Charlotte d’Ornellas réalise un entretien édifiant avec le patriarche Grégoire III Laham à propos de la situation actuelle des chrétiens d’Orient.
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Le patriarche grec-melkite catholique d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem, Grégoire III Laham, est né en Syrie en 1933. C’est au Liban qu’il entre au petit séminaire à l’âge de 11 ans avant de se rendre en Allemagne pour terminer sa formation. Il fut notamment vicaire patriarcal en Terre sainte durant vingt-six ans. Nommé patriarche, il est de retour dans son pays natal quelques années avant que n’éclate le conflit actuel. L’association SOS Chrétiens d’Orient et Charlotte d’Ornellas le rencontrent pour la première fois en 2012 ; une amitié solide les lie désormais. C’est de cette relation de confiance qu’est né cet entretien éclairant et incisif : « Ne nous laissez pas disparaître ! » Un cri au service de la paix , aux éditions Artège.
L’importance du conflit israélo-palestinien
Évoquant ses vingt-six années passées en Palestine, « les plus belles de son sacerdoce », Grégoire III Laham souligne l’importance du conflit israélo-palestinien dans les guerres actuelles au Proche Orient. « Si je me suis autant investi dans ce conflit, c’est parce qu’il a eu une influence énorme – et continue à l’avoir – sur la présence chrétienne au Proche-Orient. L’émigration massive des chrétiens puise sa source dans ce conflit et arrose toute la région, souvent pour le pire ». Lors de chaque crise entre Israël et la Palestine, la population et particulièrement les chrétiens sont touchés. Pendant son vicariat, il a vu diminuer le nombre de chrétiens à Jérusalem de 12 000 à 4 000. « C’est pourquoi j’ai agi de toutes mes forces pour demander que justice soit faite aux Palestiniens, tout en éduquant ces derniers à ne pas haïr leurs ennemis. C’était mon rôle de chrétien : notre présence dans cette région n’a de sens que si elle est une mission dont nous comprenons le sens ». Alors qu’il reconnaît la délicatesse de ce sujet, le patriarche se demande quelle place est celle des chrétiens et des musulmans dès lors que l’on parle d’ « État juif ». « Parler d’ “État juif”, c’est légitimer les aspirations des autres communautés à créer leur État, et à y exclure toutes les minorités ».
Un conflit artificiel ?
Observateur et victime du conflit tragique qui se déroule en Syrie, le patriarche assure pourtant n’avoir rien vu venir. S’il concède que de nombreuses améliorations étaient nécessaires au niveau du gouvernement syrien, « la Syrie était l’un des pays les plus favorables à la liberté religieuse, c’est aussi une donnée qu’il faut prendre en compte : nous pouvons construire autant d’églises que nous voulons, l’eau et l’électricité sont offertes par l’État pour les mosquées comme pour les églises… ». Ainsi, pour lui la crise n’est pas tant syrienne qu’artificielle, il s’agit d’un « chaos provoqué par des intérêts, certainement pas une révolution au profit de valeurs indiquées ici ou là ».
Pour autant, Grégoire III Laham ne comprend pas la politique européenne d’ouverture. « Les gouvernement occidentaux ont ouvert grand leurs portes, les passeurs ont encouragé cet exode pour leurs affaires, les gens ont tout vendu pour tenter de payer ce passage… ». Ce sont beaucoup de jeunes qui sont partis, une grande partie pour fuir le service militaire, une situation que le patriarche déplore. « Ce pays et notre Église n’auront pas d’avenir sans leur jeunesse, c’est aussi simple que cela ! ».
Fort de son espérance, le patriarche use de son énergie pour encourager ses « fidèles à rester dans cette région, non simplement parce que nous sommes chez nous mais parce que l’Orient a besoin d’eux, l’Orient a besoin de ce message chrétien. De nombreux musulmans le disent eux-mêmes : ils ont peur de voir le monde arabe s’attrister sans les chrétiens et leurs belles valeurs apaisantes ».
Tous les bénéfices générés par ce livre seront reversés à l’association SOS Chrétiens d’Orient, une association qui aide les chrétiens à demeurer chez eux.
Grégoire III Laham : « Ne nous laissez pas disparaître ! » Un cri au service de la paix, entretien réalisé par Charlotte d’Ornellas, Artège, 130 pages, 12,90 euros.