières investigations n’étaient guère encourageantes. Aucune formation n’était proposée en France hormis à Limoges. À cette déception s’est ajoutée une seconde déconvenue ; les émailleurs interrogés m’encourageant fortement à me former à la dinanderie (NDLR : forme artistique de la chaudronnerie, qui travaille les métaux nobles) et les dinandiers ne couraient déjà pas les rues dans l’hexagone. Après une longue attente, l’horizon s’est ouvert. À l’automne 2010, un dinandier et une émailleuse de ma région ont accepté de m’accueillir au sein de leurs ateliers. Pendant cette période, providentiellement, j’ai pu acquérir le stock et le matériel d’un ancien émailleur. C’était le début d’une belle aventure !
Quelles sont vos sources d’inspiration préférées ?
J’éprouve une réelle admiration pour les émailleurs d’autrefois, tout particulièrement pour les orientaux, dont le travail est d’une minutie confondante. À une époque où les moyens techniques étaient loin d’être ceux d’aujourd’hui, c’est une véritable gageure. Le champlevé de l’art roman, notamment, est une source d’inspiration inépuisable même si je suis encore bien loin d’avoir acquis de telles compétences.
Vous perpétuez un artisanat d’art très ancien, une démarche résolument « à contre-courant » ?
L’aspect pérenne de l’émail, à l’heure où l’obsolescence programmée est un fait avéré, ne peut me laisser indifférente. Les plus vieux émaux datent du XVIe siècle avant Jésus-Christ ! Comment ne pas s’en émerveiller ? À ma toute petite échelle, je suis heureuse de contribuer à la création d’œuvres capables de résister au temps, que rien ne viendra altérer. Il y a même, dans cette pérennité des émaux, cette propension à être transmis d’une génération à une autre, l’idée d’une certaine responsabilité de l’artiste. Tous ces objets me survivront.
Comment s’articulent travail et spiritualité dans le quotidien de votre atelier ?
Bien que l’éventail de mes productions soit assez large, rien ne me donne davantage de satisfaction que la fabrication d’un objet destiné à la prière. Je crois pouvoir dire qu’il existe une sorte de connexion – oserais-je dire de communion ? – entre la réalisation de l’œuvre et sa finalité dont l’Esprit Saint se fait le vecteur. Dans mes mains, l’objet, à peine terminé, semble m’échapper comme s’il portait désormais une part de Sacré. Une sorte de petit miracle et, pour moi, une joie indicible !
Pour découvrir le travail de Catherine : Émaux de Garonne.
Propos recueillis par Thomas RENAUD