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Avec 66% des voix, François Fillon a remporté une victoire sans appel sur Alain Juppé au second tour de la primaire de la droite et du centre. Pendant ce temps, la gauche accélère sa décomposition.
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Depuis le premier tour, sa victoire était une quasi-certitude. « Dans un sondage Opinionway publié vendredi, François Fillon est crédité de 61% des intentions de vote contre 39% pour Alain Juppé » rappelait, ce dimanche 27 novembre, la Tribune de Genève. En réalité, le score de François Fillon a été encore plus impressionnant : 66 % contre 33% (résultats partiels, dimanche soir). « François Fillon est arrivé en tête dans presque tous les départements métropolitains au second tour de la primaire de la droite, ne laissant à Alain Juppé que la Gironde et la Corrèze » relève Europe 1. Et dire que medias et sondages le mettaient en quatrième position vingt jours plus tôt !
« Un adversaire sérieux pour la gauche » avertit Manuel Valls
Mais au lendemain du débat télévisé du 24 novembre (suivi par 8,5 millions de téléspectateurs) et à 48 heures du deuxième tour de la primaire de la droite, le président de la République et le Premier ministre avaient vu le danger : « C’est sur le grand favori de la primaire de la droite que François Hollande et Manuel Valls réagissaient, comme si celui-ci avait déjà gagné » observait Le Monde : « Le président lui a ainsi décoché quelques flèches, exprimant son opposition à la construction d’une “histoire officielle, un récit national, un roman” et a appelé à manier les “référendums” avec “prudence” et “retenue”, en allusion à des propositions de François Fillon. Dans les colonnes de Paris Normandie, le Premier ministre Manuel Valls a quant à lui estimé qu’il ne fallait pas sous-estimer François Fillon, “un adversaire sérieux pour la gauche” : “Il ne faut pas le sous-estimer, bien au contraire, car il pourra rassembler la droite.”” C’est fait, et avec maestria.
« Voilà l’éternel second, enfin premier », constate Le Progrès : « Longtemps cantonné au rôle de lieutenant de Philippe Séguin puis de collaborateur de Nicolas Sarkozy, l’ex-Premier ministre de 62 ans doit désormais assumer son nouvel habit de numéro un. (…) Celui qui aurait fait “un bon ministre de la Défense s’il n’avait pas été balladurien” en 1995 (Jacques Chirac), qui étala sa rancœur après son éviction du gouvernement en 2005 (“De Chirac on ne retiendra rien, sauf mes réformes”), qui œuvra largement à la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 avant d’endurer son “hyperprésidence” pendant cinq ans, a longtemps fait figure de victime idéale. Ultime épisode de la série : sa défaite fin 2012, dans des conditions très controversées, face à Jean-François Copé dans l’élection interne pour la présidence de l’UMP. »
Des clarifications attendues
Mais qui est vraiment François Fillon ? se demande, dans une tribune du Figaro, l’historien des idées François Hugenin : « Conservateur catholique ou ultralibéral ? Gaulliste tendance souverainiste ou européiste ? Où est donc Fillon qui a rassemblé au premier tour une grande partie de la droite libérale, beaucoup d’électeurs catholiques mais aussi les gaullistes sociaux, tandis que Juppé a recueilli les suffrages des nostalgiques (il en reste) du chiraquisme, des centristes, et même de la gauche (…) ». Sans doute n’est-il pas ultralibéral comme l’en accuse la gauche mais pragmatique : « Il y a des moments où l’intervention publique est nécessaire, d’autres où l’économie doit être libérée. » Fillon n’est pas très clair « sur l’Europe et le rôle des nations (…) lui qui naguère se prononça contre Maastricht mais approuva le traité de Lisbonne ». Flou aussi « sur des sujets aussi sensibles que la GPA ou l’euthanasie ». Et carrément décevant sur l’IVG : « Sur l’avortement, il a vraiment été très loin de positions catholiques et aurait pu vraiment dire plus clairement que l’avortement est toujours un drame qui doit être évité. En revanche, sur la réforme de l’école, la transmission d’un savoir qui soit aussi un amour de la France, Fillon semble bien plus proche d’un discours conservateur que Juppé. » On verra si les actes suivent…
Alain Juppé tombe de haut
Quant à Alain Juppé, il aura été « favori deux ans et demi, outsider une semaine » constatait Anna Cabana dans le JDD : « Il a fait la course en tête pendant trois ans. Mais à quelques heures de sa fin, les espoirs d’Alain Juppé de remporter la primaire de la droite et du centre sont bousculés » par les 27,6% des voix qu’il avait obtenus au premier tour de la primaire de la droite. « C’est cet homme qui devait être roi que, dimanche dernier, les électeurs ont humilié en le reléguant plus de 15 points derrière François Fillon ! L’écart était trop grand, trop inattendu. Intolérable, donc. Alain Juppé a été tenté, très, de jeter le gant. “Pourquoi mener un combat qu’on est presque sûr de perdre ?”, s’est-il interrogé auprès d’une proche. Et puis, pour le traiter ainsi, les Français ne venaient-ils pas de lui prouver qu’ils ne le méritaient pas ? — voilà ce que son orgueil lui susurrait à l’oreille. Voilà ce à quoi il s’accrochera, si les électeurs du second tour ne démentent pas ceux du premier. »
Reste à présent à Alain Juppé de tenir sa « promesse de soutenir Fillon » à la présidentielle « même si Bayrou se présente » comme le rappelait, vendredi, Paris Match.
Au centre, panique et ralliements…
Au centre, « la vague Fillon bouscule les plans des centristes (…) qui s’étaient quasiment tous rangés derrière Alain Juppé comme rassembleur de la droite et du centre », constate LCP. « Premier concerné : le président du MoDem, François Bayrou, qui soutient le maire LR de Bordeaux depuis deux ans et dit maintenant vouloir “penser projet” avant “candidature”, laissant ainsi flotter une certaine ambiguïté sur ses propres intentions. (…) À l’UDI, c’est la panique. Son président, Jean-Christophe Lagarde, a opté pour Alain Juppé et continue de le soutenir. Début septembre, sa main tendue à Emmanuel Macron après le départ de ce dernier du gouvernement avait semé le trouble dans son camp. La fuite, logique, de centristes vers François Fillon a donc déjà commencé. »
À droite, il n’y avait en revanche pas d’ambiguïté de la part de Jean-Frédéric Poisson qui s’est confié au Huffington Post au lendemain du premier tour : « Depuis le début de cette campagne, j’ai toujours dit que je ne souhaitais absolument pas, pour le bien de la France, qu’Alain Juppé gagne cette primaire. J’ai toujours combattu son idée d’une France multiculturelle, dénoncé sa naïveté sur le sujet de l’islam, refusé son projet technocratique et sa vision mondialiste de l’économie. À l’inverse, j’ai toujours reconnu que le candidat dont j’étais le plus proche idéologiquement, malgré des divergences importantes sur certains sujets comme le mariage pour tous et la vision de l’économie, était François Fillon que j’ai donc choisi de soutenir. »
La gauche se condamne aux supplices du rouet et de l’écartèlement
À gauche, enfin, René Poujol, ancien directeur de la rédaction de Pèlerin, estime dans une tribune publiée par Causeur que François Fillon est « le coup de fouet qu’il fallait à la Gauche » : « De longs mois nous séparent encore du scrutin de la présidentielle et il faut souhaiter, pour notre démocratie, que le débat politique se prolonge, s’approfondisse et s’amplifie (…) Car de ce débat dépend non seulement le choix d’un nouveau Président de la République, mais la clarification nécessaire à une recomposition ultérieure du paysage politique et sans doute à un réexamen de nos pratiques démocratiques. (…) Mais dans la recomposition du paysage politique qui s’annonce et qui n’interviendra qu’après l’échéance présidentielle, la gauche devra tout de même s’interroger sur l’impasse d’une idéologie libérale-libertaire qui la conduit à un état de décomposition qu’elle se refuse toujours à regarder en face. »
Pour l’heure, ce n’est pas seulement au fouet mais aux supplices du rouet et de l’écartèlement que la gauche paraît s’exposer d’elle-même. Dans une interview au JDD, dimanche 27 novembre, Manuel Valls laisse clairement entendre qu’il se prépare pour la primaire de la gauche afin de « proposer du fond, une voix et de l’incarnation ». « Les choses s’accélèrent et la tension monte » commente Hervé Gattegno directeur de la rédaction du JDD : « Soyons clairs : la gauche n’a jamais été aussi divisée, les socialistes n’ont jamais été aussi affaiblis et François Hollande, qui devrait être leur chef naturel, n’a jamais paru aussi peu en mesure de les rassembler. C’est ce qui fait que les candidatures se multiplient : à l’intérieur et à l’extérieur du PS. Il y a Mélenchon et Macron au dehors, Montebourg et Hamon dedans. Tout le monde attend que François Hollande entre en lice à son tour. Ce qu’on comprend en lisant le JDD, c’est qu’il ne faut pas exclure qu’il y ait Manuel Valls aussi. Et ça, ce serait un choc politique et un choc institutionnel. Tout va se jouer dans les quelques jours qui viennent. » En effet, les candidats à la primaire de la gauche ont jusqu’au 15 décembre pour se déclarer.
La veille, samedi 26 novembre, le président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone, avait « bousculé le rassemblement des aubrystes à Bondy, en appelant à une primaire avec Hollande et Valls » relève Mediapart. Qui conclut : « À cinq mois de la présidentielle, la gauche de gouvernement a totalement explosé. » Comparé à celle de la droite, « la participation à la primaire de gauche est une autre paire de manche », prédit le politologue Pascal Perrineau sur LCP.
Avec la compétition ouverte entre le président Hollande et le Premier ministre Valls, c’est non seulement une crise à gauche mais une crise politique et institutionnelle d’une exceptionnelle gravité qui s’ouvre au sommet de l’État, remarquaient dans deux tweets, à droite, Guillaume Tabard et, à gauche, Françoise Degois.